DossierÉcoute client: entre stratégie et exigence terrain
Pour fidéliser le client, il faut le comprendre. Et pour le comprendre, il faut encore l'écouter! Les solutions d'écoute client, d'analyse de verbatims et de feedback management sont entrées dans une dimension à la fois plus stratégique et opérationnelle. Un grand écart délicat mais prometteur...
Sommaire
1 L'expérience client globalement améliorée en France
En novembre dernier, l'indice Forrester de l'Expérience Client 2019 mettait en lumière une amélioration globale de l'expérience client en France. Faut-il y voir une preuve que le marché hexagonal considère que le principal levier de fidélisation à la marque ne se limite pas à la fiabilité ou à la qualité d'un service ou produit, mais à la capacité des marques à prendre en compte l'aspect émotionnel de l'expérience client? Quoi qu'il en soit, sur les 36 marques de l'indice CX 2019 en France, près de la moitié a gagné en moyenne, plus de 4 points.
Pour la première fois en France, aucune marque ne se classe en catégorie "très mauvaises expériences", plus de 50 % sont jugées bonnes et leur nombre a doublé par rapport à l'édition 2018 du baromètre. Toutefois, note le rapport de Forrester, la qualité de l'expérience client en France accuse toujours un certain retard par rapport au Royaume-Uni et aux États-Unis. La préoccupation généralisée pour l'expérience client fait le jeu des acteurs de l'écoute client, de l'analyse de verbatims et du feedback management. "Si la mesure de satisfaction client n'a rien de vraiment nouveau, note Hervé Cebula, fondateur de Mediatech-CX, et si le marché se révèle finalement assez mature, c'est bien l'exploitation opérationnelle des données qui a changé."
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Globalement, le marché est plutôt mature et les plus grands acteurs sont tous dotés de solutions de feedback management. "Néanmoins, on ressent très clairement depuis deux à trois ans, que les lignes de front bougent", observe Estelle Villard, directrice générale de Medallia France. Presque tous les secteurs d'activité se sont emparés de la question et, aujourd'hui, le feedback management n'est plus l'apanage des grandes entreprises. "Progressivement, les PME-PMI déploient, à leur tour, des solutions car désormais, tout l'enjeu, c'est celui de la considération", continue Estelle Villard.
Des projets à dimension toujours plus stratégique
Chez Qualtrics, le constat de Xavier Oliel est sans appel : "de plus en plus d'entreprises font le choix de se différencier par l'expérience client. Une importance stratégique qui amène les projets de feedback management à être portés par des fonctions clés dans les directions générales". Une criticité de l'enjeu qui se traduit également par un élargissement des canaux de collecte des feedbacks. Le client évolue en permanence, comme ses usages, et il faut être en mesure d'être au rendez-vous de ces usages. Wechat, Facebook Messenger, WhatsApp, la capacité à s'orienter vers le canal le plus pertinent est déterminante. "Pour recueillir un maximum de feedbacks, il s'agit d'être rapide et direct. Le feedback management est, plus que jamais, une course contre la montre", confie Estelle Villard. Une course contre la montre qui ne se limite pas à la résolution des insatisfactions, mais s'incarne également dans la rapidité à s'enquérir de l'avis du client. "Le délai entre l'interaction d'un client avec une marque et la collecte du feedback conditionne le taux de réponse bien sûr, précise Estelle Villard, mais traduit, dans l'esprit du client, l'intérêt que la marque lui porte !" La dimension stratégique de la prise en compte du ressenti client s'incarne également dans l'élargissement des données qui peuvent être exploitées.
Pour obtenir une granularité toujours plus forte dans la compréhension, Medallia propose par exemple au client d'intégrer des photos ou des vidéos pour partager son expérience. Les récentes acquisitions annoncées en mars et avril par Medallia, pour intégrer le traitement de la vidéo ou encore de la voix dans le feedback management, sont une illustration de cette tendance. "Avec ces acquisitions, nous serons bientôt en mesure d'analyser les expressions du visage d'un client qui répond à une enquête en vidéo via sons smartphone. Un outil qui permet une mise en miroir entre les termes employés et les mimiques, les postures pour intégrer toujours plus de granularité dans les analyses", précise Estelle Villard. Tout l'enjeu consistant dans un second temps à disposer de la capacité à analyser ces informations pour traduire en réponses opérationnelles les informations transmises par les clients. Or, c'est souvent à ce stade que le bât blesse!
Quand la transversalité s'impose...
