Recherche

Gilles de Robien (Maire d'Amiens) : « En tant qu'élu, je m'adapterai aux évolutions du marché »

Pour le député-maire (UDF) d'Amiens, l'activité des centres d'appels n'a pas fini d'évoluer dans le bon sens : métiers à valeur ajoutée, formation accrue, reconnaissance des pouvoirs publics. Reste à soutenir le dialogue entre les partenaires sociaux, credo de l'élu picard. Bilan et perspectives d'une stratégie locale.

Publié par le
Lecture
6 min
  • Imprimer

Pourquoi avoir créé les conditions favorables à l'implantation de centres d'appels ?


Toutes les villes sont soucieuses de leur emploi. Les centres d'appels se développaient en Grande-Bretagne, en Irlande et il n'y avait aucune raison pour que nous ne bénéficiions pas de cette nouvelle vague. Il fallait alors créer un dispositif complet afin de pouvoir accueillir les centres d'appels.

Votre objectif annoncé il y a deux ans était la création de 2 000 emplois. Qu'en est-il aujourd'hui ?


Au 1er janvier 2001, nous avions créé 1 540 emplois. 1 500 personnes qui ont été formées et reçoivent chaque mois un salaire. On espère atteindre d'ici la fin de l'année prochaine 3 000 emplois. Le rythme se situe actuellement entre 100 et 150 créations par mois. C'est l'équivalent de ce qu'a fait Toyota à Valenciennes, mais on en parle beaucoup moins. Notre objectif étant de proposer des débouchés locaux et de faire en sorte que les gens puissent rester à Amiens.

Cela a-t-il des répercussions sur la vie quotidienne des Amiénois ?


L'emploi crée du pouvoir d'achat, qui profite à l'ensemble du tissu économique. Néanmoins, il ne faut pas exagérer la place des centres d'appels. C'est surtout en termes d'image que le changement est le plus marquant. Nous avons choisi pour accueillir cette nouvelle activité les plus beaux locaux, en centre ville ou à proximité. Ce qui donne une touche de modernité à une ville très connotée production industrielle. 1 500 personnes se sont recyclées dans les technologies modernes comme la téléphonie et l'informatique, dans des environnements de travail différents des ateliers.

La Zone Franche a-t-elle favorisé l'implantation des centres d'appels ?


Oui, beaucoup. A titre d'exemple, le premier centre d'appels s'est installé dans la Zone Franche avec deux personnes. Cette entreprise compte actuellement 290 salariés. Amiens compte maintenant douze centres d'appels.

Qu'en est-il de la surface disponible ?


Nous construisons de nouveaux locaux et rénovons entre 5 000 et 10 000 m2 par an. On espère garder ce rythme.

Amiens n'est donc pas saturée comme on l'entend dire ?


Non ! Et ça ne sera pas le cas tant qu'il y aura du chômage. On essaiera par ailleurs de développer des métiers complémentaires aux centres d'appels, avec de la valeur ajoutée. Des métiers techniques, des postes d'ingénieur ou encore des compétences dans la banque ou l'assurance. On aura alors diversifié la branche.

Vous misez donc sur une qualification de plus en plus élevée ?


C'est mon souhait. Ce métier a une mauvaise image à cause du télémarketing. Mais il a beaucoup évolué.

Comment changer cette image désastreuse ?


A Amiens, nous avons développé deux axes : une école de formation et un bureau de recrutement. Nous recevons des centaines de personnes de manière à pouvoir fournir des profils adéquats aux entreprises. On oriente la formation afin de faciliter la tâche des employeurs potentiels.

Pour Paris, on parle de "durée de vie" et non plus de turn-over. Qu'en est-il à Amiens ?


On ne parle pas de turn-over à Amiens. On parle de stabilité, au contraire.

Comment voyez-vous l'évolution des centres d'appels pour les trois ans qui viennent ?


Ce sont aux professionnels d'y répondre. Moi, en tant qu'élu, je m'adapterai aux évolutions du marché. Les entreprises qui feront cette évolution trouveront des partenaires pour les accompagner. Je facilite les choses, c'est tout.

En revanche, l'homme politique peut-il agir sur les conventions collectives ?


On peut agir dans ce domaine. Il y a le rôle des partenaires sociaux, d'une part, et le rôle du législateur d'autre part. Tout doit passer par le dialogue social, entre les employeurs et les représentants syndicaux. Ce n'est pas à la loi de décréter comment ça doit se dérouler mais aux partenaires sociaux de construire ensemble le relationnel et les conditions de travail de ces nouveaux métiers. Le législateur n'invente rien mais incite les acteurs à se parler. Un rôle d'incitateur et non de décideur !

Les centres d'appels ont-ils encore un avenir florissant ?


Certainement. Car si l'on regarde outre-Atlantique, où les marchés sont en avance de trois à cinq ans, ces métiers se poursuivent et se développent. 30 % des métiers aux Etats-Unis tournent autour des nouvelles technologies ou de l'informatique. Il n'y a aucune raison pour qu'en Europe, on soit moins imaginatif.

Les Etats-Unis délocalisent dans les pays en voie de développement comme l'Inde. Pensez-vous que la France suivra cette voie ?


Ça dépendra d'elle. Elle devra offrir une défiscalisation, alléger les charges, déve-lopper une conception plus libérale mais qui laisse la part belle au dialogue social.

Amiens, ville pionnière


Gilles de Robien est un maire réélu et satisfait. Il fait figure de précurseur dans la sphère politique en matière de promotion des centres d'appels. Alors que l'activité connaissait en Grande-Bretagne un rythme annuel d'environ 50 %, l'élu de Picardie a vite compris l'opportunité que représentait cette activité en termes de réduction du chômage et de relance de l'économie dans une région sinistrée. Il lance un projet ambitieux baptisé "Amiens, ville des centres d'appels" avec pour objectif la création de 2 000 emplois à la fin de l'année 2000. Objectif non atteint : le nombre d'emplois créé au 1er janvier 2001 était de 1 540. Depuis, d'autres villes ont suivi, comme Lyon, Rennes, Bordeaux, Angers, Marseille. Trois années ont permis à ce métier nouveau d'évoluer, laissant place à une politique soutenue de formation et à une revalorisation des téléconseillers. L'université d'Amiens a mis en place une formation à distance, le "DEUST centres d'appels", ainsi qu'un centre de formation spécifiquement dédié à la filière professionnelle des call centers, SupMédiaCom.

Sylvain Ouchikh

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page