DossierLes marketeurs américains mettent le client au centre de leurs préoccupations
Aux US, le marketing direct se porte à merveille et tire l'économie vers le haut. Les professionnels du secteur insistent sur l'importance de la personnalisation de la relation client, et érigent le respect du consommateur en condition préalable à des interactions clients/marques fructueuses.
Sommaire
- Linda Woolley, DMA : « Le marketing direct stimule la croissance économique »
- La Direct Marketing Association défend l'utilisation de la data
- Pas de big data sans confiance du consommateur
- Vidéo de Don Peppers : « Seules les entreprises qui sauront inspirer confiance auront du succès »
- Bryan Pearson, LoyaltyOne : « Beaucoup d'entreprises échouent à personnaliser la relation client »
- Ed Kaczmarek, Mondelēz International : « Créer des expériences uniques pour accroître la fidélité de nos clients »
- La gestion de la relation client passe désormais par les outils sociaux
- Vous souhaitez approfondir les thèmes abordés dans ce dossier ? Suivez le guide.
1 Linda Woolley, DMA : « Le marketing direct stimule la croissance économique »
- Comment se porte le marketing direct aux États-Unis ?
À merveille ! C’est même un des rares secteurs de l’économie qui progresse ! Car les marketeurs sont véritablement à l’écoute des demandes des clients. Ils donnent aux consommateurs ce qu’ils veulent et quand ils le veulent. En réalité, c’est le marketing direct qui stimule la croissance. C’est pourquoi l’Europe doit fait attention à cet aspect. Les projets de renforcement de la législation sur les données personnelles auraient un effet négatif sur votre croissance à un moment où l’économie ne pourrait pas le supporter. C’est un chemin dangereux…
- Quel sujet allez-vous aborder dans votre discours lors de la conférence inaugurale de la convention annuelle de la DMA ?
Je parlerai justement des menaces qui pèsent sur le marketing en raison des questions liées à la protection des données personnelles. Il y a beaucoup de mauvaise foi quant à l’usage que font les marketeurs des données qu’ils collectent. Par exemple, le président de la FTC (Federal Trade Commission), l’organisme qui régule notre activité, répète en permanence que les personnes qui achètent sur Internet des friteuses ne pourront plus prendre d’assurance santé… C’est de la folie, mais les gens entendent ce discours, le croient et prennent peur. Nous devons donc faire de la pédagogie auprès des consommateurs, du Congrès et des régulateurs.
- Que fait la DMA pour changer l’état d’esprit des consommateurs ?
Nous considérons que les consommateurs ont droit à la transparence quant à l’utilisation de leurs données. Et nous estimons également qu’ils doivent pouvoir décider s’ils veulent ou non recevoir des messages commerciaux. C’est pourquoi nous avons mis en œuvre un programme appelé “DMA choice”, qui permet aux consommateurs de ne plus en recevoir. Nous avons mis en place un programme similaire pour le Web, “About Ads” : le consommateur peut refuser de recevoir des publicités ciblées sur Internet. Nous croyons qu'il faut donner aux consommateurs le choix d’être tracé ou non, et leur fournir des moyens concrets de s’y opposer. Nous pensons que nous n’avons pas besoin du gouvernement pour nous dire de le faire…
- Un des thèmes de la conférence sera le big data. Il s’agit encore d’un gisement largement inexploité…
Cet outil permet d’adresser au consommateur des messages ciblés, pertinents et au bon moment. Mais nous sommes encore dans une phase de transition : toute la donnée collectée n’est pas utile, tout n’est pas analysé comme il le devrait et, d’une certaine manière, nous ne savons pas toujours quoi en faire. Mais cela change très vite. Au cours des années à venir, nous allons rapidement apprendre à mieux utiliser le big data…
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- Le real-time marketing est aussi porteur de beaucoup de promesses…
La réactivité des marketeurs a considérablement augmenté. Mais la généralisation du real-time marketing est freinée par la difficulté à calculer son ROI, même si cette situation évolue. Par exemple, aujourd’hui, nous ne disposons pas de beaucoup d’outils de mesure pour calculer la valeur d’un tweet, d’un re-tweet... Les compagnies souhaitent utiliser ces nouvelles technologies et veulent aussi obtenir des résultats quantifiables. Là aussi, nous sommes dans une phase de transition.
En octobre 2012, la CEO de la Direct Marketing Association a accordé une interview à la rédaction d'e-marketing.fr. Linda Woolley a évoqué les bons résultats du marketing aux États-Unis, mais aussi les menaces qui pèsent sur l'activité.