L'une des tendances qui s'est le plus fortement imposée ces dernières années, c'est bien la transversalité des projets d'expérience client au sein des entreprises. "Mettre l'ensemble des services de l'entreprise dans la boucle : ce n'est pas seulement une tendance que nous observons, précise Estelle Villard, c'est le meilleur moyen que chaque collaborateur apporte sa pierre à l'amélioration de l'expérience client." Une réalité qui se traduit désormais par une implication des différents services de l'entreprise dès la phase amont du projet de déploiement d'une solution de feedback management. "Ce que les champions de l'expérience client ont parfaitement compris, note Laurent Garnier, CEO & fondateur de KPAM (voir encadré p.56), c'est bien la dimension transverse et universelle du projet d'expérience client et les solutions qui sont déployées doivent donner aux collaborateurs les moyens d'être bons et performants aux moments clés." Une réalité qui souligne l'importance d'une autre tendance émergente dans l'écoute client et le feedback management : la capacité à produire des insights appropriables par chaque collaborateur, quelle que soit sa fonction... "Les marques les plus matures ont bien mesuré, explique Estelle Villard qui cite notamment Schneider en exemple, que la démocratisation de l'accès aux données issues du feedback client est capitale et qu'il faut laisser infuser l'expérience client dans tous les services."
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Des insights taillés pour les opérationnels
Si l'enjeu de l'optimisation de l'expérience client devient l'affaire de tous dans l'entreprise, il faut que les données liées à l'écoute client, l'analyse de verbatims et le feedback management soient accessibles à chacun dans l'entreprise mais de manière ciblée, opérationnelle. "C'est le besoin clé des entreprises, précise Bertrand Christophe, co-fondateur de Satisfactory. Il faut que les données du feedback soient à la disposition des opérationnels de manière intelligible car ils n'ont pas vocation à se transformer en analystes. Notre enjeu consiste à faire parler les données sur un plan pratique qui dépasse le simple tableau de bord." Dans ce contexte, les facteurs explicatifs sont essentiels car chaque collaborateur sur le terrain, au sein de son point de vente, de son agence, a besoin d'une réponse précise à l'insatisfaction exprimée par un client. "Pour qu'un responsable d'une agence télécom ou de location de véhicule s'implique pleinement, observe Hervé Cebula, il ne peut pas se contenter d'un état des lieux mensuel. Son implication dépend directement de la mise à disposition d'insights précis, contextualisés, agence par agence pour comprendre les motifs d'insatisfaction et agir en conséquence. Il devient alors pleinement acteur de la satisfaction du client et peut agir sur les indicateurs de satisfaction." L'ergonomie, l'intuitivité des solutions deviennent dès lors des critères déterminants à l'heure du choix!
L'expérience collaborateur au coeur des enjeux
Le fait que chaque maillon dans l'entreprise doive désormais agir en faveur de la satisfaction a induit une autre évolution majeure des solutions d'écoute et de feedback management : le développement d'une forte dimension collaborative. C'est d'ailleurs l'un des axes de développement prioritaires de CritizR pour l'année 2020 (voir encadré p.58). "S'inspirer des meilleures idées des uns et des autres, mettre en commun les initiatives qui fonctionnent dans un coin de la France pour satisfaire un client à 1000 km de là, avant que le siège ne décide de s'en saisir pour généraliser la pratique, explique Nicolas Hammer, co-fondateur de CritizR, c'est une évolution naturelle lorsque l'on souhaite que chaque collaborateur s'implique pleinement dans l'amélioration de l'expérience client." Mais une autre réalité émerge actuellement, renforcée encore par la crise sanitaire du Covid-19.
Alors que la notion de symétrie des attentions se développait déjà considérablement, plaçant le bien-être et la satisfaction des collaborateurs comme prérequis indispensable à la satisfaction des clients, le confinement et le télétravail qui en découle "vont sans doute amener les entreprises à utiliser massivement les solutions de feedback management, comme de véritables outils RH", observe Hervé Cebula. Une perspective qui résonne comme la promesse d'un nouveau débouché sur un marché finalement très mature. Une convergence de la notion de Voice of Customer/Voice of employee déjà engagée mais renforcée encore par les difficultés de l'exercice à distance. Un nouveau canal d'écoute supplémentaire qui contribue naturellement à faire avancer l'entreprise en prenant en considération le ressenti, les émotions de ceux qui vont vivre l'expérience au sens propre du terme. "C'est la réalité de cette ère de l'expérience client, conclut Estelle Villard, nous sommes entrés de plain-pied dans l'ère de la considération et les entreprises qui ont déjà admis cette réalité ont un temps d'avance."
Transversalité, collecte de feedbacks, utilisation d'insights, les stratégies de personnalisation client varient selon les sociétés.
2 "L'expérience est un levier de différenciation" Laurent Garnier, CEO et fondateur de KPAM
Quels sont à vos yeux les prérequis indispensables pour exploiter intelligemment l'ensemble des solutions qui contribuent à entendre le client?
