Les solutions prédictives à la portée de tous
Très souvent utilisées lors de campagnes de télémarketing, les solutions prédictives sont désormais présentes dans plus d'un tiers des centres de contacts en France. Avantage : un gain de productivité par rapport à un simple composeur d'appels. Et les utilisateurs ont désormais le choix… même si la mise en pratique requiert quelques précautions.
L'ère des appels sortants, souvent identifiés comme des “rafales
téléphoniques” durant les années 90, a vécu. Longtemps perçues comme du
télémarketing agressif, ces campagnes ont dû s'adapter, en parallèle à
l'évolution des solutions technologiques. A la fin des années 90, succédant
aux composeurs d'appels traditionnels, sont apparues en France des solutions
prédictives permettant d'améliorer la productivité des centres d'appels par la
composition des numéros en fonction de la disponibilité des agents. « Une
solution prédictive se base sur un algorithme qui permet de calculer en temps
réel le taux d'appels décroché, la durée moyenne des entretiens et le nombre
disponible d'agents à un instant donné. Ce type de solution élimine dans le
même temps les faux numéros, les fax, et recompose les numéros occupés »,
explique Caroline Plaignaud, manager général France de Noble Systems. Quatre
grandes familles d'éditeurs/constructeurs sont positionnées sur le marché. Il
existe, en effet, des modules de serveurs propriétaires ACD externes : EADS
Télécom, ProCenter de Siemens ou Avaya proposent ces offres qui se limitent, en
général, au mode preview ou power dialing (encadré p.109). Dotées d'une plus
grande fonctionnalités, les plates-formes dédiées à l'émission d'appels
considérés comme “dialers spécialisés” sont proposées par Concerto Software,
SER ou Avaya. Dans la catégorie des solutions reposant sur un PCBX, Noble
Systems, Vocalcom, Voxco, PGS, COM2i, CBC Développement font figure de
références; le plus important fournisseur sur le plan mondial étant Interactive
Intelligence. Enfin, à ne pas oublier: les modules sur serveur CTI, avec
Genesys, Altitude Software, Cisco, Avaya IC, Aspect CC Server ou encore
NetCentrex et Oracle. « Historiquement, la famille des PCBX possède une
connaissance plus approfondie au niveau des campagnes sortantes, notamment sur
les appels prédictifs. Cette petite avance tend à se confirmer encore
aujourd'hui», souligne Myriam Ghedas, Service & Training Manager de
Vocalcom.
Des téléopérateurs en première ligne
Avec
une solution prédictive, l'objectif clairement affiché d'un centre d'appels est
de maximiser le temps de parole d'un téléopérateur durant ses heures de
travail. L'efficacité est généralement mesurée en temps passé en communication
par un agent. « Pour une campagne d'appels sortants, avec un composeur d'appels
en numérotation manuelle et un fichier papier, le temps moyen d'un
téléopérateur est de vingt à vingt-cinq minutes. En numérotation automatique,
le temps passé approche quarante minutes et l'utilisation d'un solution
prédictive lui permet de tenir de cinquante à cinquante-cinq minutes par heure
», souligne Thierry Le Floch, P-dg de PGS. Même si ce gain semble considérable,
il est cependant étroitement lié à la qualité du fichier utilisé, à la cible
visée, aux heures d'appels, au temps de conversation de chaque appel, etc. Il
n'existe à ce jour, aucune méthodologie officielle qui permettra de mesurer et
de comparer ce gain en fonction de la performance des algorithmes des
différents éditeurs. En revanche, il est intéressant de constater que les
fonctionnalités induites des solutions prédictives sont intimement liées aux
capacités de travail des téléopérateurs. « Il apparaît illusoire d'évacuer tous
les moments d'attente entre les appels, remarque Claude Biton, P-dg de CBC
Développement. Certes, avec ce type de solutions, les compétences des
téléopérateurs sont mises en valeur, avec la possibilité de donner la pleine
mesure de leurs talents de vendeurs. D'ailleurs, une solution prédictive est un
bon moyen de fidéliser ses télévendeurs. Technologiquement, nous sommes en
mesure d'approcher les 100 % de temps d'occupation durant une heure de travail.
Pour autant, ces solutions ont tendance à épuiser les téléacteurs. Il est dont
nécessaire de formaliser des temps de pause ». A noter également le rôle
important joué par une solution prédictive dans sa capacité à optimiser les
ressources humaines. En effet, le mode prédictif peut être utilisé dans les
moments creux d'un centre d'appels et contribuer ainsi à mieux répartir la
charge de travail. Dans le même sens, il n'est pas rare de mixer les appels
entrants et sortants en fonction du temps d'occupation des agents. « Ce call
blending permet d'optimiser la productivité en nivelant les périodes de forte
et de faible activités », constate Caroline Plaignaud. A noter encore la
possibilité, dans certains cas de figure, de se servir de campagnes de
réception d'appels et, en fonction du niveau de qualification, d'effectuer des
appels sortants en mode prédictif. Enfin, compte tenu de la charge et du rythme
effréné des campagnes sortantes, un travail significatif, tant sur la formation
que sur la pédagogie, doit être opéré de la part des manageurs. D'ailleurs, il
est courant de voir les agents les plus expérimentés et les mieux formés
rattachés à ce type de campagne.
Attention aux dérives
La notion d'agent disponible est très importante, puisque
les solutions prédictives sont en mesure de surnuméroter des appels en fonction
de cette disponibilité, toujours dans le but de rendre le téléopérateur actif.