2 La Direct Marketing Association défend l'utilisation de la data
« Il est temps de passer à l’action ! », a lancé Linda Woolley lors de la conférence inaugurale du salon de la DMA (Direct Marketing Association) à Las Vegas. La présidente par interim et CEO de la DMA a annoncé la création du Data-driven marketing institute (DDMI). Son but ? Promouvoir les bénéfices du data marketing. Linda Woolley a également invité ses membres à se mobiliser contre les projets de la Federal Trade Commission et du Congrès, qui souhaitent imposer des conditions drastiques sur l’utilisation des données collectées sur les consommateurs.
Les membres de la DMA ont été invités à rejoindre le Data-driven marketing institute. Ses missions sont triples :
- expliquer les bénéfices de la data au législateur et au régulateur ;
- faire de la pédagogie auprès des consommateurs sur son intérêt et les choix dont ils disposent sur l’utilisation de leurs données personnelles (cf DMA choice) ;
- faire de la recherche pour démystifier le data marketing et quantifier son importance vitale pour les consommateurs et l’économie.
Linda Woolley a appelé ses membres à se mobiliser contre les positions prises par la FTC (Federal Trade Commission), l’organisme de régulation de la profession, qui souhaite que les marketeurs ne puissent plus collecter de data sans la permission individuelle de chaque consommateur. Linda Woolley a ainsi invité l’assistance à se rendre sur la page dédiée pour s’engager à faire avancer et à protéger le data marketing en remplissant un formulaire qui témoigne de son importance stratégique pour l’activité de ce secteur.
Linda Woolley a rappelé que la data est un moteur pour la croissance économique. Elle a souligné les résultats désastreux du projet de loi en préparation qui conduirait purement et simplement à ce que les marques et enseignes ne puissent plus connaître leurs consommateurs, et en conséquence, à ne plus leur proposer ce qu’ils souhaitent au bon moment, et à ne plus les récompenser pour leur fidélité… Pour Linda Woolley, il est temps de mettre fin aux caricatures colportées sur la collecte de la data et de se battre contre les projets qui visent, aux États-Unis comme en Europe, à limiter son utilisation.
Si, au cours de la conférence de presse qui a suivi son intervention, elle a admis des dérapages de certaines grandes enseignes, elle a insisté sur la capacité de la profession à corriger immédiatement ses erreurs. La CEO de la DMA a insisté sur le fait que les marketeurs ne font que répondre aux besoins des consommateurs. C’est le sens de la vidéo présentée sur scène, qui montre les bénéfices du data marketing dans la vie de tous les jours des consommateurs. Par ailleurs, Linda Woolley a rappelé que le marketing direct contribue directement à 8,7 % du PNB des États-Unis…
L'intervention vidéo (en anglais) de Linda Woolley
Il est encore trop tôt pour savoir comment l’ancienne lobbyiste de Washington compte prolonger la contre-attaque lancée contre la FTC et le Congrès. Elle a simplement indiqué au cours d’une conférence de presse que la DMA était en train de lever des fonds et que l’association compte y consacrer au moins 1 million de dollars. Sur le terrain, cette action pourrait prendre la forme de publicités ou de rencontres publiques…
La CEO de la DMA, Linda Woolley, a annoncé la création du Data-driven marketing institute. Cette cellule de lobbying aura pour tâche de promouvoir les bénéfices du big data auprès des consommateurs, des législateurs et des régulateurs.
3 Pas de big data sans confiance du consommateur
Big data, big challenge…
« Vous avez entre vos mains le pouvoir de transformer le monde… », a déclaré Linda Woolley aux marketeurs lors de l’ouverture de la convention annuelle de la Direct Marketing Association (DMA), qui s'est tenue à Las Vegas du 13 au 18 octobre 2012. « Et comment y parvenez-vous ? a poursuivi la présidente par intérim et CEO de la DMA. Vous collectez, utilisez et analysez la data. Vous anticipez les intentions d'achat des consommateurs en devinant ce que les clients et prospects veulent. » Au point même qu’un américain a appris par le grand magasin Target que sa fille était enceinte : après avoir analysé les derniers achats de l’adolescente, l’enseigne lui a envoyé, par mail, des bons de réduction pour des vêtements et lits de bébé…
« Est-ce que nous sommes allés trop loin ? » s’est demandé Jordan Cohen, vice-président en charge du marketing de Movable Ink, un prestataire de l’e-mail marketing. Le président de la Federal Trade Commission (FTC), Jon Liebowitz en semble convaincu. Et le Congrès mène actuellement deux enquêtes auprès d’entreprises sur l’exploitation des données collectées.
