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[Enquête] Comment les outsourceurs peuvent se réinventer

Depuis 2012, les outsourceurs tentent de renouer avec la croissance. Parmi ceux qui parviennent à surmonter la crise, les grands groupes et les acteurs de niche. Les premiers favorisent l'internationalisation et la diversification, quand les seconds misent, en plus, sur leur spécialisation.

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[Enquête] Comment les outsourceurs peuvent se réinventer

Fini le temps d'une croissance à deux chiffres. Et ce, depuis quelques années déjà... Alors qu'en 2011, le secteur de l'outsourcing bénéficiait d'une croissance de 10% de son chiffre d'affaires global (France et off-shore)*, 2012 a marqué un ralentissement de l'activité confirmé par les résultats de 2014 qui affichent seulement + 0,9 %. En quelques années, la bonne santé des outsourceurs s'est dégradée. Les principales raisons de cette situation? En premier lieu, la bataille des télécoms engagée en 2012 qui a entraîné un remaniement de l'externalisation: des contrats revus à la baisse et davantage de migration vers l'off-shore. Deuxièmement, la guerre des prix initiée par les donneurs d'ordre, un sujet souvent débattu par les outsourceurs qui déplorent une pression continue sur les coûts. "On nous demande de la satisfaction client à des coûts réduits dans une logique productiviste, d'où la croissance de l'off-shore et du near-shore. Je ne suis pas sûr que le concept de qualité soit compatible avec les problématiques de marges. Cela met évidemment la profession en danger", alerte Jean-Rémy Martinez, directeur général adjoint de Teleperformance France. Enfin, troisième frein pour les outsourceurs, les entreprises se montrent encore frileuses quand il s'agit ­d'externaliser leur relation client. Dans ce contexte, comment réagissent-ils? Si, pour certains, la situation devient de plus en plus complexe, d'autres trouvent des solutions - internationalisation, diversification, spécialisation - voire cherchent à se réinventer.

*Baromètre SP2C/BearingPoint.

Outsourcing : le marché global affiche 0,9% de croissance

Selon le huitième baromètre des outsourceurs, publié par le SP2C et BearingPoint en octobre 2015, le secteur de l'outsourcing a connu, en 2014, une légère amélioration au niveau global (in-shore et off-shore) avec une croissance de 0,9% par rapport à l'année précédente (- 1,7% entre 2012 et 2013). En revanche, la baisse de l'activité en France se confirme pour la deuxième année consécutive avec un recul du chiffre d'affaires de 2,5 % (- 3,4% entre 2012 et 2013) et une baisse de 2,2 % de l'emploi. L'activité à l'off-shore affiche, pour sa part, une meilleure croissance (10,1 %) que l'année précédente (+3,5%).

Côté effectifs, les indicateurs sociaux restent performants avec des embauches majoritairement en CDI (77%), et à temps plein (91%). On constate également une main-d'oeuvre majoritairement qualifiée: 52% des salariés ont un bac + 2 et plus. Le baromètre SP2C-BearingPoint confirme aussi la tendance d'un salariat plus "senior", et une légère augmentation de la proportion de femmes. La diversité a également progressé dans les centres de contacts: le taux d'emploi de personnes en situation de handicap continue de croître avec 5,5% en 2014, quand le taux effectif global (TEG) confirme la tendance d'une évolution à la hausse, de 7% en 2014. En France, le Nord-Pas-de-Calais arrive en tête des régions de prédilection: il représente 24% de l'emploi en province et 16% des sites.

Le secteur de la téléphonie reste le secteur principal en termes de revenus, même si sa part évolue à la baisse en France (37% du CA en France réalisé dans le domaine de la téléphonie, vs 46% en 2013). À l'off-shore, il se maintient à un niveau élevé (62% du CA) mais enregistre également une baisse de neuf points par rapport à l'année précédente. Le secteur de l'énergie représente, pour sa part, quasiment un quart du chiffre d'affaires réalisé sur le territoire national. Malgré l'apparition de nouveaux modes d'interaction client tels que la modération de communautés et les SMS, le téléphone reste une activité prépondérante de l'activité des outsourceurs: ce canal représente encore entre 71 et 90% des revenus, essentiellement en provenance de la banque, de l'assurance et de l'énergie. Le marché connaît une légère progression des médias digitaux, avec un début de spécialisation: le web call back est de plus en plus utilisé dans la vente, tandis que la hotline technique apparaît plus adaptée aux médias sociaux (blogs et forums) et le SMS est privilégié pour la relation client. Le tourisme, les transports et l'industrie plébiscitent l'e-mailing (15% du CA) tandis que les services publics conservent le courrier comme moyen privilégié de contact avec leurs interlocuteurs. À l'avenir, les outsourceurs anticipent un développement de ces médias digitaux, notamment du tchat, qui devrait gagner cinq points d'ici à 2018.

Méthodologie : Le baromètre SP2C - BearingPoint fait le point sur l'évolution du secteur des centres de contacts externalisés en France. L'étude a été a été construite à partir des informations fournies par les membres du SP2C, sur la base de questionnaires élaborés par le SP2C et BearingPoint. Elle a été réalisée sur la période d'avril à juin 2015 et porte sur les données des années 2014, 2013 et 2012 disponibles. Périmètre France: 13 membres du SP2C.


