DossierOutsourceurs : de prestataires à partenaires
Si le coût reste le critère de choix pour les entreprises qui cherchent à externaliser leur relation client, ces dernières sont avant tout à la recherche d'une véritable expertise. Jusqu'à confier totalement à leur outsourceur, pour certaines, les rênes de ce poste de plus en plus stratégique.
Sommaire
- En mode collaboratif 1/3
- Une expertise incontournable 2/3
- L'outsourceur du futur : une business unit externe ? 3/3
- Tendre vers un même résultat
- Zoom - Pour Chronopost, deux prestataires valent mieux qu'un
- Zoom - Chez Okaïdi, l'externalisation se déploie à l'international
- Zoom - L'outsourcing connaît une décroissance
1 En mode collaboratif 1/3
"Coconstruction" : c'est par ce terme qu'Hélène Abraham, directrice générale adjointe en charge du commercial chez Hop ! - la compagnie régionale d'Air France - qualifie sa collaboration avec son outsourceur, Bluelink (filiale à 100 % d'Air France). Une étroite relation qui a débuté... avant même que la nouvelle compagnie aérienne ne voie le jour.
"Nous avons réfléchi à la conception de la relation client avant le lancement de la compagnie", révèle Aurélie Sutter, directrice déléguée communication et image de marque du groupe Bluelink. "Nous avons travaillé pour la première fois avec une agence de communication sur la stratégie de branding. Et dès le départ, nous avons formulé des propositions conjointes", ajoute Sylvie Ramaroson, directrice innovation et marketing du groupe Bluelink, soulignant combien il lui semble essentiel que ce que la publicité véhicule soit cohérent avec le discours client. Une démarche de coconstruction qui semble fonctionner : Hop ! vient d'être élue Service client de l'année 2015 dans la catégorie Transport collectif. Et la société travaille aujourd'hui "à un projet de coconstruction sur le traitement des réservations pour les familles", rapporte Hélène Abraham (Hop !). Un bel exemple, qui montre qu'un outsourceur peut devenir un véritable partenaire.
Si, pendant de longues années, l'externalisation était synonyme de réduction des coûts, faire appel à un outsourceur consiste à voir plus loin, aujourd'hui. "Les prestataires sont des pure players de la relation client. Par rapport aux enjeux et aux évolutions du métier, ils sont en première ligne. Pour eux, ce n'est pas un sujet parmi d'autres", souligne Laurent Uberti, président du SP2C*. L'expertise est en effet - avec la flexibilité - citée comme critère prioritaire. Experts en relation client, les prestataires sont à même de proposer des solutions qu'il serait impossible pour une entreprise de mettre en oeuvre toute seule en interne.
" Recrutement, formation, outils informatiques, organisation des plannings, etc. Les outsourceurs possèdent de nombreuses compétences qui leur permettent d'assurer une gestion de la relation client multicanal, insiste Franck Diego, directeur commercial de Mezzo. De plus, la relation client évolue rapidement, que ce soit d'un point de vue technique ou organisationnel, et une entreprise peut vite se retrouver dépassée. "
* Laurent Uberti est l'ex-président du SP2C.
Si, pendant de longues années, l'externalisation était synonyme de réduction des coûts, faire appel à un outsourceur consiste, aujourd'hui, à voir plus loin. Grâce à l'expertise de ce dernier, et à condition de travailler conjointement avec lui.
2 Une expertise incontournable 2/3
"Nous estimons que d'ici un ou deux ans, 12 % des contacts passeront par Facebook, rapporte Vincent Bernard, codirecteur général de Webhelp. Or, la méthode de traitement est différente. Il faut donc des spécialistes de cet univers pour élaborer une stratégie." Sans parler des outils spécifiques à implémenter. "Les enjeux technologiques sont pointus aujourd'hui, note Jean Reignier, p-dg de Comearth. Nous souhaitons offrir des solutions robustes, fiables, à la fois multicanal et aptes à communiquer avec le système informatique du client." Une tendance confirmée par le président du SP2C, Laurent Uberti* : "Les outsourceurs sont tout à fait à la hauteur pour accompagner les consommateurs là où ils sont, quel que soit le canal. Même sur les réseaux sociaux : ils ont la capacité de gérer des messages en one to one mais également en one to many. Ils apportent aussi une expertise d'industriel : ils savent gérer les flux, quel que soit le canal ou l'univers."
