Les Outsourcers face aux appels d'offres
Colette Albertazzi (D Technologies)
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Question 1
Certains annonceurs semblent évaluer la
charge de travail réelle nécessaire pour la construction d'une réponse de
qualité. La consultation est alors parfaitement claire, tant au niveau de la
forme que du fond, et les délais de réponse et de mise en oeuvre laissent au
prestataire la possibilité d'apporter une réponse puis une prestation de
qualité. Pour une autre catégorie d'annonceurs, les délais imposés entre la
réception de la consultation, la date de réponse et la date de mise en oeuvre
sont si courts qu'il devient alors très difficile d'y apporter une réponse de
qualité. Ni la taille de l'entreprise, ni sa maturité en termes d'utilisation
du téléphone n'entrent en ligne de compte.
Question 2
Selon la nature de la demande - prestation à forte valeur ajoutée ou prestation
"basique" -, les critères de choix diffèrent. Pour les prestations à valeur
ajoutée et de nature pérenne, la méthodologie proposée, le niveau d'engagement
de l'outsourcer associés à l'environnement de travail - infrastructure
technologique et humaine - semblent être des facteurs déterminants. Le prix
reste cependant un élément fort. Pour les prestations à faible valeur ajoutée,
le facteur prix et l'environnement technologique semblent être les critères
décisifs.
Question 3
Non. On constate que les appels
d'offres sont adressés à un éventail de sociétés totalement dissemblables tant
en termes de taille que de coeur de métier. Un même appel d'offres peut être
envoyé à un intégrateur et à une société de télémarketing alors qu'il n'y a
aucune dimension d'intégration de systèmes ! Le même appel d'offres est envoyé
à une société qui réalise 20 MF de CA et à une autre dont le CA est supérieur à
1 milliard !
Question 4
La question de la rémunération
lors d'une mise en compétition revient de manière cyclique. Pour certaines
typologies de consultations - process lourds -, la rémunération pourrait se
justifier.
Question 5
La maîtrise des impératifs CRM
dans les entreprises entraînera une amélioration des procédures.
Anne Bendler (H2A)
Question 1
Globalement, les appels d'offres sont bien rédigés et sont de plus en plus
précis. Toutefois, il est amusant d'observer que les appels d'offres demandent
des données de plus en plus précises sur la technologie et de moins en moins
sur le coeur même de la mission à mener. Ceci amène à des réponses très normées
et peu imaginatives car les cadres de réponse sont imposés. Les briefs sont
bien structurés et souvent assez précis ; toutefois, s'il manque des
informations, les annonceurs nous laissent les coordonnées d'interlocuteurs
pouvant répondre. Les délais sont aléatoires. Certains annonceurs laissent des
délais corrects, et d'autres nous laissent quelques jours pour répondre à des
appels d'offres de taille importante. Souvent, ceux qui nous laissent très peu
de jours, alors que leur problématique n'est pas liée à un événement soudain,
nous font répondre pour obtenir leur nombre de dossiers minimum exigé dans leur
processus d'achat. Les cahiers des charges, globalement, sont bons ; de toute
façon, quand les cahiers des charges ne nous permettent pas de construire un
dossier, nous contactons les annonceurs pour obtenir des informations. Si cela
n'est pas possible, nous ne répondons pas. Les budgets : si l'on entend par là
la forme de restitution des budgets, soit nous sommes complètement libres de
présenter cela comme l'on veut, soit les annonceurs nous imposent un cadre de
réponse incontournable.
Question 2
C'est un mix de
tout cela, mais le coût reste un des éléments majeurs de la décision.
Question 3
Cela dépend des annonceurs et des missions.
Quand celles-ci font appel à des besoins technologiques (ACD, CTI, etc), la
concurrence est homogène ; quand les missions ne font pas appel à de la
technologie, ils prennent généralement des structures de tailles disparates et
jouent sur les prix.
Question 4
Non, nous ne sommes
jamais rémunérés, la réponse aux appels d'offres fait partie de notre métier.
Non, nous ne demandons pas à l'être.
Question 5
Que
les annonceurs s'intéressent plus à la législation du travail, et en
particulier aux lois sur les délits de marchandages et sur la réglementation du
travail du dimanche. Nous recevons parfois des appels d'offre qui demandent de
réaliser des missions complètement incompatibles avec le droit français.
Certains nous écoutent sur le sujet, d'autres pas.
BERNARD CAÏAZZO (CALL CENTER ALLIANCE)
Question 1
A 90 %,
les appels d'offres sont rédigés de façon précise par les clients. Le cahier
des charges est bien conçu. Les délais ne sont pas toujours faciles car tout
appel d'offres nécessite la mobilisation d'une équipe importante.
