Le retail américain résiste face à la pandémie
La pandémie n'a pas complètement freiné la consommation américaine en 2020. Les résultats préliminaires montrent que les ventes au détail ont augmenté de 6,7% à 4,06 billions de dollars, au-dessus des prévisions de la NRF d'une croissance d'au moins 3,5%, et en dépit d'une baisse des dépenses sur les trois derniers mois de l'année. "La croissance du commerce américain demeure encore une fois plus importante que celle du PIB, indique Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. C'est une vraie performance pour les États-Unis au vu de la situation sanitaire dégradée tout au long de l'année et du nombre record de décès. Le retail américain fait preuve de résilience. Il demeure le numéro 1 mondial devant la Chine."
La crise de la Covid-19 a néanmoins provoqué une contraction du PIB américain de 3,5% par rapport à 2019, selon l'estimation préliminaire du département du Commerce publiée en janvier. Les dépenses de consommation des ménages, lesquelles représentent près des trois quarts de l'économie américaine, ont chuté de 3,9% par rapport à l'année précédente. Les ventes au détail avaient plongé en mars et avril 2020 sous l'effet de la crise sanitaire, avant d'enregistrer des hausses records en mai et juin, soutenues par les aides du plan de relance économique.
"En 2020, les États-Unis ont perdu 8 jours de consommation. Dans les pays européens, nous nous situons entre 15 et 20", souligne Jean-Baptiste Branquart, vice-président en charge du retail chez CGI. Un plan de relance de 900 milliards de dollars, adopté fin décembre, devrait permettre d'aider les ménages américains les plus touchés par la crise économique. Des chèques de 600 dollars par personne ont ainsi été distribués début 2021 (sous conditions de revenus) et les allocations-chômage prolongées jusqu'en mars (18 millions d'Américains ont perdu leur emploi).
De nouvelles habitudes de consommation
Comme dans nombre de pays, la crise sanitaire a créé de nouvelles habitudes de consommation. Les consommateurs américains se sont mis plus massivement aux achats en ligne. Durant les vacances de fin d'année, les ventes en ligne ont augmenté de 32,2% par rapport à 2019, pour un total de 188,2 milliards de dollars, selon Adobe Analytics. En novembre, période des Black Friday et Cyber Monday, l'e-commerce a atteint pour la première fois les 100 milliards de dollars. Les détaillants ont ainsi augmenté leurs capacités de traitement des commandes, ont déployé ou amélioré leurs achats en ligne, proposé du click-and-collect (une pratique qui a explosé) et du "curbside pickup" (permet de commander sur Internet et de retirer un produit devant le magasin via des places de stationnement dédiées et une plage horaire définie), le drive français, tout en rendant leurs magasins plus sûrs pour les clients.
Cette adoption généralisée du commerce électronique a accéléré de près de deux ans son développement. "Les retailers alimentaires qui avaient opéré leur stratégie omnicanale comme Walmart, Target ou Krogers ont beaucoup mieux performé que les autres, analyse Jean-Baptiste Branquart (CGI). Ces distributeurs avaient organisé leur supply chain, un point crucial en période de crise. Ils ont pu redistribuer leurs activités, en transformant leurs magasins en centres de préparation. L'alimentaire a tiré la croissance, et ce n'est pas le secteur où Amazon est le plus fort comparativement au maillage de Target ou de Walmart."
Les grands gagnants de la crise...
La pandémie a eu un effet accélérateur. "Target est l'un des grands gagnants de cette crise, note Bertrand Leseigneur, fondateur du cabinet de conseil SoParticular, installé à New York. 90% des commandes réalisées en ligne étaient opérées par ses magasins." Au premier trimestre 2020, le retailer a enregistré une croissance de ses ventes en ligne de 141% et conquis plus de cinq millions de nouveaux clients. "Target est le champion des capacités omnicanales. Il propose l'ensemble des services: livraison le jour même, services de drive et livraison à domicile", avance Jean-Baptiste Branquart (CGI).
