Fnac Darty, deux acteurs engagés dans la réparabilité des produits
Depuis plusieurs années, la durabilité des produits devient un engagement majeur pour Fnac Darty. Les deux distributeurs multiplient les initiatives. Régis Koenig, directeur de la politique services et de l'expérience client du Groupe, détaille leurs engagements RSE et sa vision du commerce.
Quelles sont les initiatives prises au sein du Groupe pour répondre aux enjeux RSE, notamment environnementales?
Nous sommes conscients que les produits techniques que nous vendons peuvent être très impactants pour l'environnement. Néanmoins, Darty possède un vrai ADN lié à la réparation et de l'allongement de la durée de vie des produits. Nous sommes le premier acteur du recyclage de gros électroménager. Côté Fnac, depuis 2012, nous avons développé le "Labo Fnac", lequel teste la qualité des produits des marques et délivre une note d'impact environnemental sur de nombreuses catégories de produits techniques (téléviseurs, smartphones, tablettes et PC), en totale indépendance. Depuis trois ans, nous avons accéléré sur ces problématiques via les informations destinées aux clients, la note de réparabilité, Darty Max, le baromètre du SAV...
En 2019, vous avez lancé "Le choix durable par Darty", une sélection de produits durables, où en êtes-vous?
Nous avons démarré par le gros électroménager, puis nous avons étendu la sélection au petit électroménager. Aujourd'hui, cela couvre 90 à 100 produits. La sélection se fait sur deux critères: la fiabilité, en nous basant sur les datas de notre SAV (2,5 millions d'interventions par an). Nous possédons de nombreuses informations sur les produits, la nature des pannes, leur fiabilité. Nous sommes ainsi capables de comparer les marques et articles entre eux. Le deuxième critère est leur réparabilité. Pour simplifier, et en attendant le futur indice de réparabilité qui sera mis en place au 1er janvier 2021, nous avons pris parti de tenir compte de la durée de disponibilité des pièces détachées. Nous essayons, dans chaque catégorie de produits, d'avoir 3-4 articles dans toutes les gammes de prix.
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Le 1er janvier 2021, l'indice de réparabilité sera obligatoire sur 5 catégories de produits (lave-linge, ordinateur portable, smartphone, télévision et tondeuse électrique). Comment appréhendez-vous cette nouvelle obligation?
Avec d'autres acteurs, "Halte à l'obsolescence programmée", "Les amis de la Terre" ou l'Ademe (l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), nous avons oeuvré pour que cet indice de réparabilité soit inscrit dans la loi et généralisé. Si nous voulons construire une économie plus durable et circulaire, la réparabilité est indispensable. La majorité des fabricants se sont également emparés du sujet à présent. Cet indice a été inspiré par les travaux que nous avons menés avec le Labo Fnac. Cependant, nous avons tous pris du retard avec la crise sanitaire, à commencer par les pouvoirs publics. Les textes, qui définissent comment cet indice de réparabilité doit être évalué ne sont pas encore finalisés. Par ailleurs, ce sont les constructeurs qui doivent communiquer aux distributeurs un indice de réparabilité que nous afficherons, en magasin et sur notre site web. Le délai paraît très court. Nous espérons que l'affichage se réalise au plus tard au premier semestre 2021 sur l'intégralité des produits.
Comment ces cinq catégories ont-elles été choisies?
Nous militons pour que 100% des produits disposent d'un indice de réparabilité. Néanmoins, nous avons dû faire des choix. Ces sujets nécessitent de nombreuses discussions entre les différentes parties prenantes, les ONG, associations de consommateurs, distributeurs et fabricants pour arriver à un consensus sur le calcul de cet indice. Ce travail doit être réalisé catégorie par catégorie. Parmi les critères, figure la disponibilité des pièces essentielles au fonctionnement de l'appareil, cela nécessite un travail de documentation et de normalisation. La sélection inclut les ordinateurs portables, car nous avions déjà réalisé les travaux via le labo Fnac. Les smartphones ont une durée de vie très courte, et beaucoup d'entre eux se cassent. Ensuite dans le gros électroménager, le lave-linge reste le produit qui génère le plus de volume. Enfin, pour les télévisions et les tondeuses, ces choix ont été soutenus par les fédérations de bricolage. Globalement, nous couvrons un panel assez large de produits aux usages et durées de vie différents.
Le petit électroménager n'est pas concerné, pourtant le prix de la réparation se rapproche souvent d'un produit neuf...
