260 millions d'euros au crédit du multicanal
Société Générale Deux cent soixante millions d'euros. Il s'agit assurément
de l'un des plus importants chantiers mis en oeuvre par une entreprise
française en matière de réorientation de stratégie clientèle. Avec le programme
"4D" (Dispositif de Distribution multicanal intégré pour la banque de Détail de
Demain), la Société Générale se dote de l'un des systèmes de gestion de la
relation client les plus complexes et lourds qui aient été déployés ces
derniers temps. En juin 2001, BNP Paribas annonçait sa volonté de devenir l'un
des pionniers de la GRC multicanal dans le monde bancaire, avec un projet,
initié fin 1998, pesant alors dans les 230 millions d'euros. L'objectif de la
Société Générale est ici, selon les termes de son P-dg, Daniel Bouton, de se
"focaliser sur la fidélisation des clients du fait de la concurrence croissante
introduite notamment par les banques on line". Banques on line qui, au passage,
ne réussissent pas toujours à convaincre leurs actionnaires : en janvier 2002,
le groupe Arnault revendait Zebank au britannique Egg, filiale de Prudential ;
début juin, BNP Paribas annonçait s'être mis d'accord avec Axa sur la cession
de 100 % du capital de Banque Directe. Tableau auquel on peut ajouter les
échecs respectifs du belgo-néerlandais Fortis et du franco-belge Dexia avec sa
filiale Dexia Plus. En fait, il semblerait que le modèle banque directe pure
ait du mal à trouver sa place dans l'Hexagone. Et que les établissements
financiers lui préfèrent le schéma multicanal. C'est en tous cas la situation
de la BNP où l'on ne cachait pas, ces derniers mois, que Banque Directe faisait
doublon avec le dispositif de banque multicanal. Et, au sein de la Société
Générale, on rappelle aujourd'hui le bon vieux slogan : "Ma banque, où je veux,
quand je veux, comme je veux". « En 1999, de longues réflexions ont été menées
au sein de la direction générale de la banque de détail. Nous étions très bons
sur le Minitel, très bons sur le SVI et très bons sur le Net. Mais il y avait
un problème au niveau de la vision globale. Il fallait passer d'un système
d'information par silos à un système de traitement unifié », raconte Laurent
Carle, responsable du projet CRCM 4D, c'est-à-dire en charge des "centres de
relation client multimédia" au sein du projet 4D.
PLAN DE RATIONALISATION DE L'ORGANISATION INTERNE
Fin 1999 se tient une
première réunion, qui constituera la base officielle de lancement du programme
4 D par la direction générale de la banque de détail. Le projet, pour la
réalisation duquel la banque s'est offert les services de
PriceWaterhouseCoopers, fera figure de petite révolution sur le plan de
l'organisation au sein du groupe. La Société Générale compte 9 délégations
régionales, 130 groupes et 2 000 points de vente. Dans le projet 4D, les
groupes sont censés devenir des DEC, Directions d'exploitation commerciale, qui
deviendront les organes de pilotage de la relation multicanal. L'idée étant
d'aboutir à un schéma regroupant 80 DEC, 25 services clients (back-office) et 5
centres de relation clients multimédia de 250 conseillers. C'est donc
l'ensemble du modèle de contact et de distribution de la banque qui est
concerné. 4D implique un travail de développement et d'optimisation des
différents canaux de contact et de distribution : Internet et ses différents
espaces particuliers, entreprises, associations et professionnels, les centres
d'appels, les agences. Les dimensions middle et back-office n'échappent pas à
la réforme. De même, de manière plus transversale, sont concernés au plus près
l'ensemble des systèmes d'information, le marketing, et les divers niveaux de
pilotage opérationnel. En mars 2002, le quotidien La Tribune faisait état d'un
document interne de la Société Générale dressant un premier bilan du projet 4
D, sur la base de tests réalisés à Montpellier, Caen, Bordeaux, Saint-Etienne.
"Les groupes en charge de la seule mise en place des unités commerciales ont
été immédiatement confrontés à une difficulté organisationnelle", précise le
document cité par La Tribune. 4D, affirme-t-on au siège du groupe bancaire,
fonctionne selon le planning, et fonctionne bien. Dans sa réalisation, le
projet aura mobilisé en interne 2 300 collaborateurs, soit plus de 10 % des
effectifs globaux de la Société Générale. Si les responsables du programme
reconnaissent que, sur une entreprise d'une telle ampleur, des
dysfonctionnements sont inévitables, ils les limitent à des couacs isolés.
Pour permettre le fonctionnement d'une architecture multicanal, encore faut-il
élaborer une base client unique. La Société Générale recense 12 millions de
clients en France et à l'international et 45 millions de prestations.
L'objectif de la banque est de mettre sur pied une base tierce, construite
autour de la notion de client. Ce, afin qu'elle devienne maître à l'intérieur
même de l'outil informatique. Un programme qui a pour corollaire nécessaire la
refonte de l'ensemble des systèmes d'information.
