DossierLes retailers à la conquête de l'international
Sommaire
- L'Inde, le "Nouveau Monde" des retailers
- La distribution indienne, un secteur très réglementé
- L'e-commerce indien, une bataille mondiale
- Chine et USA attirent toujours les retailers
- Un marché chinois porté par l'e-commerce
- Le rêve américain toujours bien ancré
- Paiement internationaux: attention aux usages locaux
- Quasiment autant de moyens de paiement que de pays
- Limiter ses options de paiement à Visa et Mastercard est illusoire
- Et pour les marketplaces?
- Supply chain à l'international: comment l'optimiser?
- La complexité du e-commerce
- Le coût du transport, "nerf de la guerre"
- La digitalisation du transport routier
1 L'Inde, le "Nouveau Monde" des retailers
"Face au ralentissement mondial de l'économie, seuls les pays émergents se démarquent, souligne Samah Habib, senior manager chez Accenture en charge des secteurs fashion et luxe dans le retail. Le dynamisme économique provient clairement de l'Asie, porté notamment par l'Inde via une croissance forte et solide depuis plusieurs années." L'an dernier, l'Inde est devenue la sixième puissance économique mondiale, devant la France. "L'éléphant endormi s'est désormais mis à courir", résume le Premier ministre indien, Narendra Modi. Ce pays de 1,3 milliard d'habitants apparaît comme l'un des premiers marchés en volume de consommateurs. La distribution est un secteur économique stratégique: 795 milliards de dollars en 2018 (un quart du PIB) avec des projections de croissance autour de 1200 milliards de dollars en 2021. "Une classe moyenne au pouvoir d'achat plus important pour consommer et s'équiper commence à apparaître, souligne Jean-François Ambrósio, chef de pôle tech et services de Business France en Inde. Les dépenses de consommation enregistrent une croissance annuelle de 12%. En 2025, 40% de la population indienne résidera en zone urbaine, et comptera pour 60% de la consommation "
Le secteur du retail reste malgré tout informel et désorganisé: 90% des transactions sont réalisées par des commerçants indépendants. "À peine 10% des ventes sont effectuées par des chaînes locales ou des groupes étrangers, analyse Jean-François Ambrósio. Cependant, la part de la distribution organisée augmente, en croissance de 20% par an, tandis que celle des petits distributeurs diminue. Le potentiel de développement des formats de distribution moderne devrait presque tripler d'ici à 2020." Dans son classement 2019, la Banque mondiale désigne l'Inde comme l'économie de l'Asie du sud la plus favorable pour les affaires. Une aubaine pour les retailers étrangers.
2 La distribution indienne, un secteur très réglementé
Depuis une dizaine d'années, les marques de luxe et beauté comme LVMH, Christian Dior, Chanel ou Hermès se sont implantées sur le marché indien avec l'ouverture de boutiques dans les villes métropolitaines. Des enseignes internationales comme Zara, H&M, Ikea, Benetton ou Sephora ont aussi inauguré des points de vente. "Le secteur de la distribution reste néanmoins très réglementé en Inde, pointe Jean-François Ambrósio. Il est difficile pour un groupe étranger de gérer en direct son circuit de distribution à moins de se plier à une réglementation assez stricte. Les distributeurs étrangers doivent s'engager à sourcer ou acheter au moins 40% de leurs produits dans le pays lorsqu'ils décident de s'y installer. Le multimarque n'est pour le moment pas possible pour les retailers qui voudraient s'attaquer seuls au marché."
Pour contourner les restrictions légales, nombre de distributeurs se développent en franchise ou en joint-venture via un partenaire indien. Ainsi Celio, arrivé en 2010, s'est associé au conglomérat local Futur Group, lui assurant une présence dans toutes les grandes villes à travers les centres commerciaux. D'autres marques comme Spar, Go Sport, Lacoste ou Promod ont ouvert des magasins via des partenaires indiens. "Le pays est très compétitif au niveau des prix, ce qui incite de nombreux acteurs internationaux à s'approvisionner dans le pays, explique Jean-François Ambrósio. Des géants de la distribution tels que Walmart et Tesco augmentent leur sourcing en Inde."
