CX Paris: "Nous aspirons à travailler pour une entreprise engagée, talentueuse et épanouissante"
Joséphine Ducatteau, Pierre-Antoine Flick et Margot Sicard, étudiants du master "Distribution et relation client" de l'Université Paris Dauphine, exposent leur vision de l'évolution des métiers liés à l'expérience client.
Comment voyez-vous l'expérience client aujourd'hui?
Margot Sicard: Il est possible de comparer la relation client à la devise olympique: "citius, altius, fortius". Il faut savoir rester flexible et compétitif. Par exemple, Decathlon, du jour au lendemain, a dû fermer tous ses magasins et les consommateurs n'avaient plus d'offre relative aux articles de sport. L'enseigne a alors noué un partenariat avec Franprix pour livrer ses produits.
Pierre-Antoine Flick: Il est nécessaire d'aller toujours plus haut et de penser le marché de manière proactive. Avec la fin des cookies tiers, annoncée par Google d'ici à 2022 sur le navigateur Chrome, le retargeting va devoir évoluer. Les annonceurs vont devoir revenir vers des données first party. L'IA aura alors un rôle à jouer.
Joséphine Ducatteau: Les entreprises doivent sortir du mass marketing et cela doit s'observer dans des actions concrètes. Par exemple, le groupe Carrefour, via sa stratégie "5/5/5", repositionne le client au sommet de la hiérarchie. De même, l'enseigne communique la ligne de ses directeurs de magasin. Le monde d'aujourd'hui est dépourvu de certitude mais demande de solides convictions.
Qu'attendez-vous d'une marque en tant qu'employeur?
MS: Nous aspirons à travailler pour une entreprise engagée, talentueuse et épanouissante. Nous aspirons à ce que les actions de l'entreprise soient en cohérence avec ses valeurs et sa vision. Profit et intérêt sociétal ne doivent pas s'opposer. Nous attendons des organisation alertes sur les évolutions sociétales, dotées d'un pouvoir décisionnel intelligent.
P-AF: J'attends des entreprises qu'elles acceptent les prises d'initiatives. De même, j'attends un management bienveillant et responsabilisant, et non un système de contrôle injustifié. Nous souhaitons que les collaborateurs disposent d'une forme de liberté, via la désilotation des départements. Je préfère parler de collaborateurs que de clients internes. L'objectif est de fédérer un collectif au sein de l'entreprise.
JD: L'entreprise de l'avenir, à mon sens, sera épanouissante, redonnera du sens au travail, en évitant le bore ou le brown out. Nous souhaitons que l'on nous confie des missions stimulantes.
Pourquoi avoir choisi un cursus tourné vers la relation client?
MS: L'enjeu majeur des entreprises aujourd'hui est de placer le client au coeur de leur stratégie. Bien souvent, la plupart d'entre elles l'oublient. Pour moi, il était donc nécessaire de comprendre les attentes des consommateurs de notre époque, comprendre comment les toucher dans leur quotidien et comment s'adresser à eux le mieux possible. Le tout, dans le but de maximiser leur satisfaction mais aussi de les fidéliser. Le master "Distribution et relation client" de l'université Paris-Dauphine était le choix le plus adapté. L'approche "learning by doing" proposé par Valérie Renaudin et Joël Plat nous permet d'être challengés tout au long de l'année par une grande variété d'entreprises et de répondre à des problématiques très diverses. Pour y répondre, il est nécessaire de toujours repartir des consommateurs et, encore une fois, de placer le consommateur au centre de la stratégie: un exercice très enrichissant.
PAF: Mon master 1 ainsi que mes stages m'ont sensibilisé à la notion plurivoque d'expérience client/relation client. J'ai donc commencé à interroger mon expérience d'achat en tentant d'en comprendre les rouages. Certaines stratégies sautent parfois aux yeux, comme celle des enseignes Ikea, avec un parcours très fléché, alors que d'autres demeurent moins palpables au premier abord. C'est le cas dans l'univers on line, où la collecte de données doit permettre de répondre au sacro-saint ATAWAD. Cette liaison, parfois complexe, entre la donnée client et la relation client m'a justement conduit vers la relation client, c'est à dire à la réflexion sur la structuration et l'analyse de ces données pour faciliter le parcours du client. Ayant réalisé des stages dans le secteur de l'e-commerce, je voulais également remettre de l'humain dans cette relation client et le master de "Distribution et relation client" de Paris-Dauphine s'inscrit totalement dans cette perspective.
JD: Mon choix d'orientation professionnelle s'est dessiné relativement tôt. Le point pivot remonte à la création de mon blog culinaire, à l'âge de 12 ans. Celui-ci, animé pendant quatre ans, fut assez marquant et riche en apprentissages culinaires -techniques de cuisine et pâtisserie- mais également en apprentissages marketing, sans qu'à l'époque je ne les nomme comme cela. Identification de ma cible de lecteurs, canaux pour les recruter puis les fidéliser, ton et wording à adopter dans l'écriture de mes articles, type de recettes à développer... Je me souviens avoir été particulièrement vigilante à la satisfaction de mes lecteurs et la cohérence entre leurs attentes et ce que je leur offrais. Ue vision définitivement orientée client ainsi qu'un goût prononcé pour les problématiques culinaires qui, quelques années plus tard, m'ont amenée à me projeter dans le secteur agroalimentaire, où la nécessité de placer le client au coeur des priorités est absolument crucial. Après une licence en Gestion et un master 1 "Marketing et stratégie" à l'université Paris-Dauphine PSL ainsi que plusieurs expériences dans différents types de structures plaçant de façon plus ou moins marquée le client au coeur de leurs stratégies, il m'est apparu essentiel de consolider ce parcours. Et ce, via une formation m'apportant non seulement la formalisation des clés de lecture de la relation client d'aujourd'hui mais aussi une réflexion sur les enjeux de demain auxquelles toutes les entreprises devront faire face. Le master 2 "Distribution et relation client" au sein de l'université Paris-Dauphine PLS me donne aujourd'hui cette opportunité, au travers de relations étroites avec le monde professionnel, grâce à des interventions d'experts et de multiples projets concrets avec les entreprises de secteurs variés de la distribution. Formateur, stimulant et passionnant!
Du point de vue de l'expérience client, quelles sont les marques qui vous interpellent le plus en tant que consommateurs et pourquoi?
MS: Les marques qui m'interpellent le plus sont celles qui sont les plus proches de leurs clients, les plus engagées et les plus audacieuses. Tout d'abord, j'aime qu'une marque me "chouchoute" en tant que cliente. J'aime qu'elle maintienne un dialogue personnalisé avec moi et m'accompagne dans l'atteinte de mes objectifs au quotidien. Il y a quelques mois, pour me récompenser d'avoir couru 1000 km depuis le début le début de l'année, la marque Nike m'a offert une paire de chaussures. Ce type d'attention me fait me sentir unique et surtout, me pousse à rester fidèle à la marque attentionnée. Ensuite, j'aime quand une marque est engagée, qu'elle a des valeurs et des engagements. Les marques doivent prendre la parole sur des sujets sociétaux comme les discriminations raciales