« Cette surnumérotation est intéressante pour la productivité des
téléconseillers, néanmoins elle pose le problème des communications coupées »,
remarque Thierry Le Floch. En effet, en poussant un peu trop loin la
surnumérotation, le predictive dialer “raccroche” une communication qui n'a pas
encore commencé pour le destinataire, puisque aucun téléopérateur n'est
disponible. Myriam Ghedas préconise alors « de laisser un message alertant le
client qu'une personne essaie de le joindre, afin d'éviter une tonalité
beaucoup plus désagréable». Ce risque d'appel raccroché (ou abandonné), avant
même d'avoir débuté, les Etats-Unis l'on en parti résolu. Depuis 2002, en
Californie, est entrée en application une loi visant à limiter les campagnes
d'appels sortants et, par conséquent, les predictive dialers. Le pourcentage
mensuel de cas où le destinataire de l'appel décroche et où, soit le
predictive dialer raccroche, soit le destinataire ne se trouve pas en
communication avec un téléconseiller dans les deux secondes suivant sa phrase
d'accueil, ne doit pas dépasser 1 %. En parallèle, une liste de consommateurs a
été créée, dénommée DNC (Do Not Call) elle garantit la non-sollicitation par
téléphone. En France, point de loi en vue, qui s'apparente de près ou de loin à
celle des Etats-Unis, même si le consommateur peut choisir d'être sur Liste
Orange afin de ne pas recevoir d'appels commerciaux. Le destinataire des appels
a la possibilité de porter plainte pour harcèlement téléphonique. L'auteur des
appels peut ainsi être poursuivi devant le tribunal correctionnel, au titre de
l'article 222-16 du nouveau code pénal, selon lequel “les appels téléphoniques
malveillants réitérés ou les agressions sonores, en vue de troubler la
tranquillité d'autrui, sont punis d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros
d'amende”.
Qui sont les utilisateurs ?
Se servir
d'une solution prédictive ne se fait pas à la légère et doit se justifier, tant
d'un point de vue organisationnel que stratégique. « Il faut faire attention à
ne pas jouer les apprentis sorciers avec les predictive dialers. Ils se
justifient très souvent lorsque l'on sait qu'il existe un déchet important
avant de joindre une voix humaine », commente Claude Biton. Ainsi, des
campagnes en mode prédictif se justifient pleinement en B to C et beaucoup
moins dans l'univers B to B. « D'autre part, il est grand temps d'arrêter
d'opposer la numérotation prédictive à la qualité des appels sortants. Ce mode
est parfaitement en mesure de donner les moyens aux téléopérateurs de disposer
d'un temps suffisamment long pour exposer leurs argumentaires de vente»,
poursuit Claude Biton. Il suffit alors d'apporter les réglages nécessaires pour
ajuster le temps de parole en fonction des scripts préétablis. Aussi, pour
tirer la pleine mesure d'une solution prédictive, il est nécessaire de disposer
d'au moins une dizaine de téléopérateurs disponibles avant de lancer une
campagne d'appels sortants. « L'efficacité de telles solutions est
difficilement quantifiable et surtout appréciable en dessous d'une dizaine de
téléopérateurs, puisque le calcul des algorithmes s'appuie en partie sur le
nombre d'agents susceptibles de traiter les appels sortants. Plus le nombre
d'agents (libres ou non) est important, plus la solution sera en mesure
d'enchaîner les appels successifs », préciseThierry Le Floch. Pour
augmenter l'efficacité de campagnes d'appels sortants en mode prédictif,
quelques règles doivent être suivies. A commencer par la qualité du fichier
source des données sur lequel repose la campagne. Trop souvent sous-estimée, la
qualité des numéros de téléphone est un élément déterminant sur l'efficacité
des campagnes d'appels en mode prédictif. Dans une moindre mesure, le créneau
horaire peut avoir des conséquences, sans oublier bien sûr, la cible visée par
la campagne. Enfin, il convient de ne pas sous-estimer non plus l'image
colportée par les campagnes de télémarketing, susceptibles d'être perçue comme
du harcèlement aux yeux des consommateurs. « Le phénomène de lassitude ou
d'agacement des consommateurs résulte de la façon de traiter les fichiers. Il
faut se fixer au moins comme règle minimum de ne pas rappeler un même contact
avant deux ou trois mois; ce qui sous-entend bien sûr de garder la trace de
l'historique de tous les appels sortants », remarque Myriam Ghedas. Avec la
multiplication des canaux de communication et donc, les possibilités plus
grandes pour un client d'être contacté, la nuisance occasionnée par “l'appel
téléphonique de trop” peut avoir des retombées négatives sur l'image de marque
d'une entreprise. A ce sujet, la profession des centres de contacts semble
partagée. Certains considèrent que le seuil de tolérance des consommateurs est
loin d'être atteint, et d'autes condamnent les abus au risque de scier la
branche sur laquelle la profession est en partie assise. Un juste équilibre
est à trouver… avant que d'éventuelles lois viennent un jour régir ce type de
campagnes.
Les solutions prédictives face aux répondeurs
Une des limites des solutions prédictives se situe au niveau de la détection des répondeurs, réalisée par des microprocesseurs qui traitent les signaux en distinguant la parole humaine des autres sons. Trois critères sont propres aux répondeurs : un signal avec contrôle de gain, une activité vocale dès l'établissement de la communication et un signal long (propre au message d'accueil). Ce troisième critère a l'inconvénient d'allonger le temps d'analyse de plusieurs secondes avant d'établir la communication avec un agent. Il est donc difficilement exploitable, sous peine de voir le destinataire “laissé dans le vide” raccrocher avant. Les éditeurs de predictive dialers sont très prudents sur la fiabilité de cette fonction. De plus, il n'existe ni méthode de test normalisé, ni résultats chiffrés qui permettent d'évaluer, dans des conditions réelles, le taux de détection d'une personne humaine pour un répondeur, ou de répondeur pour une personne humaine.