[Tribune] Pas d'Intelligence Artificielle sans retour sur investissement
L'IA, bien qu'omniprésente dans la relation client, doit prouver son utilité par un ROI tangible. Un ROI qui, en plus d'être financier, doit aussi considérer les bénéfices stratégiques comme la transformation du centre de contacts en centre de profit.
Par Jean-Denis Garo, VP Product Marketing Odigo
En 2024, l'IA était omniprésente dans les projets de relation client, mais la question du retour sur investissement (ROI) reste encore la priorité absolue. Une analyse des demandes (RFP / RFI) met en lumière une tendance marquante : la recherche de solutions qui apportent un bénéfice mesurable et tangible. L'IA, si elle est vue comme une opportunité, est également un investissement dont les résultats doivent être prouvés par un ROI clair et rapide. En particulier parce que les projets d'IA sont souvent marqués du sceau de la peur de se tromper (FOMU, Fear of Messing Up).
L'IA appliquée à la relation client n'est pas nouvelle
L'intelligence artificielle sous sa forme actuelle - intégrant l'IA générative - ou dans ses modèles antérieurs (systèmes experts, IA symbolique, NLU, NLP, Machine Learning...) compte déjà de nombreux cas d'usages en production. Le premier chatbot date de 1966, et il s'appelait ELIZA. Créé par Joseph Weizenbaum, un chercheur au MIT (Massachusetts Institute of Technology), ELIZA était un programme conçu pour simuler une conversation en utilisant des règles simples de transformation de texte.
Le premier callbot, un bot appliqué aux interactions vocales, remonte aux années 1990. Ce système utilisait la reconnaissance vocale pour interagir avec les utilisateurs au téléphone et a été conçu pour des applications telles que la gestion des services clients et des requêtes simples. Le début des années 2000 voit se démocratiser le callbot avec l'émergence du self-service et l'usage du Machine Learning va accélérer son adoption courant 2010.
Les premiers digitalbot, permettant l'analyse des e-mails se perfectionnent avec le traitement du langage naturel (NLP) dans les années 2000. Bref, si la hype IA s'est emparée du secteur de la relation client, ce n'est pas un sujet nouveau, ce qui est nouveau c'est la multiplication des cas d'usages, en particulier lié à l'utilisation de l'IA générative qui ont revisité les projets de chatbot, callbot et digitalbot dès le début des années 2020 avec l'essor des modèles GPT-3 et -4.
L'IA : un potentiel indéniable, mais un critère financier qui domine
Déjà en 2018 dans son ouvrage de référence*, Thomas H. Davenport annonçait l'importance du ROI "L'intelligence artificielle permet aux entreprises non seulement de réduire les coûts, mais aussi de stimuler la croissance en permettant une personnalisation à grande échelle et en améliorant l'expérience client. Un ROI qui peut être mesuré rapidement." Ne soyons pas innocents, au-delà de l'objectif de satisfaction et personnalisation client, l'entreprise va principalement chercher à rationaliser ses coûts et optimiser ses performances.
Trois grands bénéfices tangibles peuvent être listés :
- L'IA va permettre, en premier lieu, de réduire le nombre d'interactions traitées par les agents, c'est le principe du self-service. L'IA générative améliore la qualité des réponses en répondant de manière plus contextuelle et personnalisée aux demandes des clients. À terme avec l'analyse prédictive et à la capacité de générer des recommandations proactives, l'IA pourra anticiper les besoins des clients avant même qu'ils ne les expriment.
- En second lieu, l'IA va réduire le temps de conversation des agents. Concrètement l'IA générative peut leur fournir des suggestions de réponses pertinentes en temps réel en analysant le contexte ou l'historique de la conversation et en consultant les informations issues de bases de connaissances. Les réponses sont préalablement approuvées, et renforcées par des documents proposés par l'IA en support à la conversation.
- Et enfin, l'IA va réduire le temps de traitement post-appels des interactions par les agents. L'IA peut transcrire automatiquement les conversations (speech to text) et générer des résumés, enrichir un CRM ou générer des rapports automatiques avec les informations idoines issues de la conversation. Ce qui évite à l'agent de devoir saisir manuellement ces informations et allège la charge administrative. L'IA est également capable d'automatiser les suivis post-appel, comme l'envoi d'e-mails ou de rappels pour des actions à venir.
Dépasser la simple mesure du ROI : vers un ROI durable et stratégique
Les entreprises ne peuvent plus se contenter d'innovations sans mesure concrète. Elles font face à la nécessité de justifier les investissements dans un contexte économique incertain et au besoin de présenter des résultats à court terme dans des secteurs très concurrentiels. Nul ne peut remettre en cause le rôle de l'IA comme catalyseur de changement dans les processus de relation client, il est toutefois nécessaire d'accompagner les entreprises dans la définition des indicateurs clés (DMT, CSAT, coût par contact...) et dans le suivi du ROI, pas seulement à la mise en oeuvre du bot mais tout au long de sa vie. D'ailleurs l'usage des consommateurs évolue très rapidement et ces outils doivent évoluer avec lui.
Le ROI de l'IA va, entre autres, permettre d'aborder la relation client différemment, nous assistons désormais à la transformation, depuis longtemps prophétisée, du centre de contacts en centre de profit. Selon Salesforce (State of service, 5e édition), 86 % des chefs d'entreprise pensent que le service client est en train de devenir une source de revenus stratégique.
Le ROI qui intègre à la fois les gains financiers et les bénéfices stratégiques se doit d'être un moteur d'adhésion et de succès pour l'IA dans la relation client. À ce titre, une approche métier est indispensable car le ROI et les indicateurs clés associés ne seront pas les mêmes selon les cas d'usage ou le secteur concerné qui soit banque, mutuelle, public, retail, etc.
* The AI Advantage : How to Put the Artificial Intelligence Revolution to Work, MIT Press Books (2018).
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