C'est le cas également de Decathlon, présent depuis une vingtaine d'années sur le territoire, et l'un des rares distributeurs français à s'être développé en direct. En 2009, l'équipementier sportif inaugure son premier point de vente en B to B, sous le modèle de "cash and carry". "Leur projet était d'ouvrir dans les deux années qui suivent des magasins à destination des particuliers, mais cela a mis plus de temps que prévu, indique Jean-François Ambrósio. En Inde, vous devez être patient mais persévérant. L'enseigne a dû attendre 2014 afin d'adapter son modèle et supprimer le multimarque en ne vendant que sa marque propre. Elle a aussi augmenté la part de produits indiens dans son réseau." Aujourd'hui, Decathlon possède plus de 70 magasins et est devenue numéro un dans l'équipement et le matériel de sport en Inde, devant Nike, Adidas ou Puma. "Les Indiens demeurent très attachés à leur culture, précise Samah Habib. Il est indispensable de comprendre les spécificités du marché local, notamment pour choisir le bon partenaire, et adapter sa stratégie avant de se lancer."
3 L'e-commerce indien, une bataille mondiale
795 milliards de dollars réalisés par le secteur du retail en 2018
La pénétration toujours plus importante d'Internet dans la société indienne, dans un pays où la moitié de la population a moins de 25 ans, entraîne de nouveaux usages à travers la démocratisation des smartphones. Le pays compte plus de 560 millions d'internautes avec un taux de pénétration de 37%. Si l'Inde s'est lancée tardivement dans le commerce en ligne par rapport à la Chine, le secteur génère déjà un chiffre d'affaires de 38,5 milliards de dollars et progresse à un taux record de 51% par an.
"L'Inde pourrait devenir en 2025 l'un des cinq premiers acteurs mondiaux du secteur, voire l'un des trois premiers avec un chiffre d'affaires de plus de 200 milliards de dollars", avance Jean-François Ambrósio. Son poids dans l'économie indienne ne cesse de grandir via le m-commerce, et représente actuellement 4% du chiffre d'affaires global dans le retail. "Les facteurs d'explosion du e-commerce sont multiples: une bancarisation en progression et une acceptation croissante des moyens de paiement en ligne et sur mobile, la praticité de ce mode de consommation au regard des contraintes de déplacements dans les villes indiennes et la progression de l'utilisation du numérique en Inde".
Actuellement, 75% des transactions sont encore réalisées en espèces (paiement à la réception). L'augmentation du panier moyen, principalement des achats de produits électroniques et de prêt-à-porter, passerait également de 110 à 160 dollars sur les cinq prochaines années. Les géants du commerce en ligne l'ont bien compris, l'Inde constitue le dernier marché majeur du e-commerce. Amazon, installé depuis 2013 dans le pays, vient d'inaugurer un nouveau siège social, le plus important au monde après celui de Seattle, à la mesure de ses ambitions.
Le géant américain est engagé dans une compétition féroce avec son concurrent Flipkart, la licorne indienne rachetée l'année dernière par Walmart pour 16 milliards de dollars, pour la domination de ce marché à coups de milliards de dollars. Et en novembre dernier, le conglomérat de Reliance Industries Limited a lancé une plateforme de commerce en ligne en investissant 24 milliards de dollars pour constituer une nouvelle holding, Reliance Jio Infocomm. Si le secteur est très prometteur, Amazon perd néanmoins un milliard de dollars par an (plus de cinq milliards de dollars investis) et vient de réinjecter 500 millions supplémentaires. "Pour chaque dollar gagné, ces sociétés dépensent aujourd'hui deux fois plus pour consolider et fidéliser leur base client", note Jean François Ambrósio.
