Vente à distance Le Pari de l'intégration
... SONT ENCORE LIMITÉS
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Si les entreprises
disposent sur le papier d'outils informatiques et télécom de nature à
personnaliser finement les relations au téléphone, combien sont réellement
passées au stade d'une utilisation courante de ces possibilités ? « Parmi les
outils du marketing direct, le téléphone est probablement l'outil qui offre,
grâce à son interactivité, le plus de possibilités au niveau de la
personnalisation du message mais ce média véhicule trop souvent encore des
propositions commerciales simplistes et uniformes », observe Dominique Lopin.
Un état de fait qui résulte souvent de la pression des entreprises, qui
imposent à leurs prestataires des coûts au contact client calculés au plus
juste. Télévendeurs peu formés et mal motivés, temps de dialogue limité, offre
peu créative, scripts rigides et "sans âmes... Autant de facteurs qui
expliquent les maigres résultats de nombreuses campagnes de prospection
commerciale. « Introduire un minimum de segmentation dans le discours
supposerait un minimum d'investissement humain et méthodologique que tous les
annonceurs ne sont pas prêts à assumer », poursuit Dominique Lopin. Et même les
entreprises qui disposent déjà d'informations clients accessibles en temps réel
par leurs vendeurs n'en font pas toujours usage en émission. Nombreux sont les
vépécistes à avoir tenté de réactiver des clients en émission d'appels mais ces
opérations se sont souvent soldées par des échecs. « Le problème est que
culturellement, ces entreprises ne sont pas habituées à se manifester auprès de
leurs clients et qu'elles ont eu peur de paraître trop agressives en faisant
des offres commerciales. Elles ont donc choisi un moyen terme qui consistait en
un simple appel de courtoisie sans véritable objet », explique Dominique Lopin.
Conséquence, ces investissements mal cadrés n'ont eu quasiment aucune
efficacité sur les ventes.
LE CASSE-TÊTE DU RECRUTEMENT
Et quand bien même les offres eussent-elles été plus
pertinentes, les profils de téléconseillères habituellement dédiés à de la
réception d'appels eurent-ils réussi à en tirer le meilleur parti ? « Il y
avait clairement un problème de formation. D'ailleurs de nombreuses opératrices
ont manifesté de la réticence à passer de la prise de commande à une approche
commerciale », ajoute Dominique Lopin. Finalement quelles aptitudes attend-on
d'un vendeur au téléphone ? « Ce sont des tempéraments calmes, très tenaces
mais sans jamais manifester d'agressivité. Il faut avoir envie de gagner et
être doté d'une grande résistance à l'échec », résume Patricia Pereira,
responsable développement télévente du groupe NRG France. Des oiseaux rares, à
en croire les responsables interrogés. La situation est particulièrement
tendue dans la capitale, où les taux de turn-over dépassent souvent 50 % par
an. A fortiori sur des profils peu qualifiés. « Ils partent avant d'avoir
exprimé leur potentiel », se lamente un responsable qui voit ses
investissements en formation partir en fumée. Si l'on y ajoute le coût du mètre
carré à Paris, l'addition commence à peser très lourd au point de donner de
sérieuses envies d'aller s'installer au vert. « Certains aménagements prévoient
un espace inférieur à un mètre soixante entre deux chaises installées dos à dos
», observe un spécialiste. Quand les deux opérateurs reculent en même temps,
ils ne peuvent manquer de se percuter. Des box étriqués, un niveau sonore
élevé, des méthodes stakhanovistes donnent un sentiment de dépersonnalisation,
qui est, pour le moins, peu favorable à l'implication. De l'impact du cadre de
travail et de l'ergonomie sur la motivation des salariés... Plus inquiétant,
d'autres régions (Lille, Tours...) qui ont misé sur un fort développement des
centres d'appels commencent à connaître les mêmes symptômes. « Dans le Nord,
les vépécistes traditionnels commencent à sentir la concurrence de centres
d'appels plus récents et attractifs », fait observer un outsourcer. Autre fléau
: l'absentéisme, symptôme du désintérêt. Certains centres particulièrement
touchés mettent en place des systèmes coercitifs qui font dépendre l'obtention
de la prime de l'assiduité. Aucune absence sur le trimestre octroie un bonus de
20 % sur la prime, qui dépend par ailleurs de la qualité et de la productivité
de l'opérateur. A l'inverse, une absence de cinq jours, quelles que soient les
performances et même avec un certificat médical, fait sauter la prime... Est-ce
la solution ?