Question 2
1) Compréhension du problème client. 2)
Situation économique de l'outsourcer. 3) Implication des responsables. 4)
Expérience de l'équipe projet. 5) Engagements Qualité de l'outsourcer. 6)
Réactivité et flexibilité. 7) Références dans les applications. 8) Conditions
économiques.
Question 3
Si Atos gagne de nombreux
appels d'offres actuellement, c'est essentiellement pour des raisons de taille
et de puissance financière et technologique. Sur le critère qualité et
ressources humaines, Quali-Phone est le plus souvent en tête. En fait, dans la
plupart des appels d'offres importants se retrouvent les quatre leaders : Atos,
Téléperformance, Convergys, Quali-Phone. Il existe aujourd'hui la tendance
technologique, défendue par Atos, et la tendance métier, défendue par
Téléperformance et Quali-Phone.
Question 4
Les appels
d'offres ne sont pas rémunérés. Le coût véritable pour un outsourceur d'une
participation à un appel d'offres important est de 30 à 40 jours de consultants
soit 200 000 francs environ. Il n'est pas possible que les annonceurs
investissent une telle somme s'ils consultent 10 compétiteurs.
Question 5
Seule une meilleure connaissance du métier
permettra de mieux travailler.
Patrick Dubreil (SR Téléperformance)
Question 1
Les temps de
réponse qui nous sont accordés varient de 10 jours à trois semaines dans la
plupart des cas, et vont jusqu'à un mois dans les configurations les plus
confortables. Ce qui, compte tenu de la complexité des dossiers, est déjà
sélectif en soi. Pour ce qui est des cahiers des charges, je ferais un
distinguo entre deux catégories d'entreprises. Premièrement, celles qui ont
déjà une activité interne de centre d'appels. Auquel cas, elles ont tendance à
faire du copier/coller et nous avons affaire à des cahiers des charges très
directifs, ce qui a le mérite de mettre les compétiteurs sur un terrain
d'égalité, mais qui présente l'inconvénient de brider la créativité et la
valeur ajoutée des propositions par rapport à l'existant. Deuxième cas de
figure : les entreprises pour lesquelles le centre d'appels est une nouveauté.
Celles-ci auront peut-être tendance à laisser totale liberté aux compétiteurs,
sans aucun véritable cadre de référence. Quant aux budgets, ils sont rarement
directifs. Et il est rare que l'on nous soumette des prérequis budgétaires.
Question 2
1) Le management de projet (capacité de
l'outsourcer à déployer des compétences et accompagner l'entreprise). 2) La
gestion des ressources humaines (recruter, former, manager). 3) La maîtrise des
solutions technologiques. 4) La créativité des process marketing client (hélas
en dernière position). En bref, le choix des entreprises est trop souvent
orienté "moyens" et pas assez "résultats".
Question 3
In fine, oui. C'est toujours le même petit noyau d'outsourcers que l'on
retrouve en short-list. Mais, avant d'en arriver là, on aura perdu du temps.
Question 4
C'est rarissime. Cela peut arriver dans le
cas d'entreprises disposant d'un centre d'appels à l'étranger et qui nous
demandent de venir l'auditer dans le cadre d'une stratégie d'implantation en
France.
Question 5
1) Rencontrer le prestataire avant
la communication du cahier des charges. La pratique qui consiste à visiter
l'outsourcer avant de le mettre en compétition est excellente. Cela donne aux
entreprises une idée de ce qu'elle est réellement en pouvoir d'attendre. Et
cela a le mérite de créer un premier niveau de dialogue. 2) Il faudrait que les
entreprises soient assez rigoureuses sur le caractère décisionnaire des gens
qu'elles mettent en face de nous. Ce qui, je crois, tombe sous le sens quand on
a affaire à des projets de plus de 10 millions de francs. Et ce qui permettrait
aux outsourcers de savoir d'une part, si l'information qui leur est communiquée
est d'emblée la bonne et de s'assurer, d'autre part, que la relation initiée ne
s'est pas créée à vide.
Sophie de Menthon
(Multilignes Conseil)
Question 1
Les briefs sont toujours difficiles à avoir et nécessitent de
recontacter la personne ou le numéro mentionné. Les délais sont généralement
trop courts. Les cahiers des charges sont très souvent, hélas, "évolutifs",
c'est-à-dire qu'au fur et à mesure des réponses, l'annonceur s'aperçoit que sa
demande est imprécise et irréaliste : il modifie les données. Le budget n'est
pas indiqué ou rarement. Par ailleurs, il existe un grave problème en ce qui
concerne les appels d'offres en télémarketing ou en téléservices, qui sont très
souvent inclus dans une offre plus globale (campagne de publicité, campagne de
marketing direct, etc.). Le prestataire en télémarketing doit présélectionner,
sans aucun élément de jugement en sa possession, l'agence avec laquelle il
répondra, sachant qu'il ne sera pas dissocié en cas d'échec de l'agence, mais
en cas de succès, l'agence pourra, elle, changer de prestataire le cas
échéant.