Amazon et Flipkart ont également subi les foudres des petits commerçants indiens, affirmant qu'elles offrent des rabais trop importants et les poussent à la faillite. En février dernier, pour répondre à la fronde des détaillants indiens, le gouvernement a durci les règles de la vente en ligne en interdisant aux grandes marketplaces opérant dans le pays de vendre des produits de sociétés dans lesquelles elles ont des participations. Les places de marché ne peuvent également plus imposer des contrats d'exclusivité aux commerçants pour vendre leurs produits uniquement sur leurs plateformes. "Aujourd'hui, le ticket d'entrée est très élevé dans l'e-commerce, le niveau d'investissement en tant que plateforme sera gigantesque, pointe Jean-François Ambrósio. Par contre, les solutions technologiques permettant aux acteurs de se différencier sont très prisées." Même si les difficultés restent importantes et les risques réels, le marché indien devient incontournable.
Avec ses 1,3 milliard d'habitants et l'émergence d'une classe moyenne, l'Inde attise les convoitises des retailers internationaux. L'industrie du commerce de détail, en phase d'expansion, offre de nombreuses opportunités aux entreprises. Un Eldorado qui se distingue des autres pays à fort potentiel.
4 Chine et USA attirent toujours les retailers
La Chine reste la destination numéro un pour tous les détaillants français. En dépit du ralentissement économique et de la guerre commerciale, l'empire du Milieu devrait passer cette année devant les États-Unis pour le commerce de détail, selon le cabinet spécialisé eMarketer. Le retail en Chine atteindra 5 636 milliards de dollars, en hausse de 7,5% sur un an, contre 5 529 milliards pour les États-Unis. "Les consommateurs chinois ont vu leurs revenus croître, faisant basculer 400 millions d'entre eux dans la classe moyenne", expliquait à l'AFP Monica Peart, directrice des prévisions pour eMarketer.
5 Un marché chinois porté par l'e-commerce
La croissance du commerce de détail en Chine est tirée par l'e-commerce, près de 35% des ventes au global, soit 900 milliards d'euros en 2018, en hausse de 20%. Le pays comptabilise plus de 800 millions d'internautes, lesquels surfent essentiellement sur mobile, (90% des transactions transitent par ce canal), et représentent seulement 60% des 1,4 milliard d'habitants. "Le marché est dix fois plus important que le marché français", souligne Betty Touzeau, fondatrice de l'agence Paris2Beijing, spécialisée dans le marché digital chinois et accompagne les marques et retailers français.
La Chine cristallise, à elle seule, plus de la moitié des ventes en ligne dans le monde. "Le secteur du retail continue d'être florissant, ajoute-t-elle. En dehors des groupes français de luxe, dont les Chinois raffolent, la demande de produits étrangers concerne des niches plus spécifiques comme les produits maternels et infantiles, à la suite d'un scandale national, mais aussi la mode, les produits alimentaires ou les cosmétiques, des marques comme Ioma ou L'Oréal cartonnent. Néanmoins, le marché chinois devient de plus en plus challengé et compétitif." De nombreux retailers ne réussissent pas à percer, notamment la grande distribution: Carrefour s'est finalement retiré et Auchan a cédé la direction opérationnelle à son partenaire.
Si la première puissance économique mondiale attire pourtant toujours les entrepreneurs français, les défis à relever demeurent nombreux pour pouvoir réussir son implantation dans ce pays continent. "La Chine a un paysage unique au monde, pointe Betty Touzeau. Lorsqu'une marque étrangère décide de s'attaquer au marché chinois, elle n'a d'autre choix que de repartir de zéro. Car tous les outils de communication occidentaux ne sont pas valables dans le pays."
L'État chinois a en effet développé son propre écosystème digital dans le paiement et les réseaux sociaux (Wechat, Weibo, Zhihu, Alipay, etc.) pour un meilleur contrôle de ses citoyens. "Contrairement aux autres pays, les marketplaces dominent l'e-commerce, et ce sont elles qui déterminent si une marque détient un vrai potentiel business, précise Betty Touzeau. La grande erreur des marques européennes qui cartonnent en ligne est de vouloir attaquer seules le marché via un site traduit en mandarin, sans vouloir entrer dans l'écosystème des places de marché. Asos a tenté en 2013 mais cela n'a pas fonctionné."