Maxime Didier, président du SP2C : "Le digital est un moyen de donner satisfaction grâce à l'instantanéité"

L'année 2014 affiche une quasi stabilité de l'activité. Comment le marché devrait-il évoluer dans les années à venir?

On annonçait une décroissance du secteur pour 2014, et finalement, nous nous en sortons avec une légère croissance. Globalement, le métier se concentre. Les gros acteurs prennent plus d'ampleur et se dynamisent, et les petites structures, positionnées sur un marché de niche vont rester. En revanche, certains vont disparaître, c'est inévitable. Aujourd'hui, nos clients demandent plus d'expertise et de compétitivité. Pour pouvoir répondre à ces attentes, il faut avoir une taille significative.

Quels pourraient être les nouveaux leviers de croissance?

Un certain nombre de secteurs sont sous-externalisés. Cela représente un réservoir de croissance.

Il reste encore une partie significative de la relation client qui reste internalisée; un certain nombre de secteurs sont encore sous externalisés comme la banque-assurance, la santé et l'e-commerce. Cela représente donc un réservoir de croissance. Par ailleurs, de nombreux clients dans l'énergie et les télécoms mettent en place des stratégies de multi-équipements. Pour vendre plus de produits, le contact humain et l'interaction sont nécessaires. Nous devrions avoir un rôle à jouer à ce sujet.

En quoi le digital pourrait-il avoir un impact sur l'activité dans le futur?

Le digital est un moyen de faire baisser les coûts et de donner satisfaction grâce à l'instantanéité. Si on veut continuer de parler d'attachement à la marque et d'intimité, le contact humain perdurera. En revanche, le one-to-many nécessite un niveau de stratégie élevé et doit rester internalisé. Les outsourceurs peuvent toutefois se concentrer sur les médias digitaux en one-to-one, tels que le tchat. Ils sont totalement qualifiés pour opérer ces nouveaux canaux.

Une stratégie de diversification

Historiquement, le secteur des télécoms est le premier pourvoyeur de revenus des outsourceurs. En revanche, sa part a baissé, en passant de 48% en 2012 à 37% du chiffre d'affaires en 2014. Bien que sa part soit plus élevée à l'off-shore (62% du CA en 2014), elle a diminué de neuf points par rapport à l'année précédente. Les outsourceurs, qui ont senti le vent tourner, ont adopté une stratégie de diversification. Dans leur ligne de mire, l'énergie, la banque et l'assurance, l'e-commerce, le secteur public et le tourisme. "Nous avons initié cette diversification il y a deux ans et ça fonctionne, notamment dans le service public et l'assurance, affirme Gilles Goerrian, directeur du développement chez Arvato. Finalement, il n'y a pas tant d'écart entre les attentes de qualité de service, que ce soit un client, un usager, un assuré et un patient." Au-delà de la diversification sectorielle, les outsourceurs s'accordent sur les enjeux de leur nouvelle mission. "Auparavant, l'externalisation consistait à faire uniquement des économies, poursuit Gilles Goerrian. Aujourd'hui, nous évoluons vers une logique de répartition des forces partenariales où nous pouvons pleinement jouer notre rôle en réalisant des tests et des expérimentations avec nos clients."

Vers davantage de valeur ajoutée

Rompre avec leur simple rôle de gestionnaire des appels, telle est l'ambition des acteurs aujourd'hui.

Rompre avec leur simple rôle de gestionnaire des appels, telle est l'ambition des acteurs aujourd'hui. Pour ce faire, ils mettent en avant leur expertise et leur connaissance du métier pour apporter davantage de valeur ajoutée à leurs clients. "Il faut sortir de ce modèle de prestataire et proposer des solutions globales, des technologies innovantes, des stratégies multicanales, de la gestion de data, etc. C'est important d'entrer dans le business des clients", affirme Matthieu Bouin (Webhelp France).

Un discours appuyé par Jean-Rémy Martinez (Teleperformance): "Nous ne pouvons plus avoir une vision économique mais ROIste. Aujourd'hui, nous travaillons sur des modèles de lab', nous testons de nouvelles expériences à petites échelles avec des outils d'analyse de la performance en temps réel." Pour sa part, Acticall, dans une optique de stratégie omnicanale, envisage de développer une offre pour le point de vente, de façon à rapprocher la relation client en face-à-face et à distance.

Et quid du digital? La baisse des volumes sur le téléphone va-t-elle être compensée par la gestion de la modération sur les médias sociaux, l'e-mail ou encore le tchat? "C'est une vraie tendance qui devrait monter dans les années à venir, car elle est générationnelle, mais pour l'instant, le digital ne génère pas de business", estime Didier Ferrier. Autre enjeu de taille à prendre en compte à l'avenir: l'intensification du self care aura un impact sur les demandes entrantes (quel que soit le canal) qui vont s'avérer plus complexes et exiger de plus en plus d'expertise. Pour faire face à cette nouvelle donne, et accompagner les équipes dans leur montée en compétences, les outsourceurs vont devoir intensifier leurs investissements dans la formation.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l'article suivant : "Le développement du text messaging va exploser"

Localisation : à la recherche du meilleur modèle

Exit le modèle in-shore/off-shore : place au modèle "best-shore". Cette terminologie créée par Webhelp désigne une stratégie de localisation efficace et adaptée aux besoins et aux budgets des clients. Ces derniers disposent aujourd'hui d'un éventail de destinations de plus en plus riche. France, Maghreb, Afrique Noire, Madagascar, Île Maurice, Europe...