DU SIEBEL SUR 21 000 POSTES
En septembre 2000, la Société Générale arrêtait son
choix sur l'outil CRM. Une décision venant sanctionner six mois d'appel
d'offres au terme desquels deux candidats se partageaient la short list :
Siebel et Vantive (qui n'était pas encore passé dans le giron de PeopleSoft).
Ce sera Siebel. Un énorme projet pour l'éditeur, portant sur l'équipement de 21
000 postes de travail. L'adaptation informatique de l'outil a été finalisée fin
2001. Les premiers tests concernant les postes multimédia des conseillers sous
Siebel ont eu lieu en avril 2002. L'objectif de l'application unique dont
disposeront les téléconseillers, les commerciaux en agence ainsi que le
bak-office, est de leur faire bénéficier d'un système de partage de
l'information en temps réel et sur l'ensemble des canaux. Ce qui aura
représenté, précise-t-on chez Siebel, "le chargement de données issues de 80
applications bancaires différentes". Nom choisi pour l'application : Contact.
Le déploiement à grande échelle aura lieu à partir du troisième trimestre
2002. Accessibles du lundi au samedi inclus de 8 heures à 22 heures, les
centres d'appels, baptisés CRCM, constituent la matière névralgique du nouveau
dispositif multicanal. La mission des cinq structures étant de traiter la
grande majorité des demandes de la clientèle et d'absorber le trafic des
agences quand celles-ci ne sont pas en mesure de le gérer. Le premier CRCM a
été créé à Lyon en avril 2001. Le deuxième s'est ouvert début 2002 à Nanterre.
Ce deuxième semestre sera celui du lancement de la troisième entité, à Lille.
Le dispositif devrait être finalisé fin 2003, début 2004. Sachant qu'il faut
six mois pour roder une structure de ce type, chaque nouveau centre devra
suivre une phase "d'échauffement" avec des équipes limitées dans un premier
temps à 50 personnes, qui seront systématiquement recrutées en interne, au sein
du réseau notamment. Une fois cette première phase jugée concluante, les sites
procéderont au recrutement des effectifs optimaux (250 personnes), avec, au fur
et à mesure des intégrations, un recours de plus en plus important - et au
final majoritaire - à des ressources extérieures à la banque. D'un strict
point de vue RH, le CRMC ne doit pas être considéré comme un aboutissement. Les
conseillers à distance seront encouragés, au terme de deux-trois ans de bons et
loyaux services, à intégrer d'autres sphères au sein de l'entreprise. Les
règles de recrutement et les grilles de rémunération étant strictement les
mêmes, à statut identique, pour l'ensemble des salariés de l'établissement
bancaire. Les téléconseillers doivent pouvoir répondre à 80 % des demandes. «
C'est là une revalorisation de la prestation des téléconseillers. Ils sont ni
plus ni moins des banquiers », remarque Jean-Luc Dubec, directeur du CRCM de
Nanterre.
PRESTATION PROVISOIRE D'INFOMOBILE
L'un des
rôles des CRCM est de recevoir les appels reroutés depuis le réseau des
agences. Lorsqu'un conseiller en agence ne peut pas ou ne veut pas répondre à
un appel, celui-ci est ainsi orienté vers le CRCM. Un premier test a été
effectué sur quatre groupes : Arras, Paris XVe, Annecy et Le Raincy.
L'extension du dispositif étant progressive, l'ensemble des agences du
territoire devrait bénéficier de cette réorientation d'ici la fin de l'année.
Pour celles qui ne sont pas encore intégrées à ce réseau des CRCM, une solution
transitoire a été choisie. En l'occurrence avec Infomobile, qui gèrera, d'ici
fin 2002, le télésecrétariat des agences non reroutées. Pourquoi Infomobile ? «
Nous avons fait des comparatifs en termes de coûts. Ils étaient les moins
chers. Leur accueil est bon. Mais c'est vrai, ce ne sont pas des banquiers »,
note Pascal Mere, responsable des CRCM. Une gestion provisoire dont les clients
n'auront pas été informés. Il est vrai que les entreprises, au nom de la
sacro-sainte "transparence" des flux, n'annoncent jamais à leur clientèle la
sous-traitance de tel ou tel service à distance, optant au contraire pour une
réponse homogène sous le couvert d'une marque unique. Mais, lorsqu'il s'agit
d'un recours temporaire, confié à une société loin d'être spécialisée dans le
secteur bancaire, a fortiori dans une configuration inédite (le reroutage des
appels agences) à la fois pour l'entreprise et pour ses clients, avec tous les
couacs qualitatifs qu'une nouvelle organisation génère nécessairement, ne
serait-il pas plus "transparent" d'annoncer la couleur à la clientèle ? « Les
130 groupes sont maîtres de leur communication. C'est à leur niveau qu'il
aurait peut-être fallu expliquer aux clients que leurs demandes seraient pour
un temps traitées chez un prestataire extérieur. Ce qui n'était pas facile
notamment en termes de coordination. Mais il est vrai que l'on aurait pu, ici,
être meilleurs », reconnaît Laurent Carle. Le CRMC lyonnais traite à lui seul
64 000 appels par mois pour quatre groupes, soulageant les agences de 54 % de
leurs appels. Du coup, et selon un rapport interne publié en mars 2002 par le
quotidien La Tribune, le taux d'appels perdu a diminué quasiment de moitié,
passant de 25 à 14 %. Des pertes assez fortement concentrées sur le mardi
matin, qui concentre dans la seule tranche 9-11 heures 16 % du trafic entrant
hebdomadaire (les agences sont fermées le lundi). "Du temps commercial est
libéré, entre 30 minutes et 45 minutes par jour et par exploitant. Alors que 70
% des clients n'ont pas perçu le changement d'interlocuteur", rapporte le
document interne de la banque, où il est mentionné que "des progrès restent à
faire en termes d'efficacité commerciale durant l'entretien". Les opérations
régionales et locales de télémarketing ne devraient pas être confiées au CRCM.