6 Le rêve américain toujours bien ancré
Avec un marché de 325 millions de personnes et un taux de croissance de 6,7%, les États-Unis constituent le premier marché mondial. "Le marché américain est tellement grand que les entrepreneurs français ont aujourd'hui compris qu'ils avaient tout intérêt à travailler les uns avec les autres, note Benoit Buridant, cofondateur de Frenchfounders, un club haut de gamme de dirigeants français. L'entraide permet de gagner du temps lors de son implantation."
Pays prioritaire pour l'exportation de solutions retail et adtech, les États-Unis enregistrent une croissance spectaculaire de 4% par an depuis 2010, selon Business France. Le marché concentre à lui seul plus de 48% de l'investissement mondial en 2018. Certaines entreprises françaises de renommée internationale telles que Criteo, Teads, Mirakl, Contentsquare ont su profiter de ce dynamisme lorsqu'elles se sont implantées dans le pays. "Le secteur de l'habillement reste attractif pour les marques françaises à condition de cibler les grandes villes comme Los Angeles, Miami, New York, souligne Samah Habib, senior manager chez Accenture en charge des secteurs fashion et luxe dans le retail. Pour l'alimentaire, le secteur est trop concurrentiel pour s'y attaquer." Le manque de notoriété des détaillants et des start-up françaises demeure néanmoins un vrai problème dans le recrutement des profils recherchés. "Même les plus grands groupes de l'Hexagone ne sont pas le premier choix des futurs cadres américains, pointe Benoit Buridant. Aussi, un travail de communication est actuellement réalisé dans les grandes universités et écoles outre-Atlantique." Avant de s'implanter aux états-Unis, il est donc indispensable de bien étudier son marché.
À la conquête de nouveaux marchés, de nombreuses entreprises françaises sautent le pas de l'international à la recherche de relais de croissance. La Chine et les États-Unis demeurent des destinations porteuses.
7 Paiement internationaux: attention aux usages locaux
La complexité du paiement international repose sur un constat alarmant: "Si les e-marchands d'envergure sont assez internationaux, il en va de même pour les nouveaux venus, lesquels acquièrent d'emblée une vocation mondiale, affirme Christophe Bourbier, fondateur de la solution de paiement Limonetik. Pourtant, on peut être surpris de leur méconnaissance face à l'hétérogénéité des moyens de paiement à l'étranger." Ainsi, les Espagnols, Portugais et Polonais utilisent plus de cinq moyens de paiement différents(1). Un "mix payment" à connaître alors que l'e-commerce transfrontalier a réalisé un chiffre d'affaires de 95 milliards d'euros en 2018, soit 22,8% du total de la vente en ligne(2).
Pour ne pas voir son taux de transformation chuter, il importe d'adopter une posture réaliste et ouverte concernant les commissions liées au paiement, notamment par carte bancaire. "La France est l'un des pays les moins chers pour les paiements de ce type, explique Frédéric Loos, chief merchant officer de la société de service de paiement Worldline. Les commissions peuvent doubler dans certains pays." De même, PayPal facture 2% de frais.
8 Quasiment autant de moyens de paiement que de pays
L'hétérogénéité des moyens de paiement existe au sein même de l'Europe. "En Allemagne, la majorité des transactions en ligne s'effectue avec d'autres moyens de paiement que la carte bancaire, à l'instar de la solution de virement Sofort, précise Philippe de Passorio, directeur général d'Adyen France et Italie. Les systèmes interbancaires propres à chaque pays sont à l'origine de certains moyens de paiement." Ainsi, aux Pays-Bas, le système interbancaire iDeal, "l'un des plus sécurisés du marché" selon Philippe de Passorio, est le plus utilisé. L'acheteur n'utilise pas les chiffres de sa carte mais directement ses codes de banque pour payer.