Les plus gros acteurs ont misé sur une variété de localisations, afin de répondre aux exigences de leurs clients. De son côté, Intelcia, acteur marocain, a fait le choix de s'installer en France en 2011, afin d'offrir un modèle mixte et d'assurer son développement. L'entreprise prévoit, par ailleurs, d'étoffer son offre en s'implantant au Cameroun pour 2016. L'Afrique noire attire de plus en plus d'acteurs, qui peuvent y proposer des prix 25% moins chers qu'au Maghreb. L'Afrique du Nord - Maroc et Tunisie - conserve malgré tout sa prédominance (63% de l'activité off-shore*). Dans l'océan Indien, Madagascar a le vent en poupe, avec des acteurs historiques comme Vivetic et ADM Value et l'apparition d'un petit nouveau sur le marché, EazyCo.

*Offshore Développement (2014).

Deux rachats significatifs en 2015

En quelques années, le secteur de l'outsourcing a fortement évolué, à commencer par une concentration de plus en plus importante. L'année 2015 a été marquée par deux rachats significatifs: celui de Data Base Factory (45,2 millions de CA en 2014) par CCA International (90,3 millions d'euros en 2014) en juin, puis celui de Sitel (1,5 milliard d'euros en 2014) par le groupe Acticall (174,6 millions d'euros en 2014) en septembre. En somme, les acteurs du top 10 se consolident via une politique d'acquisitions, mais aussi de diversification et d'internationalisation.

Pour sa part, Webhelp a ­poursuivi son expansion sur le marché européen et hors Europe, en rachetant Perry & Knorr, Walter Services International et Online, Callpex et CSM. Les petits Français se transforment en grands groupes internationaux. Ces derniers s'attaquent à d'autres marchés, notamment européens, en s'installant en Espagne, au Portugal, et dans certains pays de l'Est. "Être présent sur le marché européen, en proposant une stratégie best-shore qui combine une offre multilingue dans plusieurs pays, nous permet de répondre à des appels d'offres plus globaux", commente Matthieu Bouin, directeur général de Webhelp France.

L'activité de niche permet de tirer son épingle du jeu

Une stratégie que confirme Arnaud Delacoste, directeur général d'Acticall: "Depuis quelques années, nous observons une montée en puissance d'appels d'offres avec une dimension européenne. Les entreprises souhaitent harmoniser leurs process et leurs activités. Ce mouvement est assez visible dans l'outsourcing, mais également lorsqu'il s'agit d'acquisition de solutions technologiques ou de formation." Après une implantation au Brésil en 2012, le groupe français, grâce au rachat de l'Américain Sitel, se retrouve propulsé dans le top 5 mondial avec une présence dans 22 pays dont les États-Unis et le Canada. En outre, Acticall s'est diversifié ces dernières années en créant d'autres activités: accompagnement digital, formation, conseil, solutions technologiques. "Aujourd'hui, soit on se positionne comme un acteur global à la fois géographiquement et en termes d'offres, soit on conforte son positionnement de niche. Se retrouver entre-deux devient très compliqué, car il faut avoir les moyens d'innover", souligne Arnaud Delacoste.

L'activité de niche est un vrai levier de différenciation sur le marché.

L'activité de niche reste en effet un vrai levier de différenciation sur le marché. L'un de ces acteurs, Eodom tire, d'ailleurs, son épingle du jeu. L'outsourceur, spécialisé dans le homeshoring (agents indépendants à domicile) annonce 35% de croissance en 2014. "Nous avons développé notre portefeuille clients, mais aussi intensifié les activités d'entreprises déjà clientes, avec qui les tests ont été concluants", explique Didier Ferrier, p-dg d'Eodom. L'entreprise française envisage également sa progression à l'international. Elle prévoit de s'implanter en Espagne pour l'été 2016, et vise également le Canada. Autre facteur de succès pour le spécialiste du homeshoring : le statut d'auto-entrepreneur qui gagne davantage en crédibilité. "L'économie du partage nous légitime sur notre marché. Aujourd'hui, faire appel à des indépendants est beaucoup mieux perçu qu'il y a cinq ans", ­poursuit Didier Ferrier. Chez Eodom, comme chez la majorité des acteurs, la diversification des secteurs d'activité adressés présente également des perspectives de développement. L'outsourceur qui propose des prestations de SAV, de gestion de commandes et de monitoring, entre autres, n'a pas été impacté par la crise des télécoms, et travaille majoritairement avec des acteurs de l'e-commerce et du retail, sans pour autant s'interdire de s'associer à d'autres secteurs.

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