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L'intégration au coeur de l'évolution

Créer un centre d'appels ou le faire évoluer vers le centre de contacts multicanal nécessite des développements technologiques et donc de l'intégration. Pour réaliser cette prestation complexe, à la fois intellectuelle et technique, les entreprises peuvent se tourner vers des sociétés de conseil et des SSII de taille et de nature différentes. Mais, quel que soit leur choix final, les clients devront au préalable déterminer avec précision leurs besoins, pour que la réussite soit au bout de l'intégration de leur call center.

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Avant de choisir un intégrateur pour son centre d'appels, mieux vaut savoir de quoi on parle. Cherche-t-on du conseil, des compétences techniques, une aide sur un point précis ? En effet, le terme d'intégration n'est pas le plus évident du vocabulaire informatique. Cerner précisément ce qu'il recouvre n'est pas anodin pour les candidats à cette prestation. Le Syntec Informatique (chambre syndicale des SSII et éditeurs de logiciels) définit ainsi cette prestation : "L'intégration de systèmes implique la capacité, pour une SSII maître d'oeuvre, de concevoir et de réaliser un système complet avec des éléments hétérogènes provenant de fournisseurs différents, à partir des spécifications générales fournies par le maître d'ouvrage". Pour Thierry Bouvier Muller, consultant chez Answare, l'intégration, c'est « la prise en compte des médias d'interaction avec les clients, sur un plan matériel, logiciel ou les deux. » Exemple : brancher un serveur CTI (couplage téléphonie informatique) sur un PABX. « Un intégrateur, c'est celui qui va mettre à disposition une solution correspondant à un besoin », estime Philippe Baldin, cofondateur d'Affluence, cabinet conseil et intégrateur. Bernard Boisson, consultant senior pour la gestion de la relation client chez Unisys, estime lui que « l'intégrateur doit partir de la problématique du client et lui trouver une solution qui correspond à sa stratégie. Il est là pour faire de la maîtrise d'oeuvre, c'est-à-dire faire travailler ensemble les briques logicielles et matérielles. » Mais ce serait une erreur de considérer l'intégration comme un simple problème d'interfaçage entre divers outils. C'est aussi une prestation intellectuelle qui passe par le conseil, l'aide à la décision, le choix des produits à mettre en place, la formation des équipes et le suivi du chantier. Bref, l'intégration est double, à la fois technique et intellectuelle. Envisager un seul de ces aspects fait prendre un risque aux sociétés désireuses de créer ou de faire évoluer leur centre d'appels. La typologie de ce marché de l'intégration des call centers est assez simple, même si elle est en train d'évoluer. La partie conseil est assurée à la fois par des cabinets comme les "big five" (Accenture, Cap Gemini Ernst & Young, Deloitte et Touche, KPMG, PricewaterhouseCoopers) et des sociétés de services informatiques qui ont développé cette activité en leur sein, voire des alliances entre consultants et SSII. L'aspect technologique est principalement assuré par des SSII, qui peuvent sous-traiter une partie de la tâche à des installateurs.

INTÉGRATEURS SPÉCIALISÉS


Parmi les sociétés de services informatiques, on trouve des prestataires "généralistes", capables d'assurer un consulting préalable et de relier un ERP et du CRM, une base de données à une plate-forme téléphonique, ou de prendre en charge l'ensemble du système d'information d'une entreprise. Autrement dit, assurer l'ensemble des connexions nécessaires au bon fonctionnement du call center. « Elles doivent êtres capables d'intégrer n'importe quel outil dans n'importe quel environnement », précise Thierry Bouvier Muller. Parmi ces SSII : Cap Gemini, Stéria, Sema Group, CS Communication et Systèmes, Unisys, IBM GS, Atos, etc. Parallèlement, il existe des intégrateurs plus spécialisés. « Certains ont développé une compétence autour d'éditeurs de progiciels, comme Micropole avec Clarify, ou de constructeurs de matériel téléphonique, Datapoint et Avaya, par exemple », ajoute Philippe Baldin. Certains éditeurs de progiciels de CRM proposent de réaliser l'intégration de leur soft avec l'existant du client. Mais en réalité, même s'ils possèdent une cellule intégration en interne, ils font souvent appel à des sociétés partenaires pour réaliser la connexion de leur produit au système d'information. A l'autre extrémité du spectre, les fabricants de matériel de téléphonie ou les fournisseurs réseau comme Alcatel, Nortel, Avaya, Cisco, rachètent ou absorbent des éditeurs de software. Les exemples récents sont nombreux : Alcatel et Genesys (CTI), Cisco et Geotel (CTI), Nortel et Clarify (CRM). « Nous connaissons aujourd'hui dans l'univers des centres d'appels ce qui est arrivé il y a cinq ans dans l'informatique de gestion, avance Laurence Bertrand, directeur commercial de Datapoint. Au départ, seules les SSII étaient présentes sur le marché de l'intégration. Un jour, les fabricants se sont rebellés. Ils se sont aperçus que la vente de matériels et logiciels sans la valeur ajoutée d'une solution globale n'avait plus lieu d'être. » De son côté, Bernard Boisson avertit : « les constructeurs se présentent comme intégrateurs mais sont limités à leur solution. Ils ne savent pas faire autre chose. » Pour éviter cet écueil, une société comme Answare s'est ainsi progressivement détachée du groupe Alcatel pour offrir aujourd'hui un vrai service d'intégrateur multisolution.