Question 2
Les éléments qui entrent en compte
dans la décision finale sont absolument impossibles à diagnostiquer d'emblée.
Certaines entreprises exigent un gros travail, mais de toute façon choisiront
le prestataire le moins cher. Les entreprises qui choisissent ne sont pas
"sociales" : en faisant baisser les prix, elles savent parfaitement qu'elles
créent un prix du marché beaucoup trop bas en ce qui concerne les salaires des
téléopérateurs. Nous avons fréquemment rencontré des directeurs marketing (ou
autres), très compétents, très impliqués, mais qui n'ont finalement pas de
pouvoir par rapport au service achat.
Question 3
J'ignore tout de la façon dont les commanditaires procèdent dans leur première
sélection. Ce que je sais, c'est que Multilignes Conseil est retenue en
première sélection dans 80 % des cas.
Question 4
Nous
ne sommes pas rémunérés lors d'une mise en compétition et nous ne souhaitons
pas l'être sauf pour les appels d'offre lourds. En revanche, il est scandaleux
que les propositions non retenues soient littéralement "pompées" par les
commanditaires au profit de la seule société retenue (méthodologie, mécanisme,
solution technique, etc.).
Question 5
1) Alléger
considérablement le grand guignol des paperasseries (double enveloppe, triple
enveloppe, tracasserie, pointillisme absurde, etc). 2) Il est anormal que
certains appels d'offres aient lieu tous les ans pour mettre en compétition une
société de télémarketing qui a beaucoup investi la première année et à laquelle
il ne sera accordé aucune priorité pour le renouvellement du contrat. Il doit y
avoir une prime à la qualité de la relation client / fournisseur. 3) Il serait
temps de laisser les vrais décideurs et les gens compétents décider du choix du
prestataire et non, comme c'est le cas dans les administrations, des
fonctionnaires qui s'ennuient lors des présentations et qui ne comprennent pas
ce dont il s'agi...
Emmanuel Mignot
(Teletech International)
Question 1
D'une manière générale, les appels d'offres que nous recevons
sont issus de groupes importants, qui ont une grande habitude des appels
d'offres. Ils sont pour la plupart très construits, longs à remplir, demandent
une somme de travail importante. Les délais sont le plus souvent très
insuffisants pour traiter de façon performante la demande. Le contenu est en
général assez stéréotypé, et fait souvent référence à des normes dont l'auteur
serait bien incapable de justifier l'existence. Il dénote une connaissance
superficielle de ce qu'est un centre d'appels. De ce fait, les clients se
retranchent derrière des normes supposées qui souvent sont autant de
contraintes inutiles. Les budgets ne sont pas indiqués, pas plus dans le cahier
des charges que par questionnement ultérieur.
Question 2
Les raisons de l'externalisation sont : la réduction de budget,
l'évitement d'un affrontement social interne, la solution d'une mise en oeuvre
rapide (pour faire un test ou en attendant qu'une structure interne soit
prête). Le prix est donc un facteur déterminant. Les clients, ici comme
ailleurs, ont envie de croire au miracle. Toutefois, les plus évolués (ou
expérimentés) prennent en compte des capacités d'extension, la garantie de
confidentialité, la capacité totale et la capacité d'extension, la
localisation, la capacité à prendre en charge la globalité des contraintes et
des missions, la capacité à assumer l'intégration de la solution dans le
système d'information et de commercialisation existants. Enfin, et pour une
infime minorité, la politique RH rentre en ligne de compte. Mais les événements
récents en sont une explication assez plausible.
Question 4
Nous ne sommes pas rémunérés. Nous souhaitons l'être. Ce sera le
seul moyen pour que nous puissions consacrer le temps réellement nécessaire à
une réponse de qualité.
Question 5
Un engagement de
confidentialité sur les éléments transmis, un engagement de non utilisation, la
rémunération légitime des compétiteurs, une transparence dans les procédures
(plus d'interlocuteurs injoignables aussitôt qu'ils ont reçu les offres...),
l'engagement de restitution totale et sans prise de copie, des documents
transmis.
