Recherche

Banques : vers la maturité commerciale ?

L'enquête 2003 du cabinet Peat Marwick montre l'importance des centres d'appels dans la stratégie commerciale des banques. Pour autant, le secteur tarde encore à clarifier ses objectifs, s'en tenant souvent aux seules déclarations d'intention.

Publié par le
Lecture
7 min
  • Imprimer


En 2000, le cabinet Peat Marwick avait mené une première étude sur les centres d'appels bancaires. Trois ans plus tard, ce cabinet récidive et montre comment ceux-ci sont devenus, entre temps, un outil important dans la stratégie commerciale du secteur. «En émission, la vente de services à valeur ajoutée, tels les crédits à la consommation, habitation et les assurances, est en nette progression (de 23 % en 2000 à 79 % en 2003). L'orientation commerciale des centres de contacts se traduit également par une part importante (63 %) des établissements qui utilisent les contacts entrants comme une opportunité de ventes additionnelles ou croisées. Les résultats montrant que 6 % de ces appels se concrétisent. » Mais, des intentions déclarées à la réalité, il y a parfois certains abîmes. Même si la banque s'avère l'un des secteurs où le multicanal est le plus abouti, avec environ deux à trois ans d'avance sur les autres secteurs, elle pèche toutefois par un gel des investissements dû au ralentissement économique. Les dirigeants des établissements bancaires peinent ensuite à définir une stratégie d'intégration réelle. Ainsi, 75 % des responsables interrogés ne savent pas sur quels canaux précisément investir ! Un manque de lisibilité, sur le long terme, qui influence les objectifs et les résultats des centres de contacts. Car, si toutes les banques déclarent fixer des objectifs de performances spécifiques pour leur call center (elles étaient 80 % en 2000), il apparaît, toujours selon l'enquête, qu'elles ne se donnent pas les moyens de les atteindre ! « Les centres de contacts bancaires sont un exemple typique de la catégorie “Atteinte des objectifs, sous-utilisation des ressources associées”. Un programme d'amélioration, orienté quantitatif, permettrait une meilleure utilisation des ressources disponibles. Cette position est confirmée par le taux d'occupation insuffisant des plates-formes. Cette situation peut s'expliquer également par le développement des outils d'auto-assistance (SVI et site web) qui gèrent aujourd'hui 70 % des contacts entrants. »

Intégration multicanal


L'enquête 2003 de Peat Marwick corrobore l'un des constats déjà réalisés en 2000, qui montre une meilleure intégration du centre d'appels dans la gestion multicanal et, de façon plus large, une plus grande reconnaissance de son importance à l'intérieur de l'organisation de la banque. Près de 35 % des établissements bancaires ont ainsi détaché leur centre de contacts des directions clients ou marketing qui, bien souvent, les avaient vus naître. Signe de maturité, les centres sont désormais rattachés directement à la direction générale ou bien sont regroupés dans le cadre d'une direction des canaux à distance. Pour autant, 60 % des call centers sont encore considérés comme des centres de coût et non de profit. Les banques tardent, visiblement, à intégrer les performances commerciales de leur centre d'appels, en attribuant toujours leurs bénéfices aux seules agences de leurs réseaux. « 67 % des établissements avouent ne pas tenir de compte de résultats propres. Une des conséquences directes en est le manque de maîtrise des coûts unitaires d'appels. Seuls 29 % des sondés sont capables d'estimer le coût moyen d'un appel entrant (3 euros) et 17 % le coût d'un appel sortant (4 euros). » En matière de gestion multicanal, les banques considèrent, à une énorme majorité (92 %), que le développement de leurs centres de contacts passe par l'utilisation de l'ensemble des canaux de communication. « Même si la position du téléphone, comme principal outil de communication, n'est pas remise en cause avec 82 % des contacts traités, 2002 a aussi vu l'émergence de l'e-mail, forte source d'économie (environ 60 % moins cher que le téléphone) », indique l'enquête Peat Marwick. Le téléphone sert alors à décharger le conseiller de clientèle en agence des fonctions dites à “faibles valeurs ajoutées” (consultation de compte, commande de chéquiers...). Internet, en phase d'intense développement en 2000, conforte sa forte croissance. Lorsque l'on considère que, selon les chiffres de l'enquête, plus des trois quarts des internautes qui souhaitent acheter en ligne ne vont pas au bout de leurs transactions, on comprend que les banques associent au simple traitement des e-mails des outils de Web call center qui, eux, prennent en compte aussi bien les appels téléphoniques que les e-mails, la voix sur IP ou la co-navigation. Quant aux SMS, d'une utilisation anecdotique en 2000, ils entrent désormais en phase de développement. La télévision interactive demeurant, quant à elle, encore balbutiante. Reste ensuite à opérer des liens entre ces différents canaux de contacts à distance. L'intention, encore une fois, est bien là. Notamment dans la mise en œuvre d'outils de gestion commerciale intégrée, de projets CRM, de gestion de campagne ou de gestion des e-mails. Pour faire face à l'augmentation du volume des appels (+ 9,3 % entre 2000 et 2001 en appels entrants et + 61 % en appels sortants sur la même période) ou bien pour répondre à des impératifs de diversification et de pécialisation, les banques envisagent de mettre en place un ou plusieurs centres supplémentaires. Et ce, sans recourir à l'externalisation (92 % des centres sont internalisés) ou à la mutualisation des services avec d'autres établissements. La tendance en matière d'organisation est à la croissance des sites distribués (45 % en 2003 contre 13 % seulement en 2000). Une croissance qui va, d'ailleurs, de pair avec le développement des sites en province.

