Le centre de contact: un laboratoire des nouvelles façons de travailler
Au-delà des contraintes ergonomiques et écoresponsables, de mieux en mieux maîtrisées par les centres de contact, l'attractivité et l'individualisation des postes de travail apparaissent comme les nouveaux enjeux du flex office.
Alors que le tarif d'un siège de bureau s'échelonne de 150 à 800 euros, les outsourceurs et les acheteurs de centres de contact internalisés proposent une montée en gamme en termes d'aménagement des espaces de travail. Une multiplicité d'espaces "hors production", de bulles, de salles de détente a remplacé les salles équipées de quelques mange-debout intercalées entre des open spaces impersonnels et monotones. Si la gestion des chocs acoustiques via des limiteurs de bruit fixés au casque et les filtres destinés à limiter la fatigue oculaire ne font plus débat, "ce qui prime est désormais le ressenti", note Olivier Génuite, fondateur d'Elemens, spécialisé en design et architecture.
Lors de la création des chartes d'aménagement, les managers, les ressources humaines, les acheteurs et le comité social réfléchissent désormais au rapport de l'individu à la collectivité. Cela implique des analyses sociologiques pour répondre à la question suivante: comment les jeunes collaborateurs ont-ils envie de travailler? Il s'agit de traduire dans l'espace l'intelligence émotionnelle. Initiateurs de l'open space, du flex office, les centres de contact demeurent des laboratoires des nouvelles façons de travailler.
1. Impliquer les conseillers et managers
À l'heure de l'horizontalisation du management au sein de l'outsourcing, il s'avère primordial de coconstruire les espaces de travail avec les collaborateurs. Ainsi, l'entreprise Elemens a travaillé en partenariat avec l'assureur Axa, au sein d'un centre de contact marocain. Les conseillers ont été impliqués dans le projet d'aménagement, via un audit portant sur le travail en commun, l'ergonomie, les lieux de vie, la fluidification des informations et la conduite du changement. "Nous avons monté un groupe de pilotage, lequel comprenait des managers, le service ressources humaines, le service RSE et des téléconseillers, décrit Olivier Génuite, fondateur d'Elemens. Les invités devaient être les ambassadeurs du projet auprès de leurs collègues. Cela a très bien fonctionné." Trois ou quatre ateliers sont nécessaires pour impliquer les collaborateurs et leur transmettre un retour sur les éléments collectés, voire recueillir leurs réactions suite au prototypage.
2. Les standards du secteur en open space et flex office
Si la norme Afnor NF X 35-02 émet une simple recommandation concernant l'espace dont doit disposer chaque salarié (10 m2), l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) recommande pour chacun un bureau d'une largeur de 160 cm et une profondeur de 80 cm. Un chiffre nuancé par Jean-Luc Bertrand, fondateur de l'entreprise Materic, spécialisée dans l'aménagement des centres de contact: "En France, les postes de travail font 120 x 80 cm, ce qui entraîne la création d'espaces de coworking et de lieux de réunion ou d'échange informels."
Pour une bonne communication des téléconseillers avec leur interlocuteur, " l'ambiance sonore doit permettre un écart de 25 à 30 décibels entre le niveau ambiant et le niveau des conversations: pour un niveau sonore maximal autorisé de 80 dB(A) maximum pour une exposition quotidienne de 8 heures, il convient que le niveau ambiant ne dépasse pas 50 dB", recommande l'équipe d'Officiel Prévention, organisme privé dédié à la santé au travail. Jabra, Plantronics, Sennheiser, de nombreuses marques proposent des casques adaptés à ces exigences, équipés de limiteurs de bruit. Une enquête baptisée "Les troubles musculo-squelettiques dans un centre d'appels téléphoniques", menée auprès de téléopérateurs dans un centre du Grand Tunis en 2019 et publiée par le groupe Elsevier Masson, indique que 14,1% des collaborateurs jugent leur poste de travail non ergonomique, 73% trouvent le niveau sonore très élevé et 80% indiquent souffrir de troubles musculo-squelettiques.
3. Privilégier l'intelligence émotionnelle
La primauté est dorénavant donnée à l'attractivité. La multiplication des types de postes de travail sur un même plateau permet de valoriser chaque conseiller dans sa singularité et ses préférences. "Il importe que le conseiller se sente davantage dans un espace de coworking que dans un centre de contact", explique Olivier Génuite. Ainsi, il est intéressant de marier les bureaux assis-debout aux fauteuils munis d'une tablette, voire aux poufs ou aux canapés, à condition qu'une posture plus avachie ne nuise pas à la productivité ou à la clarté de la voix. "Le changement de position est plus aisé sur un grand canapé que sur un siège de bureau, ce qui permet à chacun de choisir ce qui lui convient en fonction de la tâche qu'il doit effectuer", indique Olivier Génuite. L'expert préconise quatre ou cinq types de sièges différents. Les fabricants Viasit, Eurosit ou Forma5, notamment, proposent ce type d'équipements. Cette organisation spatiale facilite également la création de liens différents avec le manager, lequel peut s'isoler ou se placer au centre de son équipe en fonction des situations.
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4. Allier ergonomie et réflexion RSE
Au-delà des économies énergétiques, le choix et l'utilisation de mobilier constituent l'un des principaux enjeux en matière d'écoresponsabilité. Le label NF Office Excellence Certifié, créé par l'Afnor, vérifie à la fois la qualité et les engagements sociétaux et environnementaux des fabricants de mobilier. À ce jour, 200 gammes de produits (bureaux, sièges, cloisons, meubles de rangement...) sont certifiées.
L'upcycling constitue une autre tendance. Jean-Luc Bertrand (Materic) a travaillé pour le site de Sitel situé à Romainville: "Nous avons réutilisé un maximum de mobilier existant au siège situé boulevard Haussmann à Paris, et l'avons remis au goût du jour, notamment en retapissant les banquettes, en redonnant de la couleur aux postes de travail. 80% du mobilier a été réutilisé", précise-t-il. Une logique à mettre en regard des exigences en termes d'ergonomie. "La réaction instinctive du conseiller par rapport à sa position de travail est primordiale, pointe Olivier Génuite (Elemens). Celui-ci perçoit instantanément si l'écran est bien en face de lui, suffisamment haut et distant." D'où l'importance d'une véritable conduite du changement: il convient de proposer des environnements innovants mais, avant tout, désirables.
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