Noëlle Pretot (Transcom)
Question 1
Le brief est toujours trop rapide, il serait
utile de pouvoir faire un brief détaillé. Souvent, les clients demandent de
répondre sur un cahier des charges trop court et qui ne permet pas une réponse
professionnelle. Les délais sont courts, car le client estime que c'est la
meilleure façon de juger la réactivité du fournisseur. C'est souvent la
meilleure façon d'avoir une réponse bâclée et à côté de la plaque : les bons
professionnels ne répondent pas s'ils n'ont pas de temps d'étudier une réponse
adaptée. Seuls ceux qui font de la standardisation et non du travail adapté aux
besoins du client répondent sur une offre standard et donc sur une qualité
discutable. Le cahier des charges est rarement fait par des professionnels ; là
encore les clients devraient faire appel à des conseils pour détailler
suffisamment leurs besoins. C'est dans le cahier des charges que tout se joue
(la qualité de service que donnera le centre d'appels, l'image de
l'entreprise...). Le budget, s'il est fixé à l'avance, laisse imaginer deux
hypothèses. Soit il s'agit d'un très bon appel d'offres (car il a été pensé à
l'avance, réfléchi et analysé), soit on a affaire à un prix fixé uniquement en
rapport au marché et cela risque de ne pas mettre en corrélation la qualité, le
coût, les résultats, les objectifs.
Question 2
1) Les
coûts, sans regarder la qualité et surtout les taux de concrétisation (pour une
campagne promotionnelle par exemple) 2) Les innovations technologiques parce
que cela rassure même si le client n'en a pas besoin. 3) La notoriété de
l'outsourcer et son antériorité dans le métier (pour se rassurer). 4) La
politique des ressources humaines, l'environnement et l'engagement de
l'outsourcer sont des plus qui ne sont vus qu'ensuite alors que c'est souvent
là que se joue le professionnalisme de l'outsourcer : ce sont les téléacteurs
qui font la différence dans la relation client.
Question 3
Oui, dans la mesure où la notoriété et l'expérience sont là.
Question 4
Non, ce n'est pas dans les règles du jeu et
c'est normal. En revanche, il serait bon que l'entreprise prenne un conseil
pour choisir son outsourcer et pour rédiger le cahier des charges (quelqu'un de
neutre qui ferait le travail en amont et aiderait l'entreprise à bien
choisir).
Question 5
1) Choisir un conseil pour
accompagner la décision. 2) Prendre du temps et faire un rétroplanning
acceptable, pour faire son choix (lorsque le choix est fait, là on peut aller
très vite). 3) Donner des briefs à chacun avant l'appel d'offres pour laisser
la possibilité de poser des questions. Ainsi, les outsourcers pourront
comprendre les besoins exacts et en faire la liste exhaustive. Pour répondre à
un appel d'offres, il faut connaître la politique marketing du client,
s'imprégner de la mentalité, de l'image, de toutes les valeurs véhiculées par
l'entreprise sur le projet donné. Cette recherche est bien sûr possible sans
entendre le client, mais il est dommage de ne pas commencer ici la complicité
dont ont besoin une entreprise et un outsourcer.
Marc Verdet (Ceritex)
Question 1
Le cahier des
charges est de plus en plus complet sur les gros appels d'offres et de plus en
plus complexe dans la demande. Les maîtres d'ouvrage savent ce qu'ils veulent
et il faut aller toujours plus loin dans la présentation des services offerts.
Le centre d'appels est déjà dépassé et il faut prévoir et concevoir des
prestations à plus forte valeur ajoutée.
Question 2
Les références et la capacité à traiter des centres de grande taille, tant dans
les aspects de politiques de ressources humaines que dans les aspects
techniques, organisationnels... L'aspect économique est important mais sur un
projet lourd, on va rarement au moins disant !
Question 3
Oui.
Question 4
Non. La rémunération
peut être intéressante sur de gros dossiers où il faut une équipe de travail
importante. Mais je ne crois pas que nous en viendrons à une rémunération des
consultations.
5 questions aux outsourcers
Question 1 : "Comment jugez-vous, de manière générale, les appels d'offres qui vous sont soumis (brief, délais, cahier des charges, budget) ?" Question 2 : "Quels sont les éléments qui, selon vous, entrent d'abord en compte dans la cotation et la décision finale des entreprises (coûts, innovation, environnement de travail des équipes, équipement technologique, politique de ressources humaines, engagement de l'outsourcer) ? Et pour quelles raisons ?" Question 3 : "Avez-vous le sentiment que les commanditaires respectent dans leurs appels d'offres une certaine conformité entre les compétiteurs (taille, expériences, équipement technologique, spécialisation de l'activit...) ?" Question 4 : "Etes-vous rémunérés lors d'une mise en compétition ? Si non, souhaitez-vous l'être ?" Question 5 : "Quels sont les éléments qui, selon vous, pourraient concourir à l'amélioration des procédures ?"