Sur le continent nord-américain, "PayPal apparaît incontournable aux côtés de la carte bancaire", indique Frédéric Loos. Les moyens de paiement diffèrent peu de ceux utilisés en France, à la différence notable du système local de prélèvement "Interac" canadien.
En Asie, le marché chinois, principale cible des e-marchands en expansion, repose principalement sur les paiements par QR code AliPay et WeChat Pay, "loin devant la carte de paiement locale China Union Pay, précise Christophe Bourbier. Ne pas proposer de paiement par QR code revient à passer à côté de la spécificité chinoise." Un système inopérant au Japon (troisième économie mondiale, la plus dynamique en termes de vente en ligne, selon le ministère de l'Économie et des Finances français), lequel combine cartes de crédit internationales (Visa, Mastercard, American Express) et une carte locale, baptisée JCB.
Enfin, l'Afrique est caractérisée par une forte prédominance du mobile et un taux de bancarisation très variable. Selon le classement Global Findex, seuls 42,61% des personnes âgées de 15 ans et plus possèdent un compte bancaire en Afrique subsaharienne, contre 71% au Maroc(3). "Des systèmes de Visa ou Mastercard existent mais demeurent locaux et imposés par l'État, à l'instar de "Carte bancaire" au Maroc", prévient Christophe Bourbier. Ils fonctionnent donc de manière autonome et doivent être implantés séparément par le prestataire de paiement. Le paiement mobile, via M-Pesa (propriété de Vodafone) par exemple, apparaît très répandu: il est difficile d'en faire l'économie en Afrique subsaharienne.
9 Limiter ses options de paiement à Visa et Mastercard est illusoire
Contrairement aux idées reçues, accepter la carte bancaire ne constitue pas un sésame dans le monde entier. Selon une étude publiée par le prestataire de services de paiement WorldPay en 2019, la carte bancaire ne représente plus que 25% des transactions en ligne ou sur mobile. "Un chiffre qui devrait descendre à 15% dans les trois ou quatre ans à venir, met en garde Christophe Bourbier. La carte se fait désintermédier par les wallets (Google Pay, Apple Pay), plus faciles à utiliser et ne nécessitant pas de 3D Secure."
Par ailleurs, il importe de travailler avec une banque locale aux États-Unis (Wells Fargo, Bank of America, HSBC), en Chine, en Inde ou en Afrique. Certaines solutions de paiement (à l'instar d'Adyen, Limonetik ou Worldline) camouflent cette complexité pour l'e-marchand, qui passe par une plateforme unique. De même, l'Inde (un marché à fort potentiel) et la Malaisie sont soumises à des contraintes légales: les données bancaires ne doivent pas sortir du pays, il est donc indispensable que l'e-marchand (ou son prestataire) possède des infrastructures locales. Attention également à l'absence de système d'interbancarité indien: à l'exception de la carte RuPay, chaque banque propose sa propre carte.
Lire aussi : L'expérience client, une opportunité de croissance sous-exploitée par les marques automobiles
À noter, en dehors de de la zone euro, les paiements par virement ne seront plus soumis à des frais aléatoires d'ici à 2020 pour les pays de l'Union européenne. En effet, les eurodéputés ont décidé de réguler les frais bancaires liés à ces opérations afin qu'ils ne dépassent pas ceux appliqués pour un virement domestique. Jusque-là, un virement de 100 euros transnational hors zone euro générait entre 0 euro (en Suède) et 19,98 euros (en Bulgarie) de frais. Eva Maydell, rapporteur au Parlement européen, déclare: "150 millions de citoyens de l'UE et six millions d'entreprises [...] paieront des frais nettement moins élevés, ce qui leur permettra d'économiser plus d'un milliard d'euros par an."