Cette expertise est en grande partie liée à l'expérience des outsourceurs. Évoquant la mise en place d'un centre de relation client pour la Fondation Louis Vuitton dans un délai d'un mois seulement, Aurélie Sutter (Bluelink) sourit : "Il faut du métier, de l'expérience, des partenaires... Notamment pour trouver les profils adaptés, le client ayant exigé de fortes compétences en histoire de l'art." Par ailleurs, une expérience réussie avec un client bénéficie automatiquement aux autres comptes gérés. Grégoire Vigroux, directeur marketing de Telus International Europe, rapporte le cas d'un nouveau service de management de la production qui a été mis en place pour un e-commerçant et qui a, par la suite, été déployé pour d'autres sociétés du même secteur.
Dernière expertise, de plus en plus recherchée désormais: la capacité des outsourceurs à accompagner les grands groupes internationaux sur la multitude de pays qu'ils couvrent. "La dimension européenne, notamment, est devenue essentielle: les grandes marques réfléchissent davantage à la mise en place d'une relation client plus homogène et plus organisée", observe Vincent Bernard (Webhelp). Ludovic Nodier, directeur général de Viséo Conseil, dit assister à la montée en puissance d'appels d'offres transnationaux : "Cela répond avant tout à une logique de mutualisation et donc de réduction des coûts. Mais les entreprises sont également à la recherche d'outils homogènes à travers les différents pays ainsi que de critères identiques pour comparer les pays entre eux." Conscients de cette évolution, les outsourceurs s'internationalisent et possèdent, pour certains, une ou plusieurs antennes à l'étranger capables d'adresser d'autres marchés que la France. "Alors que nous proposions quasi-uniquement des prestations à l'off-shore, nous commercialisons désormais du bestshoring, c'est-à-dire la localisation la mieux adaptée pour le client : du petit budget à Madagascar ou du multilingue en Roumanie", précise Vincent Bernard (Webhelp).
Tchats, réseaux sociaux, applications mobiles... autant de nouveaux canaux de la relation client qui exigent des process et des outils différents, que se doivent de maîtriser les outsourceurs.
3 L'outsourceur du futur : une business unit externe ? 3/3
"Les clients recherchent une capacité à les conseiller, à être force de proposition, à innover. Nous veillons tout au long de la collaboration à proposer des solutions innovantes et contributives en valeur client. Le plus gratifiant, c'est quand une société accepte de suivre nos recommandations", s'enthousiasme Jean Reignier, p-dg de Comearth, donnant l'exemple de Malakoff Médéric, qui a accepté de tester un centre d'appels spécifique pour sourds et malentendants.
Chez les clients de Bluelink ou encore de Mezzo, des comités semestriels sont organisés pour parler non pas de problématiques opérationnelles, mais de stratégie et d'innovation. "L'objectif de ces comités est d'amener la marque dans un contexte plus vaste de tendances en relation client, de trouver des pistes intéressantes et de les mettre en place", affirme Sylvie Ramaroson (Bluelink). Elle cite notamment la mise en place de pilotes "test and learn" à l'issue de ces comités. "Si le test est positif, on déploie ; sinon, nous arrêtons." Cela peut servir à tester le tchat, un nouveau discours client ou encore un changement de processus transactionnel. "Lors de ces comités, les décisionnaires se rencontrent pour parler de l'évolution du marché et de la relation client, complète Franck Diego (Mezzo). Nos clients ont besoin d'un prestataire qui ait une vision stratégique de leur secteur d'activité et qui puisse anticiper les nouvelles lois, les nouveaux outils, les nouveaux indicateurs... Notre métier est ainsi valorisé : nous devenons le prolongement de l'activité de nos clients. " C'est notamment ce que Grégoire Vigroux, directeur marketing de Telus International Europe, appelle le "BPI", pour "Business process intelligence". "Le modèle de simples exécutants qui ont un process imposé s'essouffle ; nous sommes aujourd'hui des partenaires à forte valeur ajoutée", assure-t-il.
