Gilles de Robien (Maire d'Amiens) : « En tant qu'élu, je m'adapterai aux évolutions du marché »
Pour le député-maire (UDF) d'Amiens, l'activité des centres d'appels n'a pas fini d'évoluer dans le bon sens : métiers à valeur ajoutée, formation accrue, reconnaissance des pouvoirs publics. Reste à soutenir le dialogue entre les partenaires sociaux, credo de l'élu picard. Bilan et perspectives d'une stratégie locale.
Pourquoi avoir créé les conditions favorables à l'implantation de centres d'appels ?
À LIRE AUSSI
- Localisation : l'art du compromis
- ZRU, Zones Franches, Zones PAT... Et si la solution était ailleurs ?
- La délocalisation gagne du terrain
- Olivier Cazenave (Département de la Vienne) : « La vague d'embauches va se calmer »
- Jean-Claude Antonini (Maire d'Angers) : « Angers ne recherche pas les très gros projets »
- L'Ile-de-France conserve un net leadership
- Europe : le Nord-Ouest domine le marché
- Localisation : l'art du compromis
- ZRU, Zones Franches, Zones PAT... Et si la solution était ailleurs ?
- La délocalisation gagne du terrain
- Olivier Cazenave (Département de la Vienne) : « La vague d'embauches va se calmer »
- Jean-Claude Antonini (Maire d'Angers) : « Angers ne recherche pas les très gros projets »
- L'Ile-de-France conserve un net leadership
Toutes les villes sont soucieuses de leur
emploi. Les centres d'appels se développaient en Grande-Bretagne, en Irlande et
il n'y avait aucune raison pour que nous ne bénéficiions pas de cette nouvelle
vague. Il fallait alors créer un dispositif complet afin de pouvoir accueillir
les centres d'appels.
Votre objectif annoncé il y a deux ans était la création de 2 000 emplois. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Au 1er
janvier 2001, nous avions créé 1 540 emplois. 1 500 personnes qui ont été
formées et reçoivent chaque mois un salaire. On espère atteindre d'ici la fin
de l'année prochaine 3 000 emplois. Le rythme se situe actuellement entre 100
et 150 créations par mois. C'est l'équivalent de ce qu'a fait Toyota à
Valenciennes, mais on en parle beaucoup moins. Notre objectif étant de proposer
des débouchés locaux et de faire en sorte que les gens puissent rester à
Amiens.
Cela a-t-il des répercussions sur la vie quotidienne des Amiénois ?
L'emploi crée du pouvoir d'achat, qui profite à
l'ensemble du tissu économique. Néanmoins, il ne faut pas exagérer la place des
centres d'appels. C'est surtout en termes d'image que le changement est le plus
marquant. Nous avons choisi pour accueillir cette nouvelle activité les plus
beaux locaux, en centre ville ou à proximité. Ce qui donne une touche de
modernité à une ville très connotée production industrielle. 1 500 personnes se
sont recyclées dans les technologies modernes comme la téléphonie et
l'informatique, dans des environnements de travail différents des ateliers.
La Zone Franche a-t-elle favorisé l'implantation des centres d'appels ?
Oui, beaucoup. A titre d'exemple, le premier centre
d'appels s'est installé dans la Zone Franche avec deux personnes. Cette
entreprise compte actuellement 290 salariés. Amiens compte maintenant douze
centres d'appels.
Qu'en est-il de la surface disponible ?
Nous construisons de nouveaux locaux et rénovons entre 5 000 et
10 000 m2 par an. On espère garder ce rythme.
Amiens n'est donc pas saturée comme on l'entend dire ?
Non ! Et ça ne sera pas le cas
tant qu'il y aura du chômage. On essaiera par ailleurs de développer des
métiers complémentaires aux centres d'appels, avec de la valeur ajoutée. Des
métiers techniques, des postes d'ingénieur ou encore des compétences dans la
banque ou l'assurance. On aura alors diversifié la branche.
Vous misez donc sur une qualification de plus en plus élevée ?
C'est
mon souhait. Ce métier a une mauvaise image à cause du télémarketing. Mais il a
beaucoup évolué.
Comment changer cette image désastreuse ?
A Amiens, nous avons développé deux axes : une école de
formation et un bureau de recrutement. Nous recevons des centaines de personnes
de manière à pouvoir fournir des profils adéquats aux entreprises. On oriente
la formation afin de faciliter la tâche des employeurs potentiels.
Pour Paris, on parle de "durée de vie" et non plus de turn-over. Qu'en est-il à Amiens ?
On ne parle pas de turn-over à Amiens. On
parle de stabilité, au contraire.
Comment voyez-vous l'évolution des centres d'appels pour les trois ans qui viennent ?
Ce sont aux
professionnels d'y répondre. Moi, en tant qu'élu, je m'adapterai aux évolutions
du marché. Les entreprises qui feront cette évolution trouveront des
partenaires pour les accompagner. Je facilite les choses, c'est tout.
En revanche, l'homme politique peut-il agir sur les conventions collectives ?
On peut agir dans ce domaine. Il y a le rôle des
partenaires sociaux, d'une part, et le rôle du législateur d'autre part. Tout
doit passer par le dialogue social, entre les employeurs et les représentants
syndicaux. Ce n'est pas à la loi de décréter comment ça doit se dérouler mais
aux partenaires sociaux de construire ensemble le relationnel et les conditions
de travail de ces nouveaux métiers. Le législateur n'invente rien mais incite
les acteurs à se parler. Un rôle d'incitateur et non de décideur !
Les centres d'appels ont-ils encore un avenir florissant ?
Certainement. Car si l'on regarde outre-Atlantique, où les
marchés sont en avance de trois à cinq ans, ces métiers se poursuivent et se
développent. 30 % des métiers aux Etats-Unis tournent autour des nouvelles
technologies ou de l'informatique. Il n'y a aucune raison pour qu'en Europe, on
soit moins imaginatif.
Les Etats-Unis délocalisent dans les pays en voie de développement comme l'Inde. Pensez-vous que la France suivra cette voie ?
Ça dépendra d'elle. Elle devra offrir une défiscalisation,
alléger les charges, déve-lopper une conception plus libérale mais qui laisse
la part belle au dialogue social.
Amiens, ville pionnière
Gilles de Robien est un maire réélu et satisfait. Il fait figure de précurseur dans la sphère politique en matière de promotion des centres d'appels. Alors que l'activité connaissait en Grande-Bretagne un rythme annuel d'environ 50 %, l'élu de Picardie a vite compris l'opportunité que représentait cette activité en termes de réduction du chômage et de relance de l'économie dans une région sinistrée. Il lance un projet ambitieux baptisé "Amiens, ville des centres d'appels" avec pour objectif la création de 2 000 emplois à la fin de l'année 2000. Objectif non atteint : le nombre d'emplois créé au 1er janvier 2001 était de 1 540. Depuis, d'autres villes ont suivi, comme Lyon, Rennes, Bordeaux, Angers, Marseille. Trois années ont permis à ce métier nouveau d'évoluer, laissant place à une politique soutenue de formation et à une revalorisation des téléconseillers. L'université d'Amiens a mis en place une formation à distance, le "DEUST centres d'appels", ainsi qu'un centre de formation spécifiquement dédié à la filière professionnelle des call centers, SupMédiaCom.