Pour contrecarrer ces critiques, la DMA a annoncé la création du Data-driven marketing Institute (DDMI), un organisme de lobbying destiné à démontrer à Washington les bénéfices du big data pour les consommateurs et, plus généralement, pour la croissance économique. Linda Woolley a insisté : « Nous utilisons ces informations pour donner aux consommateurs ce qu’ils veulent et attendent. » La patronne de la DMA a expliqué que lorsque les sollicitations commerciales sont ciblées, les consommateurs y répondent positivement. Cependant, Linda Woolley a admis que nous n’étions qu’au début de l’ère du big data, et que les entreprises cherchent encore à développer une relation personnelle avec des clients qui souhaitent être reconnus et récompensés pour leur fidélité.
Même sentiment du côté de Bryan Pearson, qui a accordé une interview à la rédaction d'e-marketing.fr. Le p-dg de LoyaltyOne, entreprise spécialisée dans la création et la gestion de programmes de fidélité, considère, en effet, que les entreprises sous-exploitent les données collectées sur leurs clients et échouent en conséquence à créer une expérience consommateur unique et personnalisée. Résultat, 78% des sondés n’ont pas l’impression qu’ils retirent un quelconque bénéfice du partage d’informations personnelles avec les marques, selon l’étude réalisée par sa compagnie(1).
L’auteur du livre “The Loyalty Leap” a pourtant insisté sur l’importance stratégique des données collectées pour renforcer la fidélité de ses clients et générer davantage de bénéfices pour l’entreprise. « Si vous connaissez mieux vos consommateurs, si vous êtes capable d’engager une relation avec eux – et c’est aujourd’hui possible grâce à la data que vous collectez –, vous avez davantage de chances de créer un attachement à votre marque », explique Bryan Pearson, qui fait la distinction entre cette “fidélité émotionnelle“ et une “fidélité comportementale”, fondée uniquement sur les achats.
Cette même étude montre qu’il faut au préalable établir une relation de confiance avec les consommateurs : 74% d’entre eux sont alors prêts à donner davantage d’informations personnelles, à condition, évidemment, que les entreprises leur envoient des offres pertinentes sur la base de ces données.
De son côté, dans une vidéo réalisée lors de la convention de la DMA, Chris Anderson, rédacteur en chef du magazine “Wired”, met en garde les marketeurs contre la tentation de se reposer uniquement sur l'analyse de données, au détriment de la nécessaire créativité.
L'intervention vidéo (en anglais) de Chris Anderson
(1) “Customer data : privacy, profit and the new paradigm”, LoyaltyOne, septembre 2012.
En 2012, le congrès de la Direct Marketing Association était placé sous le signe du big data. Les orateurs ont expliqué que l'exploitation des données personnelles imposait aux marketeurs d'instaurer, en échange, une relation de confiance avec les consommateurs.
4 Vidéo de Don Peppers : « Seules les entreprises qui sauront inspirer confiance auront du succès »
La keynote en vidéo de Don Peppers (en anglais)
Don Peppers, le célèbre consultant marketing, coauteur, avec Martha Rogers, de “Extreme trust, honesty as a competitive advantage”, a fait de la confiance le thème central de sa keynote du samedi 13 octobre 2012, au cours de la convention annuelle de la Direct Marketing Association. Il était venu pour convaincre l’assemblée que demain, « seules les entreprises qui sauront inspirer confiance auront du succès ».
Don Peppers a expliqué que la confiance a toujours été un critère important aux yeux des consommateurs, mais que plus ceux-ci multiplient les interactions avec les marques, plus ils sont en demande de confiance. Pour lui, le challenge des entreprises tient en une phrase : « Doing things right and doing the right thing proactively. » Autrement dit, et en français, la confiance ne vient pas seulement de la qualité des produits et services proposés, mais aussi de la capacité des entreprises à agir dans l’intérêt des consommateurs. Par exemple, rembourser ses passagers à l'occasion du retard d’un vol sans qu’ils aient à effectuer de démarches, comme le fait la compagnie JetBlue ; alerter ses clients lorsque ceux-ci s’apprêtent à acheter deux fois le même livre ou le même morceau de musique comme c’est déjà le cas sur les sites d’Amazon et iTunes ; etc.
Mieux : un consommateur qui aura confiance dans une entreprise après un premier achat sera enclin à acheter d’autres produits dans le futur. Don Peppers a, ainsi, pris l’exemple d’Apple qui, ayant gagné la confiance de ses clients en vendant des ordinateurs, commercialise aujourd’hui, avec le succès que l’on connaît, de la musique, des smartphones, des tablettes… En prime, les consommateurs qui ont confiance dans une marque la soutiennent en cas de critiques et rédigent des opinions positives qui génèrent de nouvelles ventes.