10 Et pour les marketplaces?
Les attentes vis-à-vis des acteurs du paiement évoluent. "En Europe, la demande porte aujourd'hui sur les services de réconciliation", prévient Didier Brouat, CCO de l'acteur du paiement Monext, filiale de Crédit Mutuel Arkéa. En effet, des prestataires tels que PayPal envoient tous les jours un montant correspondant à toutes les transactions de la veille. La réconciliation consiste à rattacher les sommes reçues aux factures et aux produits envoyés. "Un opérateur de paiement peut faire ces opérations, extrêmement complexes lorsqu'un e-marchand accepte de nombreux moyens de paiement français et étrangers, à la place de son client", explique Christophe Bourbier.
De même, l'UE impose aux marketplaces de tracer chaque transaction, pour s'assurer de renvoyer les sommes reçues au bon fournisseur. L'explosion des marketplaces, notamment B to B (les prix variant alors en fonction de chaque client, la réconciliation apparaît encore plus complexe), dont la portée internationale est très importante, constituent les principaux enjeux de l'écosystème du paiement international, selon Christophe Bourbier. "Le marché du paiement n'a rien perdu de son dynamisme, conclut Frédéric Loos. Il demeure crucial que le marchand révise sa stratégie d'acceptation régulièrement."
(1) Étude Oney " Les habitudes de paiement en Europe ", 2019.
(2) Étude " Cross-border retail Europe ", Cross-Border Commerce Europe, 2019.
(3) Source?: Bank al-Maghrib.
"?Simplifier l'implémentation de nouveaux moyens de paiements?"
Olivier Vaury, CFO de la plateforme de bricolage ManoMano, revient sur l'intérêt de choisir une plateforme unique pour gérer l'ensemble des moyens de paiements à l'international.
Quelles zones géographiques couvre ManoMano??
Nous vendons à des clients basés en France, en Italie, en Espagne,
en Allemagne, au Royaume-Uni et en Belgique. Ces derniers utilisent le site français. ManoMano a récemment ouvert des bureaux à Barcelone mais l'équipe chargée des paiements officie en France. Nous sommes focalisés sur ces pays car le marché du bricolage et du jardinage s'y élève à 400 milliards d'euros. Nous visons un milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2020.
Quels moyens de paiement privilégient vos clients au sein de ces pays??
Si le Royaume-Uni utilise majoritairement la carte bancaire, l'Allemagne
a des habitudes de paiement totalement différentes. Le paiement par carte bancaire est très peu répandu, au profit du virement, du paiement sur facture ou des wallets. Les consommateurs italiens privilégient la carte bancaire,
les paiements par virement et les wallets, à l'instar de PayPal. Les consommateurs utilisent également des cartes prépayées. Nous ne proposons pas de paiement contre livraison mais nous étudions cette possibilité.
Quelle est votre stratégie de paiement à l'international??
Nous avons choisi de nous appuyer sur une plateforme de paiement unique, Stripe, laquelle nous permet d'activer des méthodes de paiement dans chaque pays sans avoir à développer des interfaces techniques spécifiques. Sa technologie s'avérait plus simple à implémenter que celle des autres prestataires de paiement. La limitation du temps de développement constitue un point important pour nous car nous sommes confrontés à un défi concernant le recrutement des équipes de développeurs.
Alors que les e-commerçants, de façon indépendante ou via des marketplaces, ne cessent de se développer sur de nouveaux marchés, ils se trouvent confrontés à une multiplicité de moyens de paiement et à l'obligation, parfois, de passer par des partenaires locaux.
11 Supply chain à l'international: comment l'optimiser?
"Il y a dix ans, la préoccupation des e-commerçants, mais aussi des retailers, était de livrer correctement leurs colis en France. Progressivement, ils ont commencé à s'adresser à l'Europe francophone -sans avoir besoin de traduire leur site marchand- avant de s'attaquer à l'Europe dans sa globalité, pointe Steve Boucher, directeur des ventes à l'international chez Chronopost. Aujourd'hui, ils visent des destinations plus lointaines, le grand export, particulièrement l'Amérique du nord et l'Asie."
