Jean-Marc Willmann (Maif): "La relation sociétaire concerne tout le monde"
À la Maif, le client "sociétaire" participe aux décisions et à la construction des produits et services. D'ailleurs, 800 militants, tous sociétaires, ont pour mission d'aider les équipes en interne et de faire vivre le modèle assureur-assuré, initié dès la création de la société.
Relation Client Magazine : Comment se positionne la Maif sur le marché de l'assurance ?
Jean-Marc Willmann : À la Maif, assureur individuel qui opère quasi exclusivement en B to C, un client s'appelle un sociétaire. Nous avons 3 millions de sociétaires et réalisons 3 Mds € de CA, dont 7 à 8 % proviennent de l'assurance collective pour les associations et les collectivités territoriales. À nos spécialités - Iard (incendie, accidents, risques divers) et assurance habitation et automobile -, nous avons ajouté, ces dernières années, l'assurance de personnes avec l'épargne et la prévoyance individuelle. 7 000 personnes travaillent à la Maif, dont 4 500 en contact avec les sociétaires.
Qui sont vos sociétaires ?
Historiquement, la Maif assure les instituteurs. Nous nous sommes, ensuite, ouverts au personnel de l'Éducation nationale dans sa globalité (46 % de nos sociétaires), puis aux enfants des enseignants. Désormais, la Maif accueille tout type d'assurés.
Pourquoi la Maif se positionne-t-elle comme un "assureur militant" ?
À l'origine, la Maif a été créée par des instituteurs dans un esprit mutualiste en opposition à un modèle capitaliste. C'était une forme de combat politique. La mutuelle a profondément évolué, depuis 1934, mais nous retrouvons toujours cette notion de militantisme dans le fonctionnement et l'organisation. Nos 800 militants travaillent au quotidien sur tout le territoire. Certains ont un métier, par ailleurs, et consacrent trois ou quatre demi-journées à la Maif pour faire vivre le modèle assureur-assuré. Notre conseil d'administration est composé à 100 % de sociétaires sélectionnés parmi eux.
Jean-Marc Willmann est directeur délégué des opérations et de la relation sociétaire depuis 2011. Son périmètre couvre le réseau commercial, le canal internet et les centres de gestion des sinistres, qui regroupent l'ensemble des équipes en relation directe avec les sociétaires. Jean-Marc Willmann a fait toute sa carrière dans l'assurance. Après une expérience commerciale au sein de l'Agence Assurances IBM France, puis de direction de l'informatique à l'Agirc, il a été directeur général adjoint en charge de la gestion, des ressources humaines et de l'informatique au sein du groupe Mornay, puis directeur général adjoint en charge de l'activité assurances chez Malakoff-Médéric.
Cet esprit se retrouve-t-il dans votre approche de la relation client ?
À l'heure où l'on parle beaucoup de coconstruction, il se trouve que ce principe est inscrit depuis toujours dans les gènes de la Maif. Par exemple, un nouveau produit est imaginé et validé par le conseil d'administration, qui s'assure de favoriser toutes les composantes du service. Nous faisons en sorte, par exemple, qu'il n'y ait pas de petites lignes et que le produit soit vendu en toute transparence.
Quel est le rôle du militant vis-à-vis du sociétaire ?
Le militant contribue à la relation sociétaire en accueillant un nouvel inscrit. Dorénavant, cela passe davantage par le téléphone que le face-à-face. Il lui présente l'entreprise, sa philosophie générale et les attentes de la Maif vis-à-vis du sociétaire. Nous souhaitons entretenir le fait d'avoir des sociétaires responsables de par leur comportement au quotidien. Dans la vie du contrat, le militant est amené à intervenir à la fois en cas d'insatisfaction du sociétaire, si le problème ne peut pas être réglé par un conseiller ou un responsable, mais aussi pour lui rappeler sa responsabilité, si ce dernier accumule plusieurs accidents. Ces personnes sont formées, comme nos conseillers, à la posture et aux connaissances requises. La relation sociétaire doit s'appliquer pour toute l'entreprise, des militants aux dirigeants.
Depuis 11 ans, la Maif reçoit le prix du Podium de la Relation Client(1) dans le secteur de l'assurance. Comment l'expliquer ?
Le sociétaire est au centre du modèle depuis toujours. Ce sens du client irrigue toute l'entreprise et se traduit progressivement dans chaque acte au quotidien de tous les acteurs de la Maif, des personnes en contact mais aussi au sein du comité exécutif et du conseil d'administration. À titre d'exemple, lors des pics d'appel (envoi de la facture en fin d'année, événement climatique, etc.), le siège vient en aide au réseau comme fin 2014, où 60 personnes sont venues en renfort sur nos plateformes avec le soutien, bien sûr, de leur manager.
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(1) Le Podium de la Relation Client est un événement annuel organisé par BearingPoint et TNS Sofres.
Comment s'organise votre réseau de conseillers ?
Dans le conseil et la vente, nous avons 19 centres d'appels, un centre contractuel et 150 délégations qui ne proposent que du face-à-face. Sept plateaux d'appels de 40 personnes chacun s'occupent de la déclaration des sinistres et 24 centres (experts et généralistes) sont chargés de la gestion. Chaque année, nous enregistrons 5 % des souscriptions et 900 000 devis en ligne. Près des trois quarts des prospects ont visité notre site internet avant de souscrire un contrat.