Obtenir du consommateur qu'il accorde sa confiance à une marque ne découle pas de la seule qualité des produits et services proposés, mais tient aussi à la capacité de l'entreprise à agir dans l'intérêt de ses clients.
5 Bryan Pearson, LoyaltyOne : « Beaucoup d'entreprises échouent à personnaliser la relation client »
- Quelle est l’activité de LoyaltyOne ?
Notre rôle est d’enrichir les interactions entre les marques et les consommateurs. Nous aidons les entreprises à créer ou revoir leur programme de fidélité. Nous analysons aussi la data d’enseignes très fréquentées comme les épiceries et les pharmacies afin d’optimiser leurs revenus. Enfin, nous gérons également le programme de fidélisation commun, Air Miles, au Canada. Nous sommes désormais présents au Brésil et en Inde où nous sommes en train de monter un programme similaire à Air Miles.
- Dans votre livre "The Loyalty Leap"(1), vous prônez "l’intimité client"…
Je suis parti de la définition de Michael Treacy et Fred Wiersema(2) qui ont mis en lumière trois stratégies qui guident les entreprises : l’efficacité opérationnelle, le leadership sur les produits et l’intimité client. Les entreprises doivent être compétitives dans ces trois domaines, mais les entreprises qui se concentrent sur l’intimité client, se définissent autant par les produits et les services qu’elles commercialisent que par la façon dont elles interagissent avec leurs clients : elles utilisent l’information collectée sur leurs consommateurs pour s’adresser différemment à eux et mieux répondre à leurs besoins. Grâce à cette connaissance client, vous créez une différence compétitive. Et au final, cela signifie davantage de bénéfices pour les marques.
- Vous recommandez aux enseignes de mieux exploiter les données clients…
Oui, car aujourd’hui, beaucoup d’entreprise échouent à personnaliser la relation client. Elles ont tendance à trop se concentrer sur les process de production et oublient de se focaliser sur leurs consommateurs : qui ils sont et ce qu’ils demandent. La qualité de la data est, pourtant, capitale pour créer une expérience client unique et plus pertinente. Puisque nous sommes à Las Vegas, prenons l’exemple des casinos Caesars. Ils ont réussi à individualiser l’expérience client en personnalisant leurs offres et leur communication en fonction des différents profils : celui qui vient de New York pour jouer, celui qui habite sur place et se rend au Casino pour dîner ou voir un spectacle etc. Ils traitent différemment les gros parieurs et ceux qui jouent peu et dépensent peu d’argent.
- Les consommateurs sont réticents à partager leurs informations personnelles avec les marques…
Notre étude(3) montre que les clients souhaitent être récompensés en échange des informations qu’ils donnent aux entreprises. Le bénéfice attendu ne doit pas être forcément un programme de fidélité, cela peut être de meilleurs services, de meilleures informations... Par exemple, le magasin de chaussures Ecco ne propose pas de programme de fidélité, mais à chacun de mes achats, les vendeurs me demandent mon numéro de téléphone mobile. Ils exploitent, de manière élégante, mes achats passés et les informations dont ils disposent. Lorsque j’ai acheté des chaussures de golf, ils m’ont conseillé de prendre un imperméabilisant, mais j’étais presque certain d’en avoir déjà. Alors le vendeur m’a simplement demandé mon numéro de mobile pour vérifier et s’apercevoir que je n’avais pas ce produit. Du coup, chacun y a trouvé son compte : ils sont 14 dollars plus riche et je n’ai pas eu à retourner au magasin pour m’en procurer. Au final, j’ai eu une très bonne expérience client sans avoir besoin de souscrire à un programme de fidélité.
- Dans votre livre, vous distinguez "la fidélité comportementale" de "la fidélité émotionnelle"…
Beaucoup d’entreprises font l’erreur de croire que les achats répétés d’un client mesurent sa fidélité à la marque alors qu’il s’agit simplement d’un comportement. Combien de fois une compagnie a-t-elle perdu ce type de clients ? Et quand l’entreprise l’interroge, celui-ci répond qu’il était satisfait de son offre mais il en a trouvé une plus pratique ou meilleure ailleurs…. Alors que si vous connaissez mieux vos clients, si vous êtes capable d’engager une relation avec eux – et c’est aujourd’hui possible grâce à la data que vous collectez – vous avez davantage de chances de créer un attachement à votre marque. Votre client n’est pas seulement satisfait, il est impliqué, engagé. Nous passons alors d’une fidélité comportementale à une fidélité émotionnelle.
