Fabien Figula Letort (AFL Diversity) : "Non, la diversité n'est pas une menace, elle est un levier d'engagement "
Alors que certaines entreprises françaises ont récemment reçu un courrier de l'ambassade des États-Unis les appelant à justifier leur engagement en matière de diversité, Fabien Figula Letort, fondateur d'AFL Diversity, remet les pendules à l'heure. Pour lui, la diversité et l'inclusion sont non seulement des réalités en entreprise, mais aussi des leviers puissants pour la relation client, la performance collective et l'innovation.

Le 29 mars dernier, des entreprises françaises ont été destinataires d'un courrier diplomatique peu commun : une injonction, venue tout droit de l'administration Trump, leur demandant de prouver qu'elles n'appliquaient pas de politiques de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI). En France, cette demande a été vivement dénoncée comme une ingérence. Mais elle soulève aussi une question essentielle : où en est-on réellement de la diversité en entreprise ?
"76 % des salariés estiment que leur entreprise progresse sur le sujet de la DEI, et 92 % souhaitent que cet engagement se poursuive", annonce Fabien Figula Letort, s'appuyant sur les résultats du dernier baromètre AFL Diversity / BVA People Consulting. La majorité des managers (85 %) considèrent même que la DEI fait désormais partie de leur rôle.
Réconcilier méritocratie et inclusion
Face à certains discours - y compris celui du président américain - qui assimilent la DEI à un détournement de la méritocratie, Fabien Figula Letort tient à rappeler : "Tout d'abord, la méritocratie en France n'est pas encore à la hauteur. Pour rappel, les personnes en situation de handicap sont deux fois moins nombreuses à être en activité que les personnes dites 'valides'. Les individus portant un patronyme français ont 50 % plus de chances d'être reçus en entretien, à CV égal, que ceux ayant un nom à consonance maghrébine. On peut souhaiter la méritocratie, mais elle n'échappe pas à nos biais de discrimination, que nous avons tous. C'est précisément pour cela que les politiques de DEI existent et qu'il faut les instaurer."
La DEI ne vise donc pas à détruire la méritocratie, mais à en corriger les biais structurels, souvent invisibles.
Une politique d'inclusion au service du collectif
L'une des confusions sur lesquelles se base également le président américain est de faire croire que la majorité se retrouverait désormais minoritaire et consciemment exclue. Il laisse entendre que donner des avantages à certains reviendrait inévitablement à en retirer à d'autres. "Croire que certains postes sont occupés uniquement parce que les personnes appartiennent à telle ou telle minorité est une illusion. Soyons réalistes : les entreprises sont pragmatiques. Aucune femme, par exemple, n'est en poste uniquement parce qu'elle est une femme et qu'elle n'a pas les compétences pour ce poste. Cela n'existe pas", rappelle Fabien Figula Letort. Ce qui doit changer, selon lui, c'est la manière de rechercher les talents : aller activement vers des profils sous-représentés pour élargir les viviers. Il s'agit bien de donner à chacun une chance égale d'accéder à la ligne de départ.
Il rappelle par ailleurs que les dispositifs favorisant l'inclusion de certaines minorités permettent le développement de solutions bénéfiques pour l'ensemble des équipes. C'est notamment ce qui se passe lorsqu'une entreprise interdit les réunions à certaines heures pour s'adapter aux contraintes des familles monoparentales : chacun peut en bénéficier.
Pourquoi la diversité renforce la relation client
Les chiffres sont sans appel : les entreprises les plus diversifiées ont 60 % de chances en plus d'améliorer leurs profits (étude Deloitte) et attirent davantage les jeunes générations. 40 % des moins de 25 ans se disent prêts à perdre 5 % de leur salaire pour rejoindre une entreprise alignée avec leurs valeurs en matière d'inclusion. "La diversité, mais aussi l'inclusion, sont essentielles. Je reprends l'image d'Olivier Sibony : si l'on a une boîte avec uniquement des marteaux, on ne résout pas tous les problèmes. Une boîte avec des marteaux et des tournevis en résout davantage. Plus on a de parcours différents, plus on peut innover et créer, mais aussi multiplier nos chances d'être proches de nos consommateurs." poursuit Fabien Figula Letort.
Face à l'ingérence américaine, rappelons que les politiques DEI ne retirent aucun droit à personne, mais qu'elles bénéficient à tous, en créant des environnements de travail plus ouverts, plus flexibles et plus adaptés aux besoins des collaborateurs - et donc aux attentes des clients. Fabien et Adrien Figula Letort, auteurs du livre Diversité et inclusion : pourquoi l'entreprise ne peut plus attendre paru aux éditions de l'Aube, appellent donc les entreprises à rester fermes sur leurs engagements.
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