Quelle est la place de la relation sociétaire dans votre stratégie ?
Notre modèle se fonde sur trois composantes, pensées au même niveau, qui nourrissent le développement de nos projets : performance de l'entreprise, satisfaction du sociétaire et adhésion des acteurs internes.
Que signifie l'adhésion des acteurs en interne ?
Nous avons formalisé la conviction que l'épanouissement des collaborateurs participe à la performance et à la satisfaction des sociétaires. Nous avons, notamment, mené une expérimentation dans l'un de nos centres de gestion à Rennes, dont le taux d'accueil téléphonique est l'un des plus faibles. Une douzaine de personnes ont réfléchi à des améliorations. Auparavant, elles ont souhaité comprendre le système de gestion téléphonique. Deux personnes du siège sont venues expliquer le fonctionnement du SVI et le pilotage de l'activité. Quant au manager, il a détaillé la manière dont il pilote l'activité. La première proposition du groupe a été de consacrer la journée du lundi entièrement à l'accueil téléphonique, contre une demi-journée jusqu'ici. Ils en ont eux-mêmes informé les autres collaborateurs et ont fait un test, qui a été concluant : les taux d'accueil et de satisfaction se sont largement améliorés. Cette expérimentation, encadrée par le manager, sans intervention de sa part, a conduit naturellement aussi à repenser le mode de management, qui était trop centré sur la performance. Ce genre d'initiative doit se généraliser et perdurer.
Avez-vous d'autres projets ?
Nous nous inspirons aussi de l'extérieur. Une équipe a pour mission de détecter les bonnes pratiques dans les entreprises reconnues pour la qualité de leur relation client et de revenir avec des propositions d'expérimentation. Par exemple, nous allons prochainement tester la suppression de la mesure de la DMT (durée moyenne de traitement) dans un centre de conseil et de vente.
Vous lancez un nouveau plan stratégique. Quelles en sont les grandes lignes concernant la relation sociétaire ?
Nous avons sollicité les sociétaires par e-mail, et nous avons obtenu 80 000 retours, auxquels nous avons réfléchi avec les militants, les salariés et le conseil d'administration. Notre plan stratégique 2015-2018 se fonde sur trois piliers. Premièrement, nous savons que notre métier d'assureur va profondément changer dans les années à venir : nouveaux entrants sur le marché, évolution des technologies, économie collaborative, etc. Ces évolutions sont l'opportunité d'être plus novateurs, agiles et de créer de nouveaux produits d'assurance et de services. Deuxièmement, la relation sociétaire doit être renforcée et s'adapter aux technologies et aux nouveaux comportements. Nous voulons continuer à faire vivre une expérience exceptionnelle à nos sociétaires et conserver notre taux de fidélité. Troisièmement, la base étant la confiance avec les sociétaires, nous devons bâtir les conditions de la confiance en interne. Cela passe par le management, le développement de la collaboration avec les équipes et l'épanouissement de nos collaborateurs.
Comment favoriser la confiance en interne ?
Nous voulons donner de la responsabilité et de l'autonomie aux militants mais surtout aux conseillers, qui doivent pouvoir déroger à notre référentiel de parcours client. Cela nécessite un niveau exigeant de compétence et de connaissance des outils. À cet égard, nous misons sur la formation au métier de base (technique et juridique) et à la posture. Par exemple, quand un conseiller transfère un appel, le client ne doit pas avoir à se répéter.
Quelle est votre approche du digital ?
La Maif a créé une direction du digital avec un relais dans chaque direction déléguée pour diffuser la culture du numérique dans toute l'entreprise. Pour la relation sociétaire, il est important que les 4 500 personnes en contact aient connaissance des outils digitaux à disposition sur l'ensemble du parcours du sociétaire, et soient à l'aise avec les technologies pour assurer la continuité du parcours client.
Quels sont vos outils de mesure de la satisfaction ?
Nous réalisons une enquête annuelle à froid auprès de 45 000 sociétaires. Les questions diffèrent selon les métiers et les canaux. Nous mesurons l'excellence avec le taux des très satisfaits (72 %) et extrêmement satisfaits (NDLR : la Maif ne communique pas ce chiffre). À l'issue de notre dernier plan stratégique dédié à la rénovation, nous avons introduit une prime collective réservée aux acteurs en contact avec le sociétaire, dont la moitié est liée à la qualité et repose sur les résultats de notre enquête de satisfaction.
Le big data concerne-t-il la Maif ?
Nous exploitons actuellement les résultats d'une expérience. Nous ajoutons à notre outil de GRS (gestion de la relation sociétaire) des données de nos autres systèmes d'information, qui nous éclairent sur le sociétaire, comme les derniers contacts et les derniers sinistres. À terme, nous souhaitons détecter les sociétaires qui ont essayé de nous joindre plusieurs fois sans succès. Car, en cas d'événement climatique exceptionnel, il nous arrive, malheureusement, d'être débordés.
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