Le petit électroménager pose en effet problème. Il n'est pas possible de réparer un produit pour moins de 10 ou 20 euros. L'économie circulaire -dont la réparation fait partie- s'appuie sur une main-d'oeuvre locale avec des techniciens qualifiés. Cela nécessite un temps de diagnostic pour comprendre l'origine de la panne et la résoudre. Nous ne pouvons comparer ces coûts avec ceux de production très industrialisés, nécessitant assez peu de main-d'oeuvre et bon marché. Sur des produits à moins de 50 ou 60 euros, nous aurons ce problème. Pour le gros électroménager, nous arrivons à trouver des modèles économiques qui fonctionnent.
Vous privilégiez aujourd'hui la réparation, cela signifie moins de ventes. Réfléchissez-vous à un nouveau modèle économique?
Absolument. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère. Fnac et Darty sont des enseignes qui se sont créées sur la société de consommation. Elles existent toutes les deux depuis cinquante ans. Nous ne pouvons continuer à consommer de la même manière, sinon nous courons à une catastrophe planétaire. Chaque entreprise doit prendre ses responsabilités. Si nous voulons être présents dans 50 ans, il est indispensable que nous réinventions en partie les modèles économiques, plus proches d'une économie circulaire. Nous accélérons ainsi sur des modèles de revente de produits d'occasion, en plus de la réparation, pour rallonger leur durée de vie. C'est la seule solution pour réduire les déchets et les ressources que nous puisons dans la planète.
Que pèsent les ventes d'occasion sur votre activité? Avez-vous prévu de vous lancer sur la location longue durée?
Le marché de l'occasion reste encore petit mais en croissance: 42000 produits d'occasion vendus, soit +17% vs 2018. Nous proposons des offres de location longue durée pour l'électronique, avec une option d'achat à la fin. Cela répond à une clientèle assez précise. Les modèles de location s'adaptent à des usages en "pointillé" ou de durée courte. Nous avons lancé Darty Max, un service de réparation par abonnement pour le gros électroménager. Il a un peu l'avantage des deux mondes : l'achat d'un produit neuf ou d'occasion, et en parallèle vous payez un abonnement à la réparation. Il permet de réparer le gros électroménager de manière illimitée, pour 10 euros par mois, sans payer de frais supplémentaires. Nous avons également développé une communauté du SAV. Les clients peuvent poser des questions en cas de panne, soit à un autre consommateur qui a eu cette panne, soit à un technicien. Cela permet aux gens de se dépanner eux-mêmes.
La question du prix demeure-t-elle fondamentale?
Oui, mais les consommateurs sont prêts à payer 20 à 30% plus cher un produit, s'ils ont la certitude que celui-ci durera plus longtemps. Nous avons réalisé des études après la crise sanitaire, nous constatons une prise de conscience encore plus forte sur les enjeux écologiques et de réparation. Néanmoins, les acheteurs sont un peu perdus. Entre l'étiquette énergie, l'indice de réparabilité, la durée de disponibilité des pièces, nous devons les accompagner à travers toutes ces informations pour les aider dans leurs choix de consommation responsable.
Que change la nouvelle loi sur l'économie circulaire au sein du Groupe?
Nous allons avoir la mise en place de l'indice de réparabilité. Concernant la destruction des invendus, cela reste très marginal dans le Groupe. Nous avons une gestion plutôt saine de nos stocks. À part quelques produits saisonniers, les cahiers de vacances ou programmes scolaires, nous avons finalement assez peu d'articles qu'on ne vendra jamais ou qui sont périmés. Pour ces invendus, nous avons développé le don aux associations (139 000 produits neufs donnés). Nous ne changeons pas profondément nos pratiques, car nous étions déjà vertueux. En revanche, nous allons les faire évoluer pour répondre à ce qu'on imagine être la consommation future. Un des points qui nous pose problème aujourd'hui est la différence de traitement entre des acteurs comme notre Groupe et des pure player, notamment les plateformes internationales. Chaque jour, des dizaines de milliers de colis viennent directement de Chine et nous ne savons pas si ces produits respectent les normes européennes. Évidemment, elles ne payent pas de TVA ou de contribution pour le recyclage. Nous essayons d'assumer notre rôle de leader et d'emporter le marché avec nous. Cependant nous sommes aussi face à des constructeurs qui sont capables de casser les prix et de détruire toute cette chaîne de valeur. Il faudra être vigilant pour s'assurer que les contrôles sont réels pour ne pas anéantir tous nos efforts.
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