Sofred : du char Leclerc aux call centers
Le fabricant du char Leclerc devient un acteur du marché des centres
d'appels. Giat Industries (Groupement Inter Armes Terrestres), société
nationale qui fabrique des armes pour la Défense Nationale, souffre en effet
des baisses dans le budget des armées et de la concurrence internationale. Elle
doit reconvertir plusieurs de ses sites de production ainsi que les hommes qui
y travaillent. Giat a donc créé la Sofred (Société Financière Régionale pour
l'Emploi et le Développement), au capital de 300 MF (voir encadré). « L'Etat et
le Giat souhaitaient développer une structure destinée à accompagner sa
reconversion dans les bassins d'emploi », explique Anne Fahy, chargée
d'affaires. Cette mission s'exerce sur 12 sites provinciaux, mais plus
particulièrement dans le département de la Loire, dans lequel le Giat possède
plusieurs sites. Les centres d'appels font l'objet depuis un an de toutes les
attentions de la Sofred. « C'est un secteur en plein développement au niveau
régional. Il y a eu une première vague centrée sur les grandes métropoles.
Aujourd'hui, cette tendance atteint les agglomérations de taille moyenne »,
estime Robert Delolme, chargé de mission centres d'appels à la Sofred.
L'équipe (une trentaine de personnes) de la structure de reconversion du Giat
se démène donc pour attirer des call centers dans ces villes moyennes que sont
Saint-Etienne, Roanne ou Tulle. Elle intervient en subventionnant l'achat ou la
location de locaux à des prix compétitifs. A Saint-Etienne, par exemple, le
call center de Carrefour Service Clients emploie 140 agents. « La Sofred a
apporté le projet, nous avons trouvé des locaux adaptés et nous nous sommes
occupés de l'accueil d'une dizaine de personnes venant d'Evry en région
parisienne, en leur trouvant logements, écoles et même des emplois pour les
conjoints », détaille Jean-Marc Maréchal, chargé de mission économie pour
Saint-Etienne Métropole, agence de développement de cette ville.
Un télépôle pour les centres multimédia
D'autres sociétés comme
Casino, France Télécom ou EDF, sont venues ouvrir des call centers, contribuant
à changer l'image de cette agglomération industrielle, en renforçant les
activités tertiaires dans le département. A Roanne, on a fait le choix de
proposer un espace équipé des derniers développements techniques. La cible :
les futurs centres de contacts multimédia. Ce "télépôle" a été créé en
partenariat avec Expertel Services, filiale de France Télécom. Il dispose d'un
accès Internet haut débit, d'une base de données Oracle, d'un plateau prééquipé
pour les centres de contacts. « Nous visons le créneau des centres haut de
gamme, qui veulent s'équiper de CTI et de Web call center » précise Philippe
Agripnidis, conseiller technique pour les nouvelles technologies de
l'information à la communauté d'agglomération le Grand Roanne. Le télépôle
devrait ouvrir en septembre prochain avec 20 positions, pour atteindre ensuite
une centaine de postes. Dans la panoplie des aides possibles figurent
également les PAT (primes à l'aménagement du territoire), délivrées par la
Datar et les préfets. Avec la Sofred, il est possible de bénéficier de PAT à
taux majorés, de 17 à 27 % selon les sites.
Des économies de trois natures
« Nous sommes des intermédiaires entre les entreprises
désireuses de créer des centres d'appels et les collectivités. Nous leur
proposons de réaliser des économies de temps, en trouvant les sites ; des
économies d'argent, grâce aux financements divers ; des économies de tracas, en
nous chargeant de tous les aspects techniques et humains de l'implantation »,
énumère Thierry Pereira, responsable du département prospection et
développement de la Sofred. Ce rôle de facilitateur permet aux municipalités
qui accueillent ou ont accueilli des sites industriels de défense d'être mieux
positionnées par rapport aux autres villes dans la bataille pour attirer les
centres d'appels. Mais il y a encore des progrès à accomplir. « Nous devons
aussi faire changer les mentalités. Les opérateurs ont encore une approche très
centralisatrice, avec Paris en ligne de mire, alors que leur métier, c'est la
relation à distance. C'est un paradoxe », note justement Thierry Pereira. Les
villes moyennes ont pour atout des pratiques tarifaires plus avantageuses en
termes d'immobilier et une qualité de vie meilleure qu'à Paris, ce qui permet
de fidéliser les agents et de faire baisser le taux de turn-over. Grâce aux
prêts à taux bonifiés de 2 à 3 % sur 5 ans accordés par la Sofred, le risque
entrepreneurial est ainsi fortement diminué. Pour le Giat, l'activité centres
d'appels est également moins dévoreuse de capitaux en termes de reconversion.
Ainsi, dans l'industrie de l'armement, un emploi reconverti peut coûter jusqu'à
3 MF, alors qu'il n'en coûte "que" 100 000 F pour un poste de téléconseiller.
La Sofred en détail
La Sofred est la filiale de développement régional du groupe Giat Industries. Son fonds d'intervention de 300 MF lui permet de prospecter des projets susceptibles de créer des emplois dans les régions touchées par les restructurations des industries de défense. La Sofred s'occupe alors de l'ingénierie et du financement des projets. Parmi ceux-ci, "les centres d'appels représentent une cible privilégiée sur laquelle la Sofred travaille depuis plus d'un an", explique-t-on au sein de la société. La Sofred s'occupe de six municipalités : Roanne, Saint-Etienne, Tarbes, Tulle, Vichy, Bourges. Elle emploie une équipe de 25 consultants et cible plus particulièrement les PME, créatrices d'emplois. Depuis six ans, la filiale du Giat a contribué à la création de 300 entreprises, soit plus de 4 000 emplois nouveaux, dont 90 % pérennes. La Sofred investit environ 50 MF par an. Les salariés du Giat contribuent également à la création de ces nouvelles entreprises (130 projets aboutis).