Le délai de livraison, la disponibilité en stock des produits sont toujours des facteurs clés dans la décision d'achat des consommateurs. Aussi, pour tous les distributeurs se pose la question d'ouvrir des entrepôts dans les pays ciblés. "Selon la nature et le sourcing de leurs assortiments, il est plus ou moins pertinent pour les entreprises de centraliser ou de localiser leurs centres de distribution, souligne Mehdi El Alami, partenaire associé dans le cabinet international de conseil en stratégie Olivier Wyman, au sein de l'unité transports et services. En ce qui concerne la grande distribution alimentaire, la couverture et l'organisation de la logistique pour servir les magasins restent nationales. Rarement, l'entrepôt d'un pays dessert un autre dans du retail physique. Tout simplement pour des questions de coût de transport, de stockage et de disponibilité, les distributeurs n'ont aucun intérêt à réaliser des expéditions de 300 ou 400 kilomètres pour livrer des points de vente en France."
Cette logique est néanmoins différente pour les biens de consommation, notamment pour le prêt-à-porter ou les produits d'hygiène et beauté, où les différenciations de produits sur les marchés européens sont plus faibles. "Pour l'export de textile, d'articles de droguerie, de parfumerie et d'hygiène ou pour les produits alimentaires de marques internationales, cela paraît judicieux de posséder un entrepôt européen central afin d'alimenter les plateformes régionales", explique Mehdi El Alami. Cette optimisation de la supply chain nécessite du temps, l'équation n'étant pas si simple. En plus des coûts de transfert, les sociétés perdent une certaine réactivité. "Depuis quelques années, nous observons une tendance des retailers à rationaliser leurs entrepôts de distribution en regroupant les pays, par exemple Espagne-Italie, France-Benelux, Allemagne-Autriche, note Mehdi El Alami. Et parallèlement, la demande de livraison dans les grandes métropoles s'accélère, avec une hausse des flux, et les oblige à rapprocher les entrepôts des villes."
12 La complexité du e-commerce
En e-commerce, l'élément fondamental reste la proximité, en termes de localisation, avec le hub logistique d'un transporteur. "Dans le commerce en ligne, les e-marchands favorisent la rapidité de la collecte des produits par les transporteurs afin de bénéficier de son maillage international plutôt que d'être situé près de grandes villes ou d'une frontière", souligne Mehdi El Alami. Seules les grandes plateformes e-commerces comme Amazon ou Zalando, qui ont des volumes importants, localisent une partie de leurs stocks dans de nombreux pays européens, tout en ayant en même temps des entrepôts nationaux dans leurs plus grands marchés. Les e-commerçants de taille moyenne passent par une phase intermédiaire de leur entrepôt national pour tester des marchés à l'étranger, avant de réaliser d'importants investissements dans un nouveau centre de distribution. Tandis que certains préfèrent s'associer à un partenaire possédant un stock externalisé.
La rapidité et le respect du délai de livraison demeurent clés. "En fonction des succès rencontrés sur telle ou telle destination, nos clients e-commerçants sont amenés à faire le choix entre garder ou non leur entrepôt en France, mais en étant conscients des coûts de transport pour livrer à l'international et de l'impact sur leur activité, explique Stéphane Dupuis, Industry sales manager chez DHL Express. D'autres, en atteignant une taille critique en termes de volumes, installent dans certains pays un stock local afin de gagner en coût de transport et pour un accès plus rapide au marché. Lorsque vous livrez aux États-Unis ou en Chine depuis la France, l'acheminement en moyenne est de 24 à 72 heures, localement vous avez évidemment une capacité à livrer en 24 ou 36 heures. Le choix reste stratégique et propre à chacun des clients."