Organisation des ressources humaines


Conscientes de l'importance commerciale des centres de contacts, les banques devraient l'être également de la gestion des ressources humaines. Or, il semble bien qu'en matière de rémunération et de formation, le secteur tarde encore à aligner sa politique RH sur celle qui prévaut dans les agences. 75 % des conseillers téléphoniques gagnent moins de 13 800 euros par an et ce, même si la part de rémunération variable liée aux activités commerciales, a fortement augmentée passant, entre 2000 et 2003, de 17 à 48 %. Mais, alors qu'en 2000, les banques n'accordaient que trois jours de formation par an, centrés avant tout sur les techniques d'entretiens téléphoniques (90 % des réponses) ou bancaires (69 %), la durée des formations s'allonge en 2003, passant à dix jours en moyenne. La forte progression des formations aux techniques bancaires, qui en 2003 représentent 96 % des réponses, montre combien désormais la polyvalence des téléconseillers est devenue une priorité. Surtout si l'on considère que ce thème représente près de la moitié du temps de formation globale sur l'année, loin devant les séminaires consacrés aux outils informatiques (63 %) et le conseil financier (38 %).

Absence de cible propre


Pour ce qui est des fonctions et de la cible des centres d'appels bancaires, le constat de l'étude 2003 entérine les conclusions déjà réalisées en 2000. Les centres mixent désormais réception et émission d'appels même si, tout de même, les appels entrants restent une activité vingt fois plus importante que celles des appels sortants. Le public visé demeure par défaut celui de l'agence, à savoir les particuliers. Il n'existe pas, en effet, de réflexion sur une cible spécifique pour les centres d'appels. A noter toutefois que la vocation commerciale, de plus en plus affirmée, des centres d'appels, dans un contexte de forte concurrence, explique l'augmentation des appels en direction des prospects (de 38 % en 2000 à 53 % en 2003). Pour Peat Marwick, le défaut de réflexion sur un public propre explique les difficultés des banques à transformer un appel sortant en contact utile (61 % des appels sortants n'aboutissent pas). L'absence de stratégie et d'objectifs clairement définis pour les centres est aussi responsable du fait que plus de 50 % ne connaissent pas les taux de contacts par client et par an. Les banques commencent toutefois à avoir conscience des potentiels du milieu des professionnels ou des prescripteurs. 50 % des établissements souhaitent, dans un proche avenir, pouvoir approcher les professionnels et 57 % les partenaires prescripteurs.

Méthodologie


L'étude 2003 des services financiers du cabinet CSC Peat Marwick fait suite à une première version rendue publique en 2000. Elle a été menée dans le courant du premier semestre 2003 en France sur la base d'un panel similaire à celui utilisé pour l'édition 2000. Le questionnaire a ainsi été adressé à une soixantaine de banques de détail, régionales ou nationales, dont le réseau est compris entre 100 et 200 agences, et disposant d'un centre d'appels mis en place depuis cinq ans en moyenne.

Muriel Rozelier

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page