« Actions en émission et service client sont deux choses différentes », résume
Pascal Mere.
CROISSANCE IRRÉSISTIBLE DES CONTACTS VIA LE WEB
Sur les CRCM, les conseillers "tournent" régulièrement pour
traiter les mails adressés par la clientèle. « Avec le Net, nous avons un
problème de croissance, explique Laurent Carle. En 2001, nous avons enregistré
95 millions de contacts, soit 35 % de plus qu'en 2000. Et depuis, tous les
mois, le trafic augmente de 20 à 30 %. Nous avons vite été confrontés à de
grosses difficultés d'accès. » Difficultés qui ont été ressenties jusqu'aux
services de support technique sous-traité chez Hays Ceritex, victime de
débordements. La Société Générale, qui compte près de 80 sites web maison ou
partenaires, a enregistré en 2001 plus de 20 millions de connexions. Le
déploiement HTML des postes de travail devrait être finalisé au terme de
l'année 2002. Parallèlement au réseau des CRCM, la Société Générale, dans le
cadre de son dispositif multicanal, a investi dans une refonte de son serveur
vocal interactif, optant pour une facilitation des services. L'ancienne
génération de Vocalia n'autorisait d'accès à l'arborescence que sur déclinaison
d'un code identifiant. Depuis le 21 mars 2002, ce n'est plus le cas. Le SVI,
accessible en composant le 0892 707 707, a d'emblée limité son tableau d'entrée
à trois options : le traitement automatique des opérations, le service
d'urgence en 7j/7 24h/24, le contact avec un téléconseiller. La nouvelle
version du serveur vocal a fait l'objet de tests, entre avril et novembre 2001,
sur quatre groupes regroupant 200 000 clients (le même carré d'expérimentation
que celui du CRCM : Arras, Paris XVe, Annecy et Le Raincy). Aujourd'hui,
Vocalia est généralisé à toute la France. A lui seul, le SVI enregistre
environ 4 millions d'appels par mois, ce qui en fait le deuxième serveur le
plus utilisé en France, après celui de Météo France. Le taux d'appels perdus
étant de seulement 3 %. « La date butoir pour l'assemblage des différentes
briques est fixée à fin 2002 », précise Laurent Carle. La fin de l'année ne se
traduira pas pour autant par la fin du programme 4D. L'adaptation des
structures commerciales et le développement des différents canaux de contact
continueront de mobiliser les énergies en 2003 et en 2004. De même que la
constitution des pôles services clients, structures de gestion du back-office,
dont le déploiement est programmé jusqu'en 2007-2008.
L'entreprise
- 6,4 millions de clients particuliers - 400 000 clients professionnels, TPE et associations. - 48 500 clients entreprises. - 2 011 agences (90 % dans des villes de plus de 5 000 habitants), 130 groupes, 9 délégations régionales. - 2 580 DAB. - 21 500 employés (front : 67 %, middle : 27,5 %, management et support : 5,5 %).
Le dispositif multimédia de la Société Générale
- Le serveur vocal Vocalia : 4 millions d'appels par mois. - Les centres de contacts (CRCM) : 120 000 d'appels par mois. - Internet avec Logitel Net et les portails spécialisés par marché : 19 millions de connexions en 2001 et 524 000 utilisateurs effectifs (détenteurs de comptes à vue ayant utilisé les services internet au moins une fois en 2001). - Le Minitel avec Logitel : 1 million de connexions par mois. - Les messages d'alerte sur les téléphones mobiles (Messalia) : 20,4 millions de messages (+ 189 %). - La TV interactive (Visualia). Sur l'année 2001, les canaux à distance de la Société Générale ont généré 95 millions de contacts clients, soit une progression de 32 % par rapport à 2000. Pour le seul mois de décembre, 9,2 millions de contacts ont été enregistrés.
La relation client
- DEC (Direction d'exploitation commerciale). Ce sont les organes de pilotage de la relation multicanal, qui remplaceront les 130 groupes d'agences. - 5 CRCM (Centre de relation clientèle multimédia). Ouverts du lundi au samedi de 8 à 22 h. - 25 pôles services clients régionaux. Ils doivent regrouper les activités de back-office assurées au sein des 130 groupes d'agence. - 2 011 points de vente. - 21 000 postes de travail sous application Contact.