13 Le coût du transport, "nerf de la guerre"
L'expédition d'un colis à l'international demeure nettement supérieure à celle du marché domestique. "Le coût de transport est l'un des nerfs de la guerre, pointe Stéphane Dupuis. Les consommateurs en ligne ne veulent pas payer -ou le moins possible- de frais de transport. L'e-commerçant est donc obligé d'optimiser au maximum sa supply chain -dont le transport- pour réduire ses coûts et les répercuter au minimum à son client, ou en l'absorbant dans ses propres marges." S
even Senders, start-up allemande spécialisée dans les livraisons transfrontalières du dernier kilomètre pour les e-commerçants dans toute l'Europe, propose de prendre en charge l'ensemble du processus de livraison comme le choix du livreur dans le pays de destination parmi plus de 100 transporteurs européens, la commission de transport, la solution de dédouanement, le tracking, le suivi de la performance, etc. Seven Senders s'adresse aux e-marchands de taille moyenne, se développant à l'international, avec des volumes de l'ordre de 10000 colis par destination et par an, soit 40 colis de collecte quotidienne. "En France, nous sommes particulièrement consultés sur les marchés italien, polonais et allemand, indique Thomas Garnesson, le Dg France. Par exemple, pour l'Italie, le prix d'un colis expédié oscille entre 7 et 9 euros, nous obtenons des tarifs entre 4 et 5 euros." La société compte en France des clients comme Atlas for Men, Photobox ou le groupe Cafom.
14 La digitalisation du transport routier
Plusieurs start-up se sont spécialisées dans la digitalisation du transport routier de marchandises, comme Everoad ou FretLink. "Une société voulant connaître le prix d'un camion complet pour un Paris-Cracovie ne trouvera aucune réponse sur Google, pointe Maxime Legardez, P-dg d'Everoad. Elle sera dans l'obligation de passer une dizaine d'appels pour obtenir des prix différents. Notre plateforme, par le biais d'algorithmes, prend en compte de nombreux paramètres: la marchandise, les spécificités, le point de chargement, les créneaux... pour lui proposer un prix en temps réel basé sur l'offre des transporteurs disponibles au moment où le besoin est exprimé."
Everoad permet ainsi aux entreprises, que ce soit pour du transport régulier ou occasionnel, de trouver très rapidement un camion afin de transporter leurs marchandises, et suivre leur acheminement en temps réel. Les retailers peuvent ainsi piloter les expéditions et les transports pour une meilleure maîtrise des flux, afin d'optimiser les tournées des camions. Dans un marché particulièrement sous-efficient, où un tiers des camions roule à vide. De grands acteurs comme Unilever, Intermarché, Procter and Gamble, Nestlé, Veepee et récemment le Groupe Casino (via un contrat de 100 millions d'euros sur quatre ans) ont signé avec Everoad. "Nous permettons aux sociétés réalisant un chiffre d'affaires de plus d'un milliard des économies entre 1 à 10% sur l'achat de transport en un an, indique Maxime Legardez. Pour les PME, cela monte à 20-25%."
Des transporteurs au rôle de consultants
"Régulièrement, les entreprises nous consultent en tant que spécialiste de l'international, explique Stéphane Dupuis, Industry sales manager chez DHL Express. Les entreprises nous interrogent sur notre capacité à desservir tel ou tel marché et sur le montant des taux de douane, la TVA locale, les réglementations, le délai d'acheminement, etc." En fonction de la typologie des produits envoyés dans chaque pays, l'e-commerçant sera assujetti à différents taux de droits de douane. "Nous proposons ce pré-calcul afin qu'un maximum des étapes du transport (passage en douane) aient été anticipées avec nous", ajoute Stéphane Dupuis.
Même initiative chez Chronopost. "Les retailers et e-commerçants recherchent des conseils rassurants sur le grand export plutôt que que de savoir si nous livrons bien le dernier kilomètre. C'est un prérequis, note Steve Boucher, le directeur des ventes à l'international. En Chine, nous avons construit tout un écosystème de façon à proposer à nos clients une solution clé en main pour s'installer dans le pays, en association avec notre partenaire chinois SF Express."
Coût du transport, localisation des entrepôts, optimisation de la chaîne logistique... autant de défis à relever par les retailers et e-commerçants français pour s'exporter à l'international.
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