Outsourcing: Madagascar n'est pas l'eldorado escompté
Attention aux effets de mode concernant les pays d'implantation des outsourceurs et à la cannibalisation du marché, prévient Dominique Decaestecker, directeur général centres de contacts d'Arvato.
Concentration du marché et guerre des prix: ces deux tendances sont-elles toujours d'actualité?
La bataille tarifaire est toujours présente, malheureusement, malgré une concentration des acteurs. Cette concentration ne devrait pas continuer à s'accentuer car les cinq principaux clients de l'outsourcing possèdent de tels volumes à externaliser qu'ils font appel à l'intégralité du top 5 des prestataires afin de répartir les risques.
Une plus forte concentration des acteurs du top 5 risquerait d'amener une cannibalisation des volumes. Cependant, en début d'année, nous avons assisté à des reprises de sites internes. Cette tendance peut se développer dans l'avenir.
- Quelle est votre vision de l'évolution des métiers de l'outsourcing?
Les opérateurs de télécommunications viennent chercher chez nous une capacité de production et apportent leurs process, leurs outils. Les nouveaux clients, au contraire, sont en attente de conseils. Ainsi, nous devenons des apporteurs de solutions globales, en termes d'organisation, d'outils, d'innovation et de management global.
- Où en est le développement d'Arvato?
Le groupe Bertelsmann, auquel appartient Arvato, est né en 1835 et a développé de nombreuses activités dans la presse, l'édition et la télévision. Arvato était initialement un groupement d'intérêt économique (GIE) interne destiné à gérer l'ensemble des bases de données internes, la logistique et la relation client des autres divisions.
Il y a une cinquantaine d'années, l'équipe chargée de cette activité a décidé de se confronter au marché et a commencé à travailler pour des clients hors du groupe. Arvato est désormais la deuxième division de Bertelsmann en termes de chiffre d'affaires, avec plus de 4 milliards d'euros de CA (dont 433 millions d'euros pour la France).
Nous nous adressons à de nouveaux secteurs, notamment le healthcare. Ce secteur est en pleine transformation: l'industrie pharmaceutique était auparavant séparée des répartiteurs, des pharmaciens et des patients. On assiste de plus en plus à une volonté de créer un lien direct entre l'industrie pharmaceutique et le patient, en s'affranchissant du mode de distribution historique. Nous avons ainsi développé une plateforme pour gérer les relations entre les mutuelles, la Sécurité sociale, le laboratoire pharmaceutique et le patient, sans passer par un pharmacien.
- Quels sont vos relais de croissance et les pays les plus porteurs pour votre activité?
Les États-Unis, l'Amérique latine et l'Asie sont les trois relais de croissance les plus importants. Arvato est très présent en Europe mais la croissance concerne surtout la Chine, pour son fort potentiel, et les États-Unis, car nous y sommes peu présents. Nous sommes en train de déployer une stratégie de clients globaux, notamment dans l'e-commerce, le high-tech et les réseaux sociaux, et exportons en Chine et aux États-Unis pour ces clients l'expertise que nous avons acquise en Europe.
- Comment est financé Arvato?
Bertelsmann demeure un groupe familial. Il y a quelques années, alors qu'Albert Frère avait souhaité introduire les 25% de parts qu'il possédait en Bourse, Bertelsmann a choisi de faire valoir son droit de préemption avant la mise en Bourse. Aucun fonds d'investissement n'est présent chez nous. Notre taux d'endettement est assez faible est extrêmement maîtrisé. Arvato est plutôt considéré comme un axe de croissance fort au sein de Bertelsmann et le groupe ne témoigne pas de volonté de changer son organisation juridique ou capitalistique.
Il n'est pas si simple de développer une activité de relation client de qualité à Madagascar.
- Quelle est votre actualité récente et quels sont les mouvements du secteur qui vous interpellent?
Arvato a privilégié l'Afrique subsaharienne (Sénégal et Côte d'Ivoire) à Madagascar. Nous sommes enchantés de la qualité de la prestation fournie par ces deux bassins d'emplois. Madagascar est aujourd'hui perçue comme le nouvel eldorado de la relation client. Je demeure très circonspect et pense qu'il n'est pas si simple de développer une activité de relation client de qualité dans cette zone. En effet, le pays ne compte qu'un million de francophones. Il faut diviser ce chiffre par trois ou quatre pour obtenir le nombre de personnes dont le niveau de français est assez bon pour échanger avec des clients. À cela, il convient d'ajouter le décalage horaire, la longueur du trajet pour s'y rendre, les problématiques sanitaires et de sécurité.
- Quels sont vos ambitions et vos projets?
Je n'ai pas d'ambitions liées à la croissance du chiffre d'affaires mais plutôt en termes de transformation de notre business model. Si je devais nous fixer un objectif, j'arrêterais de facturer des heures, au profit d'un pourcentage de la création de valeur. C'est un espoir qui ne sera pas réalisé d'ici quatre ans mais qui doit demeurer un graal pour bien orienter l'ensemble de nos actions.
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