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Les inventions sur un plateau

INPI Direct a ouvert début 2002 à Lille. Le centre d'appels de l'Institut National de la Propriété Industrielle délivre une information juridique aux entreprises comme aux particuliers qui veulent déposer un brevet ou une marque.

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INPI Direct Des baies vitrées laissent généreusement entrer le soleil. L'atmosphère feutrée tranche avec l'ambiance de ruche des plateaux de la vente par correspondance situés à quelques kilomètres de là. Sur le mur, pas le moindre compteur. « Pour 12 personnes, ça ferait un peu productiviste », souligne Odile Salmer, chef de projet recrutée pour l'occasion. « On n'est pas là pour faire de la quantité », confirme Claude Vercher, l'un des initiateurs du projet. Contrairement à ses grands voisins (La Redoute, Les 3 Suisses) qui ont contribué à faire la fortune de la région lilloise, l'INPI, lui, n'a rien à vendre. « La mission du centre d'appels, c'est de délivrer gratuitement une information claire et précise sur la propriété industrielle », y explique-t-on. Cela fait plus de 50 ans que l'Institut recense et garantit les dépôts de marques, brevets et modèles en France. Mais son rôle consiste aussi à informer les industriels sur les dispositifs juridiques qui permettent de protéger une invention en France et à l'étranger. Avec la mondialisation, cette mission d'information est devenue cruciale. Le centre a ouvert ses portes fin 2001, pour une phase de tests. Chaque jour, quelques appels parvenant au standard parisien lui sont transmis pour vérifier la fiabilité des équipements. Dans le même temps, les premiers conseillers sont recrutés. Début 2002, c'est parti : l'équipe est alors composée de six juristes et d'un documentaliste. Désormais, ils sont le double. Le recrutement est assez lent, car les recherches s'effectuent sur une petite population. Selon Odile Salmer, « le niveau des questions posées, les outils et les processus - qui sont en phase de création -, leur mise en place, nécessitent une capacité de réflexion que seule une formation supérieure permet d'acquérir ». Deux types de profil sont recherchés. Pour répondre aux appels de niveau 1, les responsables embauchent des bac + 2 juridiques et demandent si possible une expérience dans la relation client. Pour traiter les questions plus complexes, de niveau 2, il faut au minimum une maîtrise avec des connaissances en propriété industrielle, ou de préférence un DESS de droit.

FAIRE TOMBER LES CLICHÉS SUR LE TRAVAIL EN CENTRE D'APPELS


Pour faire venir ce personnel qualifié, il faut soigner ses arguments. Car les vieux clichés ont la vie dure : les centres d'appels, dans l'esprit du plus grand nombre, sont la version moderne du travail à la chaîne, ou une évolution poussée de la fonction de standardiste. A bac + 5, on peut rêver d'autre chose. « Mais la mauvaise réputation des centres d'appels est contre-balancée par la bonne image de l'INPI », explique Claude Vercher. Image d'exigence, associée au prestige de l'institution. Mais après ? Une fois que toute la structure sera en place et bien rodée, c'est-à-dire d'ici quelques mois, comment motiver les troupes ? « Le centre d'appels est une très bonne école. On y capitalise des connaissances en propriété industrielle. Et les possibilités d'évolution sont nombreuses au sein de l'Institut. » De fait, le centre constitue une porte d'entrée vers les autres métiers de l'INPI. Celui qui y aura passé quelques années aura balayé l'ensemble des problématiques liées à la propriété industrielle. Il aura également développé son sens du contact et de la pédagogie. Formation de son personnel, information du public : avec ce centre, l'INPI fait d'une pierre deux coups. Aujourd'hui, INPI Direct tourne à 400 appels entrants par jour en moyenne, auxquels il faut ajouter une quarantaine d'appels sortants (des rappels pour complément d'information). Les interlocuteurs sont en majorité des PME et des particuliers. La plupart des questions sont traitées immédiatement. D'autres plus pointues ou demandant une connaissance du dossier peuvent obliger les conseillers à renvoyer l'interlocuteur vers un spécialiste qui travaille sur un autre site de l'INPI. Le call center joue donc le rôle de filtre, mais n'est pas pour autant un "super-standard". « Autant que possible, nous essayons de faire en sorte qu'une même personne suive l'appel jusqu'au bout. » Ce qui arrive plus de 9 fois sur 10. En décrochant son téléphone, l'inventeur a donc toutes les chances de trouver une réponse rapide à sa question. A une réserve près : la vocation du centre n'est pas de délivrer des conseils mais de fournir une information. L'INPI s'en tient aux faits, en présentant la panoplie des droits disponibles pour protéger une invention : pas question d'inciter l'appelant à choisir telle ou telle solution juridique. Ce serait marcher sur les plates-bandes des cabinets de consei et des avocat... qui n'ont pas pour vocation de fournir une expertise gratuite. Soulignons au passage que ces cabinets de conseil n'ont pas mis longtemps à découvrir l'utilité de ce nouvel outil : aujourd'hui, ils sont à l'origine d'un appel sur 10 !