- Comment expliquez-vous le succès de votre programme de fidélisation mutualisé qui touche 70% des foyers canadiens ?
Air Miles représente vingt ans de travail pour créer un savant équilibre entre les intérêts des entreprises partenaires et ceux des consommateurs. C’est un peu comme un jeu de labyrinthe à bascule : vous devez tourner la table légèrement pour créer un mouvement tout en gardant un équilibre. Si le programme est trop à l’avantage des entreprises partenaires, cela ne mène nulle part, idem s’il est trop favorable aux consommateurs, les entreprises ne vont pas l’aimer... Nous faisons en sorte que notre offre soit intéressante en termes d’entreprises partenaires, de récompenses, et de type de programme afin de favoriser les dépenses. De plus, nous respectons les informations dont nous disposons sur nos membres. Nous n’avons jamais vendu notre liste à qui que ce soit.
Notre succès tient aussi à la stabilité du management de ce programme. Je dirige la compagnie depuis cinq ans mais je travaille au service client et au marketing de ce programme depuis le début. Nous avons eu seulement trois p-dg en vingt ans. Durant tout ce temps, nous avons poursuivi la même stratégie avec un zèle de missionnaire et une vraie passion pour le concept. Il existe une vraie cohérence dans l’exécution et un même but derrière ce business.
- Le programme a beaucoup évolué depuis 1992…
Notre succès tient aussi au fait que nous n’avons jamais cessé d’innover que ce soit en matière de canaux de communication et d’utilisation de la data. Voici vingt ans, l’e-mail n’existait pas, aujourd’hui, nous disposons de la plus importante base de données opt-in au Canada. Voici vingt ans, Facebook n’existait pas, aujourd’hui nous sommes dans le top cinq des pages les plus “likées” au Canada. Voici vingt ans, les données collectées sur les clients ne permettaient pas d’atteindre le même niveau de complexité et de créer une expérience en one-to-one. Aujourd’hui, nous disposons d’une base de données complète qui descend jusqu’au niveau d’un produit pour certains de nos partenaires et nous personnalisons notre communication afin de rendre l’expérience client plus pertinente. Les membres apprécient ce qu’ils reçoivent en échange de leurs données : seulement 10 000 foyers sur 10 millions refusent de recevoir toute communication.
- Depuis mars dernier, vous proposez des réductions en magasin…
Auparavant, les membres recevaient des cartes cadeau, ils devaient attendre de la recevoir avant de pouvoir l’utiliser. Certains nous ont fait savoir qu’ils souhaitaient utiliser leurs récompenses immédiatement en magasin. De façon pratique, nous avons dû mettre sur pied la technologie qui permette aux consommateurs de bénéficier instantanément de ces réductions. C’est facile à faire pour un programme de fidélité d’une marque, quand cela concerne, comme nous, plus de 120 enseignes, il faut gérer les compensations dans des environnements informatiques différents…
- Les récompenses monétaires vont-elles devenir le nouveau standard des programmes de fidélisation ?
Lorsque que vous rassemblez 70% des foyers, vous avez toute la variété des profils possibles : les consommateurs au revenu confortable, qui souhaitent accumuler des miles pour des vols gratuits ; ceux qui préfèrent bénéficier de réductions immédiates sur leur facture d’essence ou leurs courses. Compte tenu de ce large spectre de consommateurs, nous devons proposer un large choix. Je suis notamment convaincu que les cartes cadeaux, le merchandising, les voyages, vont devenir des éléments différenciants. Pour nous, tout l’enjeu consiste à trouver des récompenses et mécanismes nouveaux et excitants pour les consommateurs, et de leur envoyer un message pertinent qui reflète ce qu‘ils sont et quels genres de récompenses ils souhaitent.
- Vous avez également créé un programme autour de l’écologie… Vendre de bons produits n’est plus suffisant, il faut y ajouter une dimension émotionnelle ?
Il est évident que si les marques parviennent à créer un lien émotionnel positif avec les consommateurs en associant leurs produits à une cause qui les touche directement, vous augmentez votre potentiel de ventes. Nous avons démarré Air Miles Planet voici trois ans parce qu’il y avait à l’époque une mobilisation autour de l’écologie et du changement climatique. Ce programme incitait les consommateurs à acheter une sélection de produits verts en échange de miles. Mais, nous nous sommes aperçus que ces préoccupations n’étaient pas suffisamment rassembleuses. Beaucoup de consommateurs souhaitent faire de meilleurs choix, pas forcément LE meilleur...
