Quelles solutions pour maintenir le moral des téléconseillers ?
Les télé-conseillers sont des salariés comme les autres. Alors, quand il s'agit de les remotiver, rien de tel qu'une bonne dose d'empathie et une pincée de bon sens. Soumis à un stress important, les employés des centres de contacts ont, pour garder leur dynamisme et leur réactivité, besoin de toute l'attention de leur hiérarchie. Florilèges et recettes des centres performants en la matière.
La “positive attitude”, si chère à la chanteuse égérie Lorie, aurait-elle
déserté les plateaux des téléconseillers ? Dernièrement repris par le Premier
ministre, Jean-Pierre Raffarin, dans une émission de télévision, ce terme de
positive attitude, qui consiste à percevoir le verre comme à moitié plein
plutôt qu'à moitié vide, ne semble pas l'apanage des Français en ce moment. Et,
si de nombreux salariés expriment leur morosité, en se préoccupant de leur
pouvoir d'achat en berne, de la montée du chômage et des délocalisations, les
centres d'appels ne font pas exception à la règle. Après une année 2004 riche
en exposition médiatique, thème des délocalisations off-shore et des conditions
de travail oblige, les structures gérant la relation client à distance ont fait
un pas en avant vers la reconnaissance de leur métier.
Motiver, c'est sonder
Parallèlement, donneurs d'ordres comme clients ont
plus que jamais pris conscience de l'importance de s'entourer des meilleures
équipes et d'offrir les meilleurs services… Pour y parvenir, pas d'alchimie
miracle. La qualité des réponses apportées, le plus souvent lors d'un contact
physique, par téléphone ou par e-mail, dépend pleinement de la capacité de
l'entreprise à bien recruter, fidéliser et motiver ses équipes. « L'important
est d'avoir une idée de ce qu'attendent les téléconseillers par le biais d'une
étude de type baromètre, par exemple. Il existe un travail préalable à
effectuer, de clarification de l'état d'esprit des équipes pour savoir dans
quelle direction aller », remarque Pascale Piketty, dirigeante du cabinet de
formation Profil 1. Et l'enjeu de travailler dans une atmosphère constructive
et sereine n'est pas que philanthropique. « La motivation des équipes est
primordiale dans tous les métiers et encore plus dans le métier du centre
d'appels. Nous accompagnons souvent des jeunes de 20 à 25 ans pour lesquels le
cursus d'intégration fait partie intégrante de la motivation », explique Elodie
Cameron, directrice des ressources humaines de Victoria Line. Entreprise de
services où la relation est le cœur même de l'activité, le centre de contacts
est souvent perçu par le client final comme l'un des ambassadeurs de l'image de
l'entreprise. « La motivation des téléconseillers est une préoccupation qu'il
faut avoir à l'esprit et qui n'est pas facile à gérer », constate, pour sa
part, Olivier Camino, directeur des opérations d'Acticall. Une complexité qui
devrait encourager les centres à redoubler de vigilance pour s'assurer de la
motivation de leurs salariés. « Chaque trimestre, via Internet et de manière
anonyme, les téléconseillers remplissent un baromètre de satisfaction. Un
compte-rendu est élaboré et envoyé à tous les niveaux hiérarchiques de
l'entreprise », explique Héléna Loucano, directrice des ressources humaines de
Webhelp, un outsourceur présent notamment au Maroc et qui veille tout
particulièrement à ces aspects. En somme, par le biais du sondage de ses
équipes, une entreprise se dote d'un moyen efficace de réaliser, à moindre
coût, un audit social régulier lui permettant de tirer les enseignements qui
s'imposent. Le travail de téleconseiller est difficile. Il faut avoir une
résistance au stress et à la répétitivité importante.
Recruter fûté
Personne ne le niera parmi les professionnels des centres de
contacts, exception faite peut-être de ces rares cas de vendeurs au téléphone
ultraqualifiés. Des oiseaux rares qui ne font pas la représentativité du
secteur. Et, pour éviter les déceptions en tout genre, autant ne pas survendre
les postes, ce qui risquerait de générer des départs rapides. Dès lors, la
phase initiale de recrutement et les premiers pas d'intégration dans
l'entreprise se révèlent tout à fait fondamentaux. « Sur nos trois plateaux,
nos techniciens du tourisme ont une formation spécifique aux outils de
réservation », explique Nicole Hardouin, directrice des ressources humaines de
Go Voyages. Alors que l'univers du voyage est marqué par une forte présence
d'Internet et des demandes des clients de plus en plus précises, ses rouages et
métiers nécessitent des connaissances particulières. Le centre de réservation
de Go Voyages, qui reçoit pas moins de 1 200 appels par jour, met donc l'accent
sur le recrutement de ses agents. « Nous recrutons des profils qui nécessitent
une formation et intégration à nos différents produits et services », note
Nicole Hardouin. Un accompagnement préalable qui semble porter ses fruits.
