"Les services clients doivent jouer la transparence avec le consommateur", Ludovic Mendes, député
Le député LRM de Moselle Ludovic Mendes, à l'origine d'un amendement à la loi Pacte contraignant les services clients à indiquer leur lieu d'implantation, revient sur les enjeux entourant l'offshorisation des services clients.
50% des positions desservant le marché français et 60% des centres de production sont localisées hors de France, indique l'étude "Instantanéité, omnicanalité, conseiller augmenté, les centre de contact à l'heure du digital", publiée par EY et le SP2C en 2018. En réponse à l'offshorisation croissante des centres de contacts, le député Ludovic Mendes (LRM) souhaite intégrer au projet de loi Pacte un amendement contraignant les services clients à indiquer leur lieu d'implantation. Ainsi, lorsqu'un client contacte un téléconseiller situé hors de France, un dispositif l'informerait en préambule que le professionnel lui répond depuis un pays étranger.
Relation Client Mag publie une série d'interviews des acteurs-clés et d'observateurs du dossier: Ludovic Mendes, à l'origine de l'amendement, Gildas Gouvaze, porte-parole de l'intersyndicale CFE-CGC, FO et CGT d'Engie (consultée par Ludovic Mendes dans le cadre de la réflexion sur cet l'amendement, suite à l'offshorisation d'une partie de l'activité), Sophie Quarre de Verneuil, directrice du service clients de la direction grand public d'Engie France, et Gaëlle Salaün, directrice service clients particuliers d'EDF, attachée au "made in France".
Quelles sont les enjeux entourant l'amendement que vous avez déposé en lien avec les centres de contacts offshore?
Il s'agit de jouer la transparence avec le consommateur, en lui expliquant, lorsqu'il joint un centre d'appels, si ce dernier est situé sur le territoire national ou à l'étranger. Le but n'est pas d'empêcher la délocalisation mais de pousser les entreprises à faire le choix de réinstaller un maximum de centres de contacts sur le territoire national.
Comment avez-vous été sensibilisé à ce thème?
Grâce à l'organisation intersyndicale d'Engie, qui m'a contacté à plusieurs reprises afin de m'alerter sur le fait que des centres de relation client Engie disparaissaient du territoire national. L'entreprise faisait déjà appel à des sous-traitants, mais ces derniers étaient auparavant situés en France.
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J'ai moi-même fait mon apprentissage dans l'un de ces centres en Moselle et en tant que député, j'ai un centre dans ma circonscription.
Quelles sont les proportions de l'offshorisation des services clients? Est-ce un phénomène en croissance?
Aucune étude complète n'a été faite depuis 2016. Cependant, nous constatons que nous avons perdu 8% de part de marché sur le territoire national. En 2014-2015, 22000 emplois avaient été perdus dans l'Hexagone. Certains centres sont revenus sur le territoire. On peut encore créer entre 50 et 80000 emplois dans ce secteur, en ouvrant de nouveaux centres, notamment dans le secteur médical, selon les données dont je dispose. Certains artisans commencent également à réfléchir à externaliser la gestion de leur ligne téléphonique.
Les centres de contacts constituent-ils des employeurs importants pour un personnel peu qualifié?
C'est le cas en majorité mais ils constituent aussi un billet pour des formations diplômantes, via l'apprentissage. Il s'agit d'un employeur incontournable, employant 1% de la population active. Voilà pourquoi il est important de dialoguer avec les acteurs de ce secteur et de définir une charte nationale de bonnes pratiques.
Afficher la provenance du centre de contacts permettra-t-il de valoriser les centres qui pratiquent le made in France et d'inciter les autres à s'y mettre?
Cela va aider car de plus en plus de consommateurs sont sensibles au made in France et aux emplois liés. Lorsque des emplois sont supprimés dans un territoire, si d'autres ne sont pas recréés rapidement, c'est à la charge de la société (aide au retour à l'emploi, problématiques de mobilité, difficultés liées au logement). Nous sommes fiers des entreprises françaises qui réussissent à l'international mais pour le cas d'Engie, dont une parte des capitaux sont publics, il paraît normal de maintenir les emplois sur le territoire national.
Que répondez-vous à ceux qui vous affirment qu'il s'agit d'un combat d'arrière-garde?
Ce combat avait déjà été entamé dans les années 2000 et 2010, personne ne l'avait mené à terme. Il ne s'agit pas d'un combat d'arrière-garde. Nous avons été élus pour faire changer les choses. Il s'agit d'une problématique importante pour ma circonscription, qui rencontre des échos au niveau national. Le consommateur demande de plus en plus de transparence. Dans la situation actuelle, avec un taux de chômage très élevé, le rôle des entreprises est également d'accompagner des personnes en difficulté. Nous faisons appels aux entreprises pour accompagner le politique dans cette démarche.
Pensez-vous qu'il faudrait instaurer une nouvelle charte éthique alors qu'une charte des bonnes pratiques avait déjà été mis en place après les "Assises des centres d'appels" de 2010?
Ce n'est pas à moi de définir cette charte. Un protocole a été mis en place en Italie sur les plus grosses entreprises, qui redéfinit certaines managériales, de fonctionnement et de transparence envers les clients. Il fonctionne très bien mais ne concerne que 80000 emplois.
Le politique ne doit pas imposer: il s'agit d'un dialogue avec la profession pour connaître les problématiques rencontrées et savoir comment les accompagner. La formation occupe notamment une place prépondérante. C'est un combat que nous devons mener ensemble.
Certains chefs d'entreprises dans ce secteur se sont plaints d'un turnover trop important (autour de 30% en France). Certes, très peu de personnes font carrière dans un centre de contacts en tant qu'agents. Elles peuvent cependant évoluer vers du management et d'autres métiers. Nous souhaitons pouvoir nous rassembler autour d'une table avec les acteurs de la profession pour aborder leurs problématiques, ainsi que la demande de transparence du consommateur et le sujet de l'emploi.
Au-delà de l'amendement que j'ai soumis, la mise en place de cette charte de bonne conduite est un sujet crucial, cohérent avec la volonté des entreprises françaises de valoriser leur action sur le territoire national. Il s'agit d'une occasion pour les entreprises de montrer qu'elles prennent leurs responsabilités.
Retrouver ici l'interview de Gildas Gouvaze, porte-parole de l'intersyndicale d'Engie.
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