Walmart, le numéro 1 mondial, a vu ses ventes progresser sur tous les canaux, avec une croissance de 79% sur le seul canal e-commerce. Les consommateurs américains ont en effet considérablement réduit leurs dépenses en services et divertissements (restaurants, bars, voyages, événements, éducation, etc.). Cela a conduit à une forte augmentation des dépenses sur certains produits de détail: l'électronique grand public, l'ameublement, les produits de grande consommation (en croissance de 19%) notamment. Une grande partie de ces dépenses s'est effectuée en ligne. Selon le cabinet d'études eMarketer, les ventes totales de l'e-commerce seraient de 794,50 milliards de dollars en 2020. Un chiffre supérieur de 100 milliards de dollars à ses prévisions. "Amazon a enregistré une croissance de 25% en 2020 contre 10% en 2019, précise Jean-Baptiste Branquart. Au 3e trimestre, l'e-commerce a progressé de 37%, mais Amazon a progressé moins fortement que le marché. Au global, le commerce en ligne serait autour de 14% dans l'ensemble du retail, via une croissance de 37%."
... Et les perdants
Néanmoins, le commerce de détail cache de fortes disparités en fonction des secteurs. "Si certaines enseignes ont réussi à tirer leur épingle du jeu durant cette crise sanitaire, d'autres ont disparu", pointe Frank Rosenthal. Les 'department stores', grands magasins, déjà fragilisés par la concurrence du commerce en ligne et la baisse de la fréquentation des grands centres commerciaux -les malls (en mars dernier, ces derniers ont dû fermer dans la quasi-totalité des États à l'exception des commerces alimentaires)- ces dernières années, ont été très touchés. Macy's a annoncé un plan de fermeture d'une cinquantaine de magasins. Plus de 60 grands détaillants notamment dans l'habillement, dont J-C Penney, Neiman Marcus ou Brooks Brothers, des fleurons du commerce américain de détail, se sont déclarés en faillite l'an dernier. "Nous avons connu un phénomène d'accélération des tendances provoquées par la Covid-19", analyse Jean-Baptiste Branquart, vice-président en charge du retail chez CGI. Selon le site Retail Dive, 9 500 magasins ont ainsi fermé en 2020.
Des perspectives positives en 2021
À peine élu, le nouveau président américain, Joe Biden, a présenté un plan d'urgence de 1 900 milliards de dollars, qui doit encore être adopté par le Congrès. Le texte prévoit que les Américains touchent un nouveau chèque de 1 400 dollars par personne en fonction de leurs revenus pour relancer la consommation. "2020 a été une année de transition avec d'importants progrès réalisés dans le domaine de l'e-commerce, de la logistique, du traitement de commandes, explique le fondateur du cabinet de conseil SoParticular, Bertrand Leseigneur. Le magasin n'est pas mort, il va se transformer en renforçant les services et l'omnicanalité." Un point partagé par le spécialiste du commerce, Frank Rosenthal : "Nous sommes passés du shopping et de l'expérience client à une expérience de vente concentrée sur la sécurité sanitaire. Pour autant, l'expérience client sera très recherchée par les consommateurs en sortie de crise et constituera un véritable critère de différenciation. Les Américains auront envie de consommer, et la consommation est un moteur essentiel dans l'économie américaine." Les dépenses de consommation des ménages aux Etats-Unis ont fortement rebondi en janvier : à 2,4% après une baisse de 0,4 en décembre, selon les données publiées par le département du Commerce. Les ventes au détail aux États-Unis devraient augmenter entre 6,5% et 8,2% en 2021, a indiqué la NRF. Elle a également déclaré que les ventes en ligne, qui sont incluses dans le nombre global pour 2021, devraient augmenter entre 18% et 23% pour passer entre 1,14 billion de dollars et 1,19 billion de dollars.
Commerce de détail américain en 2020
- 52 millions d'emplois soutenus par le commerce de détail
- 4,2 millions d'établissements de vente au détail
- 3,9 billions de dollars d'impact sur le PIB total
- 32 millions d'emplois directs dans le commerce de détail
- 1 billion de dollars de revenus directs du travail
- 1,6 billion de dollars d'impact direct sur le PIB.
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