Conseillers et robots travaillent main dans la main
L'annonce a fait l'effet d'une bombe: lors de la conférence F8 d'avril dernier, Facebook a proclamé l'ouverture de sa célèbre messagerie, Messenger, aux bots. Les marques se sont ruées sur ce nouveau canal et les consommateurs ont déjà à leur disposition plus de 11000 bots avec lesquels chatter. Voyages-sncf.com est la première entreprise française à s'être engouffrée dans la brèche en proposant un service qui permet de recevoir dans sa boîte Messenger la confirmation de sa réservation. Le client peut ainsi accéder à son e-billet, à différentes informations sur son voyage mais aussi entrer en communication, par chat, avec le service client.
"L'objectif est de permettre à nos clients de retrouver leur réservation et de dialoguer avec le service client" , indique Julien Nicolas, directeur France de Voyages-sncf.com. Initié début avril, ce service a déjà séduit, en juillet, plusieurs dizaines de milliers de clients. De nouvelles fonctionnalités devraient apparaître au second semestre 2016, notamment pour faciliter les réservations et informer les clients des "bons plans". Bientôt, les clients de l'agence de voyage en ligne pourront questionner des robots sur les horaires de trains, voire réserver leurs billets avec l'aide d'un assistant virtuel dit "intelligent".
Toujours apporter une réponse au client
Car l'objectif de ces 11000 bots, et de leurs cousins assistants virtuels, est de permettre aux marques d'entretenir le lien avec leurs clients. "Côté utilisateurs, les bots facilitent la vie des gens et vont jouer un rôle croissant dans leur quotidien", annonce David Marcus, directeur général de Messenger. Infatigables conseillers, les robots travaillent sans relâche 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, ne sont soumis ni au stress, ni à la fatigue. Ce qu'aucun service client ne serait capable de faire avec des humains... A moins de se doter d'équipes pléthoriques, ce qui aurait un cout que le consommateur, lui, ne serait bien entendu pas près à payer.
Ingénieur des ventes et spécialiste des techniques de reconnaissance vocale chez Nuance (éditeur de solutions pour centres de contacts), Joël Drakes reconnait que "les robots permettent aux services clients de satisfaire les exigences d'instantanéité de réponse des consommateurs, qui plus est à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit". "Perçus comme plus "humains" que les serveurs vocaux, les FAQ ou les applications mobiles, ils facilitent le self care", estime-t-il. Des compléments certes pas infaillibles: ils peuvent, par exemple, ne pas bien comprendre la question d'un internaute...
Autre point capital: le capital sympathie d'un robot est le résultat d'un travail d'incarnation. "Il s'agit de donner une personnalité aux robots", préconise David Marcus (Messenger). Ce dernier conseille de "définir une ligne éditoriale, de choisir un champ lexical spécifique, utilisant, par exemple, le registre de l'humour"...
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Donner des "super pouvoirs" au service client
Des robots dotés d'un peu d'humanité, peut-être. Mais pour autant, vont-ils se substituer aux humains? Pas vraiment, répondent en choeur les spécialistes. Il n'empêche que la robotisation du secteur de la relation client est bel et bien en marche. Selon les projections du Gartner, en 2020, 85% des intercations avec les entreprises se passeront d'êtres humains. Selon la même source, en 2018, 20% des contenus rédactionnels émis par les marques seront rédigés par des machines, lesquelles contrôleront aussi 40% des interactions mobiles.
Pourtant, Fabrice Marque, responsable de l'activité conseil en stratégie client d'Accenture, se veut rassurant: "Je pense que les entreprises auront toujours besoin d'humains." Un avis que partage Robin Coulet, fondateur et dirigeant de l'agence Conversationnel: "Confier à un robot le traitement d'une réclamation client, ça ne marche pas!, souligne-t-il. En revanche, les agents virtuels pourront parfaitement traiter les demandes les plus basiques, standardisées, quand les êtres humains, eux, se concentreront sur les demandes les plus spécifiques."
On se dirige donc vers un mix humain/robot: une relation client automatisée pour les questions basiques et l'intervention de conseillers pour des problèmes plus complexes. Simon Robic, product manager chez iAdvize pense que les robots peuvent assister le service client. "Nous voyons l'intelligence artificielle comme quelque chose qui va donner des super pouvoirs au conseiller humain: elle est capable de repérer des questions récurrentes et de signifier au conseiller quelles réponses ont déjà été apportées et lesquelles ont apporté le plus de satisfaction aux clients" , décrit-il.
La solution est déjà testée chez certains clients d'iAdvize. Cette collaboration entre les humains est les robots est par ailleurs essentielle pour permettre aux robots de se développer. De nombreux projets - comme celui de l'assistant personnel M de Messenger - associent de l'intelligence artificielle à des humains chargés de les entraîner. Le futur de la relation client est dans la coopération du réel et du virtuel.
Avec 4,2 millions de clients et 11 millions de consommateurs, le service relation client de l'activité Eau France de Suez reçoit 2,8 millions d'appels téléphoniques par an, 400000 courriers et 200000 e-mails. Parallèlement, le site Internet enregistre 1,3 million de visites par an et le selfcare (le site web et le serveur vocal interactif) représente 15% des contacts. "Notre objectif est de faire en sorte que le selfcare représente 35% des contacts en 2020", précise Alexandre Brouzes, directeur de la clientèle de l'activité Eau France de Suez. A ce titre, en 2014, le site Internet a été refondu et un conseiller client virtuel, Olivier, a été créé avec les sociétés Leading Actors et Cantoche. "L'objectif de cet avatar est d'humaniser notre site", explique Alexandre Brouzes. Présent sur les différentes pages du site, Olivier est capable de répondre à plus de 200 typologies de question, choisies en fonction des questions posées par les clients aux téléconseillers. Aujourd'hui, ce sont 1 600 utilisateurs qui le sollicitent chaque jour avec un taux de satisfaction est de 70%. "Nous souhaitons désormais aller vers plus de personnalisation, notamment en fonction de l'historique de navigation du client", indique Alexandre Brouzes.
Nao, le petit robot humanoïde d'Aldebaran (racheté par le japonais Softbank Robotics), assiste les vendeurs dans certains magasins Sephora et Darty. Mais au-delà du gadget, quelle valeur ajoutée offrent-ils vraiment? "Les robots ne doivent plus être pris pour des gadgets ou des ennemis de l'emploi, mais pour des alliés de la vie quotidienne", estime Thierry Spencer, directeur associé de l'Académie du service. Dans cette optique, depuis le mois de juin 2016, Darty teste le robot Pepper (grande soeur de Nao) dans son magasin parisien de la République. L'objectif: orienter les clients dans le magasin, les aider dans leur choix ou réaliser des enquêtes de satisfaction.
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