4 Tendre vers un même résultat
Arnaud de Lacoste, directeur général d'Acticall, se prend même à rêver du prestataire comme d'un véritable département de l'entreprise cliente. "Dans l'avenir, l'outsourceur s'occupera du programme relationnel dans sa globalité, incluant même des notions de marketing. Davantage de tâches lui seront confiées mais cela sera assorti d'une exigence de résultat global, explique-t-il, faisant remarquer que le marché français de la relation client n'est pas dans une logique gagnant-gagnant. En caricaturant un peu, pour le client, les flux d'appels doivent baisser, tandis que pour l'outsourceur, ils doivent augmenter. Il faudrait travailler dans une logique de client final et avoir une vision commune du résultat. Et la seule façon de lever ce doute est d'aller vers une logique de résultat et non pas de moyens." Avec certains clients, Acticall bénéficie de plus d'autonomie et décide des moyens à mettre en place en fonction de ses prévisions de volumes d'appels. Même si Arnaud de Lacoste regrette que ne soit pas encore déléguée l'intégralité de la relation client : commercialisation, gestion des bases de données, des clients...
Le chemin vers une véritable relation de "business partners" reste encore long : "Les contrats des prestataires encouragent davantage à un maximum d'interactions qu'à la résolution au premier contact, observe Ludovic Nodier (Viséo). Les indicateurs sur lesquels sont rémunérés les outsourceurs sont quantitatifs mais pas qualitatifs." Il note cependant qu'une évolution s'opère. Ce que souligne Laurent Uberti (SP2C) : "Les outsourceurs font désormais face à un enjeu de ROI important. Les marques souhaitent gérer au mieux la relation avec les clients, afin de ne pas les perdre, mais aussi de les faire consommer mieux et plus. La responsabilité des outsourceurs porte sur cet enjeu majeur de fidélité, qui est encore plus vital avec la crise." Vincent Bernard (Webhelp) regrette, de son côté, que les outsourceurs ne soient pas davantage intégrés à la prise de décision. "En Grande-Bretagne, des dirigeants de Webhelp assistent aux comités de direction des clients", rapporte-t-il. "Nous essayons de nous adresser aux directions marketing mais ce n'est pas simple, ce n'est pas dans la culture, en France", note par ailleurs Sylvie Ramaroson (Bluelink). Gageons que Hop ! fera des émules auprès d'autres donneurs d'ordres.
Au travers de conseils, les donneurs d'ordres sont de plus en plus friands d'expertise. Libre à eux, par la suite, de donner suite ou non aux pistes avancées.
Panorama de l'activité des outsourceurs
Télécharger le panorama au format PDF, en haute définition
À noter : Certains outsourceurs, membres du SP2C, n'ont pas souhaité communiquer de données qualitatives et sont donc absents du panorama. Ils ont uniquement indiqué le chiffre d'affaires 2013, le nombre de sites, et le nombre de positions.
À découvrir également, Les chiffres d'affaires des outsourceurs en 2013 et leurs capacités
Ce panorama a été réalisé par Relation Client Magazine à partir d'un questionnaire envoyé à une sélection de 25 outsourceurs en octobre 2014. En l'absence de réponse, les entreprises ont été relancées plusieurs fois par e-mail et par téléphone.
5 Zoom - Pour Chronopost, deux prestataires valent mieux qu'un
" Nous étions à la recherche de flexibilité mais aussi d'expertise ", indique Frédéric le Baron, responsable du pôle expérience client de Chronopost. C'est Webhelp qui est sélectionnée, notamment pour sa capacité de conseil. Le prestataire (entre 150 et 170 conseillers) est en charge de la gestion des appels des comptes particuliers et, depuis 2013, d'une activité d'appels sortants proactive afin de prévenir les clients de problèmes de livraison. " Cette dernière activité a été construite de toutes pièces avec notre prestataire. Nous l'avons testée pendant trois mois avant de la généraliser ", explique Frédéric le Baron.