- Vous avez alors créé le programme Air Miles for social change…
Nous nous sommes demandé comment nous pouvions tirer parti de notre taux de pénétration et de notre connaissance client pour aider les personnes qui défendent une cause. Nous avons alors lancé Air Miles for social change. Nous avons ainsi travaillé avec la Heart & Stroke Foundation qui lève de l’argent pour la recherche, le gouvernement de Colombie britannique et les enseignes d’alimentation qui sont nos partenaires. La fondation a fourni les informations pour inciter les consommateurs à choisir les meilleurs produits pour leur santé, le gouvernement a financé les bons de réduction. Cette opération a permis d’augmenter les ventes des produits recommandés et de sensibiliser nos membres sur ces questions. Nous avons également travaillé avec l’autorité de l’énergie sur une campagne destinée à inciter nos membres à économiser l’énergie. Nous avons obtenu une réponse sept fois supérieure à la campagne menée précédemment pour un coût équivalent au tiers.
- Quelle est la place de votre page Facebook dans votre stratégie ?
Nos membres s’y retrouvent pour raconter comment ils sont obtenu des points et des miles. Ils y parlent des offres spéciales. Au démarrage, nous l’avons utilisé comme un canal de relation client. Puis, nous avons graduellement évolué vers un canal plus marketing. Ce réseau social s‘avère un canal efficace. En effet, nous avons croisé nos données avec celles de Facebook - notamment les profiles Facebook, les likes… - afin d’établir un lien entre l’activité sur le réseau social et le comportement d’achat. Et nous avons démontré que les interactions sur Facebook génèrent des ventes additionnelles et conduisent à un meilleur retour sur investissement.
- Les consommateurs sont de plus en plus influencés par les avis postés sur les réseaux sociaux. En quoi cela modifie la communication des marques ?
Cela contraint les entreprises à être plus attentives aux demandes des consommateurs. Et cela les oblige à faire preuve d’authenticité comme jamais car il devient de plus en plus difficile de faire de fausses promesses sur vos produits et services. Vous êtes obligé de remplir les attentes que vous avez créées sur votre marché. Comme marketeur, je trouve cela génial !
(1) "The Loyalty Leap" de Bryan Pearson, Portfolio/Penguin, 263 pages
(2) « The discipline of Market Leaders » de Michael Treacy et Fred Wiersema
(3) « Customer data : privacy, profit and the new paradigm », LoyaltyOne, septembre 2012
Le p-dg de LoyaltyOne prône une meilleure utilisation de la data afin de créer une expérience client unique et personnalisée. L'auteur du livre “The Loyalty Leap” faisait partie des orateurs à la convention 2012 de la Direct Marketing Association à Las Vegas.
6 Ed Kaczmarek, Mondelēz International : « Créer des expériences uniques pour accroître la fidélité de nos clients »
- En quoi consiste votre fonction de directeur de l'innovation chez Mondelēz International (anciennement Kraft Foods) ?
Mon rôle consiste à exploiter les nouvelles technologies pour mieux interagir avec les consommateurs tout au long de leur parcours d'achat. Il s'agit de créer des expériences uniques qui vont augmenter la fidélité de nos clients et leur valeur économique sur le long terme. Par exemple, nous avons été, en 2008, le premier le fabricant de produits de grande consommation à sortir une appli mobile : iFood Assistant donne des idées de recettes. Dans sa dernière version, nous avons ajouté la voix et la liste de courses afin que les mobinautes utilisent encore plus souvent notre appli.
- Votre groupe a annoncé, en octobre dernier, un tout nouveau programme mobile. En quoi consiste-t-il ?
Nous prévoyons de consacrer 10% de toutes nos dépenses médias à ce canal. Avec le projet "Mobile futures", nous avons pour objectif d'insuffler l'esprit d'entreprise des start-up à nos marques(1). Nous souhaitons aider nos marketeurs à penser et à agir comme des jeunes pousses. Car notre environnement évolue très vite : nous souhaitons favoriser le travail collaboratif et réduire les process. Concrètement, vingt marques Mondelēz International participent à l'opération et vont choisir les start-up avec lesquelles elles ont le plus d'affinités. Les équipes vont passer une semaine dans leurs bureaux afin de comprendre comment les jeunes pousses fonctionnent et avoir un aperçu de leur esprit d'entreprise.
Vidéo de lancement (en anglais) du projet "Mobile Futures", par Mondelēz International
- Dans une seconde phase de ce programme, vous projetez de présenter des prototypes d'applis...