Réactivité et écoute
« Les superviseurs sont des relais
fondamentaux avec les téléconseillers. Les responsables de programmes et les
chefs de plateaux sont, dans notre entreprise, objectivés sur les taux de
turn-over », souligne Elodie Cameron. Aussi simple que cela puisse paraître,
le fait d'être à l'écoute est l'une des principales attentes des équipes. « La
première source de démotivation est la non-réponse à une demande d'un salarié.
Il peut y avoir une erreur sur un bulletin de paie, sur la gestion des
horaires… et, si cela ne fait pas l'objet d'une réponse rapide, cela peut être
une source importante de démotivation », explique Olivier Camino. Prendre à
bras le corps les petits problèmes du quotidien, faire en sorte que les
“microproblèmes” ne débouchent pas sur une “maxi démotivation”, tel est le
credo d'Acticall. « Une personne au sein de l'équipe RH reçoit depuis un an et
demi les questions formulées par les salariés aux encadrants, avec un
engagement de réponse dans la semaine. Nous essayons d'être le plus réactif
possible sur des points de détails qui sont importants, car ils font le
quotidien de nos employés », ajoute Olivier Camino.
Animer contre la morosité
En complément de l'écoute de leurs éventuels problèmes
quotidiens, les téléconseillers sont, également, particulièrement sensibles aux
animations. Chèques cadeaux, gâteaux d'anniversaires, euros sonnants et
trébuchants pour saluer la performance de tel individu ou de telle équipe...,
les téléconseillers sont une population de salariés qui doit être stimulée en
permanence. « Souvent, le téléconseiller est dans un modèle infantilisant et
coercitif. Lui demander de l'automotivation est difficile », remarque Pascale
Piketty. Et, en la matière, la créativité n'a pas de limite. « Les incentives
qui fonctionnent le mieux sont les primes sur le salaire, les chèques cadeaux,
les spectacles et cadeaux qualitatifs », classifie Elodie Cameron. Exemple
original, Victoria Line a mené, en novembre 2004, une vaste opération de
stimulation au sein de ses plateaux. Une centaine de téléconseillers,
récompensés pour la qualité de leurs discours, se sont vu offrir une séance de
massage. Vingt minutes de décontraction totale dans une salle de repos aménagée
pour l'occasion… Mais les massages peuvent, aussi, avoir des vertus
soporifiques… Or, le téléconseiller n'est pas homme ou femme à se laisser
endormir. Pour lui, une des préoccupations majeures est de pouvoir monter en
compétence, c'est-à-dire ne pas stagner ad vitam aeternam sur des missions
monotones.
Développer les compétences
Nazca,
outsourceur spécialisé dans les produits de haute technologie, fait ici figure
de modèle. « Les télécommerciaux vont souvent chez les clients lors de la prise
de brief. L'important est de faire tourner les individus pour varier les
compétences et pour que les salariés s'enrichissent », explique Romuald Jallon,
responsable du site de production de Nazca. Savoir manager intelligemment,
c'est parfois savoir responsabiliser ses équipes ou, au contraire, savoir les
encadrer et les accompagner de manière importante lorsque leur autonomie n'est
pas suffisante. Bref, c'est composer avec les hommes dans un souci constant de
progression. « Le premier levier pour permettre de motiver les téléconseillers
est le développement des compétences. Par un travail au quotidien, il faut
montrer que des compétences doivent continuer à être acquises. Nous avons des
profils et des bagages divers, mais avec une volonté renouvelée d'un
enrichissement intellectuel constant », estime Olivier Camino. Ainsi,
lorsqu'un télécommercial devient chef d'équipe, l'effet levier de la
motivation joue à plein.
Rémunération et transparence
Bien sûr, les téléconseillers parlent entre eux.
Aussi, pour éviter tout trouble sur d'éventuelles différences de traitement,
un principe revient souvent comme fondamental dans les leviers motivationnels :
celui de la transparence. « Sur nos plateaux, chaque équipe voit en toute
transparence les résultats des autres équipes, ce qui permet d'être totalement
transparent quant aux critères d'attribution des primes », explique Helena
Loucano. Rémunération variable, rémunération fixe, challenge individuel ou
d'équipe, les écoles divergent (voir encadrés). Une certitude cependant : la
rémunération est bien sûr un aspect incontournable de la motivation. « Notre
politique est de faire à tout prix de la qualité. Mais notre vraie valeur
ajoutée consiste à avoir un mode de rémunération fixe élevé », note Olivier
Camino. Selon son mode de fonctionnement, selon qu'il s'agisse d'un centre
internalisé ou externalisé, l'entreprise développera ses outils motivationnels
internes en jouant sur les leviers évoqués. « L'entreprise a une personnalité
qui lui est propre et qui a un impact sur le mode de motivation des gens »,
analyse Pascale Piketty. Les centres dont les coûts de personnel représentent
plus des deux tiers des coûts globaux ne peuvent guère faire l'impasse sur le
thème de la motivation tant l'enjeu est important. Alors en route… Et avec la
banane !