Cette première expérience d'externalisation étant réussie, la société a choisi de travailler avec un deuxième prestataire, Eodom, qui a la charge des interactions écrites (e-mails, courriers, réseaux sociaux). " Cette compétence à l'écrit est rare. Eodom nous a convaincus de sa capacité à répondre à nos attentes. Et son modèle d'homeshoring, c'est-à-dire du télétravail avec un statut d'indépendant, qui offre beaucoup de souplesse, nous a séduits ", rapporte Frédéric le Baron. Entourée de ses deux prestataires, la société adopte désormais une démarche d'amélioration continue afin de faire face à la demande client, qui se complexifie : avec l'avènement du digital, les seules personnes qui contactent encore le centre de relation client sont celles qui ont des problèmes difficiles à résoudre.
Afin de soutenir l'activité de ses trois centres de contact internes (250 conseillers), Chronopost a lancé, il y a quatre ans, une première démarche d'externalisation.
6 Zoom - Chez Okaïdi, l'externalisation se déploie à l'international
Pour trouver l'outsourceur adéquat, Okaïdi a identifié des critères incontournables :
- des conseillers qui s'expriment dans leur langue maternelle ;
- la multiplicité des canaux de contact ;
- un process d'amélioration continue fort ;
- la fluidité des échanges.
Après un appel d'offres, le choix se porte sur Mezzo. "L'ouverture récente d'un centre à Barcelone, ville dans laquelle nous sommes implantés, nous a séduits. Cela nous permet d'avoir une relation continue avec notre outsourceur et de prévoir des échanges entre les équipes magasins et les équipes Mezzo", indique Lorène Druelle, responsable animation client chez Okaïdi. Car, depuis le début de leur collaboration en juillet 2013, la relation entre Okaïdi et Mezzo est très étroite.
Chez Okaïdi, une personne s'occupe à temps plein de l'animation des équipes (une douzaine de personnes) de Mezzo. Et les contacts sont quotidiens, afin de rebondir face à des problématiques rencontrées par les conseillers clientèles ou à la vue d'indicateurs préoccupants. Des points hebdomadaires permettent de dresser des bilans réguliers et des réunions trimestrielles donnent lieu à des réflexions plus stratégiques. "Lors de ces comités stratégiques, Mezzo est force de proposition par rapport à des tendances vues chez d'autres clients, tandis que nous les challengeons pour améliorer l'activité, explique Lorène Druelle. Nous attendons de notre outsourceur qu'il ait un regard critique sur celle-ci afin de progresser ensemble au service de la satisfaction de nos clients."
Présente aux quatre coins du monde, l'enseigne de vêtements pour enfants Okaïdi supervise son programme de relation client au niveau européen. La société se lance dans la recherche d'un outsourceur capable de l'accompagner à l'international.
7 Zoom - L'outsourcing connaît une décroissance
L'activité française connaît une baisse, encore plus significative, de 3,4 % de son CA (1,62 milliard d'euros en 2013), au profit de l'activité off-shore qui est, malgré tout, marquée par un ralentissement de croissance (+ 3,5 % vs 13,5 % l'année précédente). "Ce secteur, qui existe depuis 30 ans, a toujours connu une croissance forte, à deux chiffres", commente Laurent Uberti, président du SP2C*.
Toujours selon le Baromètre annuel des outsourceurs SP2C / BearingPoint, le chiffre d'affaires de l'outsourcing français (France et off-shore) ne suit pas la tendance de croissance d'autres pays (+ 2,3 % en Allemagne, + 12,1 % en Chine). Un marché en berne, qui voit aussi l'emploi régresser en France (- 6 %) et au global (- 0,9 %). À l'off-shore, il augmente de 5,7 %.
Entre 2012 et 2013, le chiffre d'affaires global (France et off-shore) des acteurs a reculé de 1,7 % (2,22 milliards d'euros). C'est la première fois que le marché français des outsourceurs rencontre une décroissance.
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