DEUX MOIS DE STAGE INITIAL


Avant d'être lâchés dans le grand bain d'INPI Direct, les nouveaux arrivants subissent deux longs mois de stages. Ils passent des tests à blanc pour s'approprier les outils, afin d'appréhender tous les problèmes. Ils suivent une formation sur les principes de communication téléphonique. Les questions qu'on leur pose sont par définition complexes, et il faut y répondre de façon concise, en faisant un effort de vulgarisation ; car, si les interlocuteurs sont souvent très compétents dans leur domaine (les sciences, l'industrie), ils n'ont généralement pas la moindre notion de droit. Les conseillers disposent d'une "bible" qui répertorie les centaines de situations à connaître, les questions types. Elle est mise à jour en permanence (voir encadré). Son élaboration a commencé bien avant l'ouverture du centre, en 1999, alors que le projet n'était encore qu'à l'état d'ébauche. Tous les services de l'INPI y ont participé, preuve que le centre d'appels fait partie intégrante de l'Institut, qu'il n'est pas un outil annexe, un satellite. A ce propos, le refus de la sous-traitance semble être allé de soi. Lâchez le mot "externalisation", la réponse de Claude Vercher fuse, catégorique : « Notre métier est trop spécifique pour être traité en externe. Les informations que nous délivrons sont très précises, les connaissances doivent être sans cesse actualisées. » Autre raison évidente, et déjà évoquée plus haut : une structure intégrée permet d'offrir au personnel des débouchés dans d'autres services. Pas de sous-traitance, pas d'éclatement du centre non plus. Le seul élément déconcentré est l'imprimerie de Compiègne qui édite, à la demande, les brochures qui sont envoyées aux appelants. Le centre traite aussi le courrier électronique qui parvient sur le site inpi.fr. Les employés sont polyvalents. Ils s'avouent contents de lâcher, de temps à autres, leur micro-casque pour répondre à quelques mails. C'est une façon de diversifier le travail, une respiration après de longues heures au téléphone. Neuf demandes sur dix sont traitées dans la journée de réception. Une efficacité rendue possible par l'utilisation de la "bible" : la plupart des questions y sont répertoriées, ce qui permet l'envoi d'une réponse type. Avec un peu plus d'une vingtaine de messages par jour, le traitement du courrier constitue une activité marginale et devrait le rester. Le téléphone est beaucoup plus adapté : il permet de mieux cerner les attentes de l'appelant, de répéter une explication, d'insister sur tel ou tel point. Pour connaître un peu mieux le profil des usagers (Utilisent-ils les nouvelles technologies ? Quelles sont leurs sources d'information ?), l'INPI a mis en place deux numéros Indigo : l'un figure sur les Pages Jaunes et les tracts ; l'autre exclusivement sur le site web. Résultat : 80 % des appelants ont pris connaissance du service grâce à l'annuaire et les tracts ; seuls 20 % grâce au Web. Mais il reste encore un gros travail de communication : au printemps, 45 % des appels provenaient du standard parisien, signe que la notoriété d'INPI Direct n'est pas acquise. Ce qui l'est, en revanche, c'est la satisfaction des appelants : 90 % d'entre eux obtiennent une réponse immédiate (les appels durent en moyenne 4 minutes). Quant aux internautes, lorsqu'ils sont contents ils le disent : en quelques mois, 245 d'entre eux se sont fendus d'un message de remerciement à la suite d'une réponse que leur avait apportée l'INPI !

Cinquante ans au service de l'industrie


Le sac à dos (Lafuma), le bateau pneumatique (Zodiac), le pneu radial (Michelin) mais aussi la pilule abortive RU 486, le stylo Bic, le Minitel, la carte à puce... Toutes ces inventions ont fait l'objet d'un dépôt auprès de l'INPI. Au XXe siècle, plus d'un million de brevets ont été déposés en France. Une démarche qui permet aux inventeurs de se prémunir face à la contrefaçon. Seules contreparties : le versement d'une somme modique (environ 300 E par an) et la publication de toutes les caractéristiques techniques du produit. Créé en 1951, l'INPI dépend du secrétariat d'Etat à l'Industrie.

Les options technologiques


La mise en place du centre d'appels a été confiée à Coheris. Le fournisseur de solutions CRM-e-business a réalisé un couplage téléphonie-informatique (CTI) adapté à l'INPI en utilisant la technologie Nortel. Les contacts clients sont gérés avec Conso +. « Le logiciel a été choisi, pour son adaptabilité, souligne la responsable du centre, Odile Salmer. Nous avions pour objectif d'organiser notre service client en nous reposant sur une solution évolutive. » Quant à la base de connaissances (la "bible"), elle fonctionne sous Lotus-Notes/Domino V5.

Jérôme Andrade

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