Nous ne recherchons pas seulement à opérer un changement de culture mais à exploiter le nouvel écosystème mobile. Nos marques et les start-up vont travailler sur des concepts d'applis mobiles. Nous choisirons les meilleurs projets avec pour objectif final de les développer au sein de nouvelles entreprises. Les équipes auront alors 90 jours pour finaliser un prototype. Elles seront également chargées de mettre en place un management qui s'inspire du fonctionnement des start-up. Durant cette période, les équipes vont travailler sur la création de l'entreprise avec notre partenaire, l'incubateur Prehype. À l'issu de ces trois mois, les équipes vont présenter leur idée à différents investisseurs. Mondelēz International s'engage à devenir le premier client de ces nouvelles start-up.
- Quels sont les types de projets qui vous intéressent en priorité ?
Nous nous concentrons sur les start-up positionnées sur le marché de la télévision sociale afin de donner de la visibilité à nos marques. La “Social TV” représente, à nos yeux, une nouvelle manière d'interagir avec le consommateur et de contribuer à augmenter les achats d'impulsion. Nous espérons, par exemple, les amener à se rendre plus souvent en magasin pour bénéficier d'une promotion ou d'un événement spécial.
Nous sommes également convaincus que la vidéo sur mobile peut s'intégrer dans le parcours consommateur. Aujourd'hui, de nombreuses personnes regardent des vidéos sur leur iPad. Des sites comme Hulu et YouTube représentent tout un écosystème à exploiter sous forme de publicité en rich media ou de vidéo sponsorisée.
- Depuis 2010, vous travaillez avec Shopkick, une appli qui permet d'adresser des offres promotionnelles géolocalisées. Quel bilan en dressez-vous ?
Nous avons 45 marques sur la plateforme. Cette appli mobile nous permet de communiquer avec les consommateurs de manière pertinente et au plus près du moment d'achat. Les consommateurs font leurs courses dans différents magasins partenaires comme Target, Macy's, BestBuy ou encore Toys'R'Us. Ils se signalent avec leur mobile (check-in) et reçoivent des points (kicks) qu'ils enregistrent sur le mobile et échangent contre des cartes cadeau dans ces différentes enseignes. Ils peuvent également scanner le code barre afin de gagner des points supplémentaires, voir un message promotionnel sous forme de site interactif, de vidéo, d'image ou encore répondre à une enquête.
- Quel est l'intérêt commercial de Shopkick ?
3,5 millions de consommateurs utilisent cette appli uniquement aux États-Unis. Nous sommes convaincus que c'est un levier d'achat extraordinaire : en effet, si nous parvenons à interagir, de manière pertinente, avec les clients en magasin au moment même où ils sont dans un état d'esprit propice à la consommation, nous augmentons nos chances de réaliser des ventes... Au final, cette appli mobile nous permet d'accroître l'engagement et la fidélité des consommateurs tout au long de leur parcours d'achat : à la maison pour trouver les promotions en cours, sur le chemin du magasin comme à l'intérieur.
- Quelle est la place de Facebook dans votre stratégie ?
Nous utilisons déjà Facebook pour plusieurs de nos marques comme Oreo qui comptabilise 27 millions de fans sur sa page. Nous avons, par exemple, monté une opération qui permettait aux internautes d'acheter des cookies de cette marque à leurs amis. Ces derniers pouvaient profiter de cette offre dans les magasins Target. C'est à l'évidence un canal incontournable pour accroître l'engagement des consommateurs. Nous sommes constamment à la recherche d'idées pour offrir de la valeur à nos clients. Parce qu'au bout du compte, ce sont eux qui décident !
- Aux États-Unis, vous testez la technologie NFC. Quels sont, selon vous, ses atouts ?
Le sans contact simplifie les interactions avec les consommateurs car celui-ci accède plus rapidement à l'information. En septembre dernier, nous avons mené un test dans cinq magasins Safeway de San Francisco avec trois de nos marques. Au final, il est apparu que les consommateurs ont utilisé vingt fois plus la technologie sans contact que le QR Code ! Le NFC permet surtout d'accroître l'engagement du consommateur : le temps passé devant un rayon monte à 48 secondes contre 5 à 10 habituellement. Et 36% des consommateurs qui ont passé leur mobile près du tag ont réalisé une action : ils ont reçu la recette de la semaine, téléchargé notre appli iFood Assistant ou encore partagé leur découverte sur Facebook. Nous sommes satisfaits de l'engagement enregistré.
- Vous utilisez volontiers le jeu et la réalité augmentée. Qu'en pensez-vous ?