DES PISTES POUR ALIMENTER LE VIVIER
Confrontée à des difficultés de recrutement, « en dépit d'un cadre de travail
agréable », Patricia Pereira multiplie les pistes de recherche. Premier canal :
des annonces dans la presse économique (Entreprises et Carrières, Le
Figaro...). Les candidatures sont nombreuses et extrêmement hétéroclites. Le
recours à une agence d'intérim, à la cooptation ainsi que des annonces en
interne fournissent le reste des effectifs. « La cooptation est sans doute
l'une des sources qui nous amène les profils les plus performants »,
commente-t-elle. Chaque parrain perçoit une prime de 3 000 francs si sa recrue
est titularisée. Au total, seul un recrutement sur quinze satisferait aux
critères d'excellence de l'entreprise La Camif recrute un tiers de ses
téléconseillers par voie d'annonces, un autre tiers par des "relations
privilégiées" avec des écoles et a développé les formations en alternance, une
formule qui permet de faire progressivement monter en puissance des profils des
BTS commerciaux. Sans oublier le recours à l'intérim. Dénicher de "bons"
superviseurs n'est pas plus aisé. La liste des compétences et qualités requises
en font de véritables moutons à cinq pattes. « Pour réussir, il faut avoir une
grande capacité de travail, des qualités humaines de contact et d'autorité et
de la rigueur dans le suivi des résultats comme dans le comportement », déroule
Sophie Cheneval. Un manager se fait respecter par sa "consistance", une
aptitude à appliquer de façon systématique les mêmes règles à tous. A la Camif,
qui privilégie la promotion interne, 80 % des chefs de groupe sont d'anciens
téléacteurs. « Les 20 % restants proviennent surtout de la vente par
correspondance, mais nous commençons à recruter d'autres profils, en provenance
notamment des hot lines informatiques », précise Guy Rivard. A l'échelon
supérieur (chefs de services pour la télévente, le service après-vente et le
service consommateurs), les apports hors centres d'appels représentent la
moitié des recrues. « Par exemple, un poste responsable service après-vente
doit avoir une très forte compétence "service", qui, à nos yeux, prime même sur
la connaissance du centre d'appels », illustre-t-il.
PERFORMANCE ET RÉMUNÉRATION
La meilleure façon de limiter ses coûts de
recrutement et de formation consiste encore à mettre en place des systèmes de
rémunération et de management motivants. Chez IMP, un conseiller perçoit un
fixe de 7 200 francs bruts mensuels auxquels s'ajoute un variable plafonné à 1
800 francs. Ce dernier correspond à l'atteinte à 100 % des objectifs et peut
être complété par des primes. Il est indexé sur quatre critères principaux : la
qualité de la prise en charge client, la performance commerciale (dont la
rétention), l'assiduité et l'efficacité (nombre d'appels par heure). Sur
l'activité téléphone, la qualité de la prise en charge dépend de plusieurs
indicateurs évalués au cours de trois écoutes hebdomadaires par le superviseur.
Ces indicateurs comportent un item "information", soit la maîtrise des
procédures (mises à jour sur base de données), la connaissance des produits et
services ainsi que celle des circuits de l'entreprise. Un second item rassemble
l'accueil du client, la gestion de l'attente, la qualité de la communication
verbale (discours structuré, phrases courtes, reformulations synthétiques).
Enfin un troisième item porte sur l'implication : proactivité/directivité,
empathie, recherche d'une solution optimale pour le client et l'entreprise,
capacité à réaliser des ventes additionnelles. L'appréciation de la
performance commerciale est fondée sur le chiffre d'affaires réalisé en
rétention (sur des clients sur le départ). L'assiduité regroupe des indicateurs
ayant trait au comportement du conseiller : ponctualité, absentéisme, respect
des pauses... Enfin, les outils de pilotage permettent de suivre l'efficacité,
soit le nombre d'appels par heure (15), la disponi- bilité (éviter que les
tâches administratives ne débordent sur le temps de conversation), la durée
moyenne des appels (3 minutes, y compris after-call work), durée moyenne de
conversation. L'objectif minimal consiste à atteindre 80 % du variable. Si
pendant trois mois de suite, ce seuil n'est pas atteint, le téléconseiller a de
fortes chances d'être remercié. « Nous allons améliorer ce système de
rémunération de façon à le rendre plus incitatif. Les conseillers ont exprimé
le souhait d'un variable non plafonné », ajoute Sophie Cheneval. Plus étonnant,
ce sont les principaux intéressés qui planchent sur le projet ! « Ils ont un
très fort besoin de reconnaissance individuelle, qui se manifeste notamment par
une demande d'écoute et de dialogue avec leurs responsables », poursuit-elle.
Exigeants vis-à-vis de leurs managers, les conseillers - 24 ans de moyenne
d'âge - n'aiment pas les superviseurs "copains". Ils attendent un vrai dialogue
sur leurs propositions d'améliorations et ne se paient pas de bons mots ou...
de petits cadeaux. « Entre un petit cadeau et un chèque, ils préfèreront
toujours le second », observe Sophie Cheneval. Les critères d'évaluation
devraient eux aussi évoluer selon l'ancienneté du salarié. Ainsi par exemple,
les plus expérimentés pourraient être jugés non plus sur leur assiduité, mais
sur le chiffre d'affaires et la participation à des projets annexes, comme la
présentation de l'entreprise lors de séances de recrutement, l'optimisation de
la qualité de réponse au client ou encore la gestion des impayés, "dada" d'une
transfuge du recouvrement. Autre évolution programmée chez IMP : la
généralisation de la polyvalence des agents, qui devront être capables dans un
centre de contacts multimédia, de traiter toutes les demandes quel que soit le
canal (téléphone, mail, fax...). Une façon de doter son centre d'appels de
solides capacités de réactivité et de faire varier le contenu du travail au fil
de la journée. « Favoriser la communication entre les téléconseillères et le
marketing direct peut également soutenir la motivation. La conseillère doit
comprendre ce qui se passe en amont. Cela valorise son travail », ajoute
Clarisse Philippe, responsable relations clients de Dr Pierre Ricaud. Quitte à
lui ouvrir des perspectives d'évolution en dehors du centre d'appels, par
exemple dans la chaîne logistique du marketing direct.