Les "champions" de l'expérience client ont tous en commun une stratégie fondée sur une dimension relationnelle. C'est là, à mon sens, le prérequis absolu. Cela signifie qu'il ne suffit pas seulement de résoudre le problème ou l'insatisfaction d'un client. Il faut le faire avec l'art et la manière car l'attitude prime. Lorsqu'un client se manifeste parce qu'il reçoit un produit endommagé, exiger de lui des photos ou des vidéos pour prouver ses dires, c'est inscrire la relation dans la défiance. Pour se singulariser par l'expérience, il s'agit d'être bon, là où vos concurrents sont mauvais. L'après-vente est devenu aujourd'hui le premier temps de votre vie avec le client. C'est là que se fait ou non l'enchantement et c'est là que le feedback management prend tout son sens.
Vous évoquez la notion de singularité de l'expérience, qu'entendez-vous par ce concept?
L'expérience est un levier de différenciation. Comme le consommateur est plus lucide sur les manoeuvres déployées pour le fidéliser, il s'agit d'adopter un positionnement singulier afin qu'il ressente la faveur que vous lui accordez comme un geste qui ne s'adresse qu'à lui. C'est une technique héritée du secteur automobile qui avait pour tradition, à la livraison d'un véhicule, d'offrir une bouteille de champagne à Monsieur, des fleurs ou un parapluie à Madame. La méthode a été vite éculée et certains constructeurs ont demandé à leurs commerciaux, lors des interactions avec les clients, d'identifier leurs centres d'intérêt. L'objectif : offrir à la livraison qui une place de concert, qui un livre... De la compréhension du client découle une expérience singulière unique, qui fait mouche...
Un consensus se dégage pour considérer que l'expérience client est un projet transverse dans l'entreprise. Comment créer cette dynamique à partir de l'écoute client ou du feedback management?
J'ai le souvenir de Cofidis Belgique par exemple qui, pour infuser la culture client dans ses équipes, affichait chaque jour dans les salles communes des verbatims clés... Faire que le client soit omniprésent, commencer chaque réunion par une lecture attentive de certains verbatims, par une analyse scrupuleuse de différents indicateurs, en un mot faire du client le moteur de tout : c'est de cette façon que toute l'entreprise se met en ordre de marche en faveur de l'expérience client. Mais cela suppose des outils de collecte adaptés et une restitution très soignée des indicateurs.
Laurent Garnier, CEO & fondateur de KPAM, revient sur les best practices des champions de l'expérience client.
3 "Nous croyons beaucoup à la dimension collaborative" Nicolas Hammer,
Quelle lecture faites-vous des attentes des entreprises par rapport à la voix du client au sens large du terme?
Pendant longtemps, la voix du client était le pré carré d'une direction étude ou marketing. Désormais, elle est totalement décloisonnée et s'adresse à toutes les directions, tous les services sous la forme d'insight ciblés et efficaces. Chez Carrefour par exemple, les feedbacks client parviennent jusqu'aux chefs de rayon ou aux chefs de caisse. Ils sont mis en scène, thématisés, scorés de sorte que chacun devienne acteur de l'expérience client. C'est vraiment la principale attente des entreprises.
Dans les faits, en quoi cette évolution de l'enjeu "expérience client" affecte-t-elle CritizR?
Nous travaillons beaucoup à la notion "d'actionnabilité" des données qui consiste à traduire concrètement les enquêtes de satisfaction en actions opérationnelles sur le terrain. Cela passe non pas uniquement par la génération de tableaux de bord utiles certes mais qui n'agissent pas comme une source d'inspiration. Cela passe par un travail d'optimisation constant sur la mise en scène des résultats et leur mise en miroir avec des actions possibles. L'autre préoccupation majeure consiste à faire en sorte que lorsqu'un client répond à une enquête, il soit systématiquement salué, ou remercié. Ces interactions entre la marque et le client ne sont jamais anodines. Il faut tout faire pour qu'elles ne se banalisent pas !
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Sur quelles pistes travaillez-vous pour cette année 2020 si particulière?
Nous avons deux grands chantiers en cours. Le premier consiste à intégrer de nouvelles fonctionnalités collaboratives au sein de nos solutions, de façon à ce que les initiatives qui fonctionnent dans un service ou dans une région donnée puissent être partagées et dupliquées ailleurs. Nous croyons beaucoup à cette dimension collaborative. L'autre chantier, c'est celui qui consiste à permettre une mise en perspective des remontées liées à la voix du client par rapport à l'écosystème de l'entreprise. Nous allons intégrer des données sectorielles qui seront forcément précieuses pour les utilisateurs de CritizR.
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Nicolas Hammer, cofondateur de CritizR, évoque les principales tendances du feedback management et comment ces dernières affectent la recherche et le développement.
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