ALLIANCES TEMPORAIRES


Au départ, il existait une division d'Alcatel nommée TITN Answare, chargée de développer des solutions informatiques dans l'univers Alcatel, ses clients étant les opérateurs télécoms, grands et petits. Cette entité a été scindée en deux, avec d'un côté CIT pour le service aux opérateurs télécoms et de l'autre Answare, qui a été transformée en SSII généraliste, dont la cible vise toutes les entreprises hors opérateurs télécoms. L'entreprise désireuse de s'adjoindre les compétences d'un intégrateur doit avant tout déterminer ses besoins avec précision. « Il faut être prudent lors de la définition du projet et se poser les bonnes questions. Il existe des cas d'échec graves, avec des coûts finaux multipliés par deux ou trois. Cela peut même aller jusqu'au procès », avertit Philippe Baldin. Une fois cette étape primordiale effectuée (au besoin avec l'aide d'un consultant extérieur), un appel d'offres permettra de mettre en concurrence plusieurs intervenants et de choisir l'intégrateur adéquat. Pour certains projets compliqués, l'entreprise pourra s'adjoindre les services de plusieurs spécialistes en même temps. Par exemple, un duo cabinet conseil/intégrateur pourra répondre à un appel d'offres, comme le font Accenture et Stéria. On peut aussi trouver une alliance intégrateur/constructeur/éditeur comme pour le trio Datapoint, Avaya, Vocalcom. Thierry Bouvier Muller confirme cette tendance : « on assiste de plus en plus à des regroupements d'intérêts temporaires sur la durée d'un projet entre fournisseurs, intégrateurs et éditeurs qui se présentent comme un groupe solidaire. » Mais, dans ce cas de figure, le client sera avisé de désigner un maître d'oeuvre unique pour éviter les conflits. « Les clients préfèrent ne voir qu'une seule tête. L'intégrateur doit devenir l'interlocuteur unique de tous les fournisseurs », affirme Patrick Sportouch, manager intégration de progiciels chez Micropole. La question de l'impartialité de l'intégrateur face à l'offre matérielle et logicielle peut aussi être soulevée. En effet, en cas de partenariats étroits entre un intégrateur et tel ou tel éditeur de logiciels ou fabricant de matériel, le client est en droit de s'interroger sur le degré de liberté qu'il détient au moment de faire sa recommandation. Pour Philippe Baldin, tout dépend de la nature de l'accord passé entre les deux partenaires : « S'il s'agit d'un transfert de compétences tout va bien. En revanche, en cas d'accord commercial, la vision de l'intégrateur sera faussée, il ne peut pas être totalement indépendant. »

LA QUESTION DES ACCORDS COMMERCIAUX


Dans les faits, tous les intégrateurs ont contracté des accords plus ou moins étroits avec les éditeurs et constructeurs. Ainsi, Stéria travaille prioritairement avec Alcatel, Nortel, Avaya et Cisco pour le hardware ; Genesys, NetCentrex et DataMédia pour le CTI et Eyretel pour les enregistreurs. Les partenaires CRM sont variés, puisque l'on trouve Siebel, PeopleSoft CRM, Point Information Systems, Applix, Selligent et Epiphany. Datapoint a passé un accord étroit avec Avaya (accréditation "gold") et Vocalcom (accord "platinum") pour le soft. Sema Group a signé des accords avec Siebel et PeopleSoft dans le CRM, et possède un centre de compétences Clarify en Italie. Answare travaille prioritairement avec sa maison mère Alcatel, mais veut pouvoir accéder aux marchés Nortel, Avaya ou Ericsson. En CRM, la société a noué des partenariats avec Siebel et Enéide et en cherche d'autres. Unisys a des partenariats pour les progiciels (Siebel, Genesys) mais rien en matière de plates-formes téléphoniques. Micropole recommande Vocalcom pour les PCBX, Genesys pour le CTI, Clarify, PeopleSoft, Siebel et Oracle Application pour le CRM et le e-commerce. CS Communication et Systèmes est partenaire d'Avaya, Alcatel, Cisco, Nortel, Genesys, NetCentrex et vient de signer un accord stratégique avec Akio Solutions pour le traitement et le routage spécifique des mails en centres d'appels. L'argument principal des intégrateurs pour expliquer cette position : mieux vaut posséder de vraies compétences sur quelques produits phares plutôt que se disperser sur une multitude d'outils peu représentatifs. « Sans partenariat fort, on ne possède pas la connaissance réelle du produit. Par contre, il ne faut pas être mono-constructeur ou mono-progiciel », estime ainsi Florent Halbot, directeur solutions CRM chez Stéria. Avis semblable de Serge des Ligneris, directeur du développement et du consulting chez Sema WebTec Consulting : « oui aux partenariats, mais jamais exclusifs. Par contre, avoir des compétences vis-à-vis de certains grands acteurs aide à réaliser un mapping des besoins des clients. » Laurence Bertrand renchérit : « aucun intégrateur ne peut travailler sans partenaire. Il faut que nos équipes techniques, avant vente et commerciales soient formées aux technologies que nous recommandons. Mais on ne peut pas acquérir toutes les compétences avec tout le monde. »