Le gaming est un marché en pleine croissance. Nous cherchons les moyens d'exploiter ses ressorts de manière pertinente afin de donner de la visibilité à nos marques et leurs valeurs. Par exemple, nous avons créé, pour notre marque Cadbury, un jeu en réalité augmentée qui était généré à partir de packaging. Ce genre d'opération donne une valeur supplémentaire au produit.
- Quels sont vos projets dans les mois à venir ?
Nous allons aider nos marques à s'imposer sur les marchés émergents en y déployant les innovations mises en place aux États-Unis. Après San Francisco et Londres, nous allons organiser également un hackathon(2) en Chine au mois de novembre. Nous sommes totalement convaincus que ce type d'événements permet aux start-up et aux développeurs de trouver de nouvelles idées...
Interview réalisée à la convention de la Direct marketing association à Las Vegas, octobre 2012.
(1) Pour en savoir plus sur la stratégie de Mondelēz International, lire l'actualité sur le site e-marketing.fr.
(2) hackathon provient de la contraction des mots "hack" et "marathon". Il s'agit de rallyes qui rassemblent des développeurs, des créatifs, des marketeurs chargés de trouver une solution à une problématique. À l'issue du "hackathon", les équipes présentent leur prototype.
Mondēlez International a l'ambition d'être présente à toutes les étapes du parcours d'achat du consommateur. Ed Kaczmarek, directeur de l'innovation et des nouvelles technologies, explique comment la multinationale accroît l'engagement du consommateur et change sa culture d'entreprise.
7 La gestion de la relation client passe désormais par les outils sociaux
Durant son intervention, Brian Fetherstonhaugh a souligné la valeur d'un consommateur ayant une forte influence sociale. Exemples : American Express et IBM, qui utilisent les réseaux sociaux pour accroître leur présence auprès de leurs clients. Selon le président et p-dg d’OgilvyOne Worldwide, trois arguments confirment l'importance des réseaux sociaux dans la relation client :
- Le premier est lié au nombre significatif de membres sur les différents sites et aux interactions engendrées. Le site Social Commerce Today estime, par exemple, qu’un partage sur Facebook après un achat sur un site d’achat de billets comme Ticketmaster engendre 5,30 dollars de revenus additionnels.
Le client brésilien d’OgilvyOne, Magazine Luiza, a aussi mesuré le retour sur investissement : le revendeur de produits high-tech et d’électroménager a proposé à ses clients de choisir leurs produits préférés puis de les vendre sur Facebook, accompagnés de leurs recommandations. Les internautes recevaient une commission comprise entre 2 et 5% du prix de vente. Résultat : 20 000 “magasins” créés par ses clients et un taux de conversion 40% supérieur à la moyenne généralement observée. « That’s real money ! », a lancé Brian Fetherstonhaugh. - Deuxième argument en faveur des réseaux sociaux : la valeur du consommateur. Pour le p-dg d’OgilvyOne Worldwide, les marques ne doivent pas seulement prendre en compte sa “valeur individuelle” (transactions effectuées) mais aussi sa "valeur réseau" ; c’est-à-dire sa capacité d’influence sur les achats des autres consommateurs, voire celle à collaborer avec les marques.
Brian Fetherstonhaugh a illustré cette idée avec l’exemple de deux jeunes femmes. L’une dépense 33 dollars par transaction, l’autre 25 dollars, mais la première, change de marque facilement et n’est pas prête à s’impliquer.Elle a donc peu d’influence sur les médias sociaux, contrairement à la seconde, acheteuse régulière, qui a un blog, 1 500 followers et l'envie de cocréer avec les marques. Si l’on prend en compte ces critères, alors la valeur totale de la première est, selon lui, estimé à 68 dollars contre 2036 dollars pour la seconde… - Enfin, troisième argument : la corrélation entre l’engagement du consommateur et sa fidélité vis-à-vis d’une marque. L’étude d’OgilvyOne réalisée avec les données Millward Brown montre que cette fidélité est de 42% supérieure au taux moyen généralement observé(2).
Brian Fetherstonhaugh dégage quatre ressorts de fidélisation : financier, structurel, émotionnel et social. Ce dernier facteur permet de créer des liens encore plus étroits entre les marques et les consommateurs... Autrement dit, une utilisation intelligence de la data et l’instauration d’une relation de confiance avec ses clients permet d’accroître la fidélité et l’engagement des consommateurs, deux sources de revenus présents et futurs pour les marques…
Keynote en vidéo de Brian Fetherstonhaugh (en anglais)
Lors d'une keynote consacrée au social CRM, Brian Fetherstonhaugh s'est employé à démontrer que l'engagement des clients sur les réseaux sociaux se concrétise par davantage de business et doit être pris très au sérieux.
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