AOL joue le management participatif
Nos conseillers sont recrutés pour leur sens du service clients avant tout et ensuite pour leur attachement au produit, c'est-à-dire à l'Internet », lance Laure Ducottet, directrice des ressources humaines du service client d'AOL. Le service clients du fournisseur d'accès à Internet, implanté à Marseille en août 2001, compte quatre cents personnes dédiées à l'activité des centres d'appels. Et, pour fédérer ses effectifs, l'entreprise prend chaque année son pouls. « Annuellement, une enquête d'opinion des salariés est menée dans tous les sites européens », explique Laure Ducottet. Les salariés, interrogés sur leur ressenti vis-à-vis de l'entreprise, répondent de manière anonyme et transparente. Réponses à des questions fermées à choix multiples et espace libre d'expression sont sollicités. « Nous jouons la transparence jusqu'au bout, puisque nous affichons l'intégralité des verbatim dans les couloirs pour que tous les collaborateurs puissent en prendre connaissance », ajoute Laure Ducottet. But de la manœuvre ? Impliquer les collaborateurs et favoriser la remontée d'information. Parallèlement, l'entreprise a réalisé un test, sur une partie de ces équipes, le programme étant baptisé “Vos idées en action”. De quoi s'agit-il ? « Nous fixons un objectif opérationnel qui peut être de diminuer le temps d'appels, d'augmenter la courtoisie…, et nous sollicitons l'ensemble des collaborateurs pour qu'ils exposent leurs idées pour atteindre l'objectif visé. Ensuite, trois projets sont sélectionnés et les personnes à l'origine de ces projets disposent du temps et des moyens nécessaires pour les concrétiser », explique Laure Ducottet. Des méthodes empruntées aux principes du TQM (Total Quality Management), l'objectif consistant bien à associer les collaborateurs pour faire émerger de nouveaux projets.
Formation
Armatis, motiver est l'affaire de l'encadrement Créé en 1989, Armatis compte 1 500 salariés et réalise 29 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel. Comment procède cet outsourceur, principalement implanté dans le Nord et en région parisienne, pour gérer son climat social ? « Concernant la motivation des équipes, nous faisons un focus sur les superviseurs. Pour nous, ils constituent vraiment la pièce maîtresse des centres. Nous réalisons des formations importantes à leur niveau en créant un parcours de formation complet et maison », explique Laurence Lelouvier, directrice des ressources humaines et de la communication. Le manager d'équipe, pierre angulaire du système, est l'œil et l'oreille de l'entreprise. Charge à lui de détecter les signes de démotivation et de faire régner une ambiance conviviale et professionnelle. « Depuis 2001, les centres d'appels ont connu un réel virage par lequel les gens se sont inscrits dans un métier et dans la durée, alors qu'auparavant on touchait avant tout des étudiants pour des emplois saisonniers », remarque Laurence Lelouvier. Raison de plus pour que les encadrants fassent fructifier ce terreau fertile, estime l'entreprise.
Les leviers de la motivation
La rémunération La tendance est de faire du fixe et du variable, mais la grande difficulté est de savoir sur quoi faire du variable. Par exemple, mettre une prime pour que les gens arrivent à l'heure, c'est-à-dire sur des basiques, me semble être une erreur. C'est la surperformance qui doit être valorisée. La formation et les ressources humaines Le plan et la trajectoire individuels des téléconseillers est un aspect important des ressources humaines. C'est à ce stade que l'on peut associer aux téléconseillers des plans de formation pour développer telle ou telle compétence. Parallèlement, trouver un rythme de réunion et d'échange avec le management et réussir le recrutement préalable se révèlent indispensables. L'animation au quotidien et le mode de management On peut arriver à générer de l'animation au quotidien en créant des incentives pas forcément associés à de l'argent et en reconnectant ces actions au métier, par exemple en offrant des cours d'anglais. Quant au manager, il doit savoir manager un individu et une équipe et alterner les deux. La communication ou donner du sens Il faut donner du sens et de l'information aux téléconseillers, c'est-à-dire régulièrement arriver à leur dire où il en sont et où ils vont. Cela consiste aussi à savoir décrire le projet du centre d'appels à moyen et long termes. Sur ces chantiers, c'est l'engagement de la direction du centre et de l'entreprise qui est primordial.