NOUVELLES TECHNOLOGIES


A la décharge des prestataires, la multiplication des solutions techniques, dans le domaine du CRM par exemple, oblige à une sélection si l'on veut proposer une expertise réelle. « En ce moment, je vois deux à trois éditeurs par semaine », avoue Florent Halbot. Cette génération spontanée de programmes, solutions et autres packages rend la veille technologique incontournable chez les intégrateurs. « Mon devoir est de connaître toutes les offres », confirme Bernard Boisson. De fait, le bon intégrateur doit avant tout se préoccuper de recommander la meilleure solution en fonction de l'existant de son client, sans mettre en avant les programmes de ses partenaires. Et au besoin se retirer d'une consultation s'il n'est pas compétent vis-à-vis de la configuration retenue. Mais, une fois les licences logicielles et le matériel acquis, que recouvre précisément cette prestation d'intégration ? Serge des Ligneris liste six postes principaux : le conseil, les spécifications (expression des besoins, cahier des charges, premier pilote), le choix des solutions, le paramétrage des interfaces techniques et la mesure des performances, recrutement, formation, gestion du changement et la validation (cahier des recettes). Philippe Baldin ajoute la documentation, trop souvent oubliée, et le support solution (maintenance). Et Florent Halbot complète en évoquant la gestion des appels dans le cas d'un nombre multiple de centres d'appels. « Il faut gérer le débordement. Dès que l'on a plus d'un call center, il faut dimensionner et choisir un mode de reroutage », rappelle-t-il. Le "disaster recovery" (recouvrement) est un autre aspect à prendre en compte. « Si votre centre d'appels a les pieds dans l'eau, un autre doit prendre le relais à 100 %, c'est le back-up real time », ajoute le directeur solutions CRM de Steria. Certains éditeurs proposent des interfaces pré-intégrées, comme Siebel avec Genesys, réduisant ainsi le travail des intégrateurs. Mais l'arrivée de nouvelles technologies (web call center ou centres d'appels virtuels) contribue à conserver toute son importance à l'intégration des centres d'appels.

Un marché en croissance


Difficile d'évaluer le marché de l'intégration des centres d'appels. Les cabinets comme IDC, Datamonitor ou Pierre Audoin Conseil (PAC) classent cette activité dans des rubriques plus larges, comme l'intégration des systèmes informatiques ou le CRM. De plus, faut-il inclure dans l'intégration le coût des fournitures matérielles et logicielles ? Ou considérer uniquement la prestation intellectuelle (honoraires des consultants et ingénieurs) ? Pierre Audoin Conseil a réalisé récemment une étude sur le marché des logiciels et services de CRM. Pour Renaud Smagghe (PAC), la partie matérielle (serveurs, PABX, ACD, CTI) a pesé en France 650 MF en 1999 et 750 en 2000, soit une progression de 15 %. Le chiffre d'affaires des intégrateurs d'applicatifs CRM était de 960 MF en 1999 et de 1,3 milliard de francs en 2000 (estimation), soit + 35 %. Pour PAC, le trio de tête des intégrateurs en termes de chiffre d'affaires est constitué de Cap Gemini (200 MF), Accenture (ex Andersen Consulting) (100 MF) et Atos (90 MF). Entre 2001 et 2003, la croissance annuelle moyenne de ce marché devrait être de 20 à 25 %.

La concentration est en marche


Le marché de l'intégration, en croissance soutenue, provoque des mouvements de concentration. Les sociétés de services informatiques veulent grossir pour mieux répondre à des chantiers de plus en plus compliqués (CRM essentiellement). Ainsi, on a vu Stéria racheter Tecsi l'année dernière (400 collaborateurs, chiffre d'affaires de 257 MF en 1999, dont 80 % sur les télécoms et le CRM). Sema Group a acquis la partie télécoms du groupe franco-américain Schlumberger (10 000 personnes). Datapoint a acquis Call Centric. Dans l'univers des fabricants de téléphonie, on a suivi le feuilleton du rachat de l'américain Lucent par le français Alcatel, qui a finalement échoué. Néanmoins, la tendance est au rapprochement des compétences techniques et intellectuelles pour faire face à la complexité grandissante des chantiers d'intégration de centres de contacts multimédia. Et certains grands éditeurs pourraient eux aussi faire leur marché au sein des SSII. « Siebel peut s'offrir n'importe quel intégrateur dans le monde », avertit Thierry Bouvier Muller (Answare). Néanmoins, il n'est pas certain que cette tendance lourde à la concentration soit bénéfique aux clients. Moins de prestataires veut dire moins d'options de choix. Les intégrateurs moyens et indépendants pourraient dans ce cas constituer une alternative intéressante, à condition d'avoir noué les bonnes alliances pour hausser leur niveau de ressources et de compétences.

Patrick Cappelli

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