Banque Accord: des conditions de travail alléchantes
La Banque Accord s'inscrit dans la politique et les valeurs du groupe Auchan, dont elle fait partie. Sens du service clients, forte implication des salariés, notamment par le biais de systèmes de primes et de participation aux bénéfices… Résultat ? L'entreprise affiche des taux de turn-over bien plus bas que l'ensemble du marché ! « Nous avons moins de 5 % de turn-over au sein de notre structure de centre d'appels. Nous fidélisons beaucoup nos collaborateurs en recrutant des CDI et des temps partiels choisis, explique Viviane Olivo, responsable communication de Banque Accord. Tous nos conseillers clientèles ont des primes individuelles. Le fixe chez Auchan est un fixe qui doit être vu en perspective avec tous les autres avantages. » Ainsi, la banque propose à ses salariés, outre une rémunération attractive, des perspectives d'évolution vers des postes de commerciaux, de chefs d'équipe, de responsables de service ou encore de formateurs. Une politique payante au regard de la motivation des 250 téléconseillers que compte le plateau.
“Il faut avoir bien conscience de l'enjeu”
Quels sont les symptômes de démotivation ? La baisse de motivation s'exprime de manière plus ou moins forte. Cela va de la simple expression d'un “mal-être” par les conseillers jusqu'à des tensions dures qui peuvent se concrétiser par des mouvements sociaux structurés… Le plus souvent, elle se manifeste d'abord par un certain manque de dynamisme du plateau : l'entraide entre les collègues ne se fait plus “naturellement”, le volontariat diminue, tous les signes de “bonne volonté” disparaissent progressivement. Les effets d'une baisse de motivation sont également palpables sur les indicateurs de performance classiques : prises d'appels en baisse, durée de conversation en hausse… Mais les effets les plus marquants portent, en général, sur la qualité de service. Les écoutes ou les enquêtes de satisfaction sont souvent édifiantes : les clients se plaignent d'un accueil moins “aimable” que d'habitude, du temps d'attente qui augmente, du manque de souplesse dont font preuve les conseillers face à la résolution de leur problème… Autres indicateurs classiques pour suivre la motivation des salariés : le “turn-over négatif”, c'est-à-dire le départ des éléments que l'on souhaiterait garder, l'absentéisme et les retards qui augmentent. Quand on parle avec les téléconseillers dans ces moments-là, les thèmes qu'ils évoquent presque systématiquement sont le manque de marge de manœuvre, l'intérêt du travail qui s'érode et les perspectives d'évolution limitées. Le manque de valorisation au sein de l'entreprise joue bien souvent le rôle de facteur aggravant. Comment agir ? La première étape, c'est d'accepter de faire le constat. Les managers doivent considérer l'apparition des différents éléments évoqués comme les symptômes d'une baisse de motivation. Ensuite, pour agir avec pertinence, il faut analyser les causes… La bonne démarche, puisque l'on ne sait pas mesurer la motivation elle-même, est de prendre en compte la présence sur le plateau des conditions qui font qu'un téléconseiller est plus ou moins motivé. Ces conditions sont connues. Est-ce que mon travail m'intéresse ? Ai-je des perspectives d'évolution intéressantes ? Les relations avec l'encadrement et les collègues sont-elles bonnes ? Les règles sur lesquelles sont évaluées mes performances sont-elles claires ? Est-ce que je dispose de marges d'initiative suffisantes ? Mon rôle est-il reconnu et valorisé ? D'où l'idée de mettre à disposition des managers un baromètre qui permette de mesurer la présence de ces six conditions de motivation, un outil simple et objectif. Quel est le principe de fonctionnement des baromètres de motivation ? Le baromètre que nous déployons est un outil de mesure, mis en œuvre voilà trois ans, réalisé et produit sur différents centres. Sur la base d'un questionnaire écrit et anonyme, le baromètre pose des questions se rapportant aux six thèmes précités et permet d'identifier les causes de démotivation sur un plateau donné. Nous avons simplifié les outils traditionnels de baromètre utilisés par les DRH pour, qu'en moins d'un mois, on puisse réaliser le diagnostic et initier le plan d'action. L'idée, c'est que chacun des thèmes renvoie à des actions particulières. On ne développe pas de la même manière la motivation pour un plateau sur lequel le problème principal est le manque de valorisation et sur un plateau dont la problématique prioritaire est le manque d'initiative. Il n'y a donc pas de recette miracle unique pour développer la motivation. En tout état de cause, il faut avoir bien conscience de l'enjeu. La relation client, c'est avant tout la relation entre deux personnes : un client et son conseiller. Sans la motivation du conseiller, il n'y a pas de qualité possible de la relation… Et, on le sait, c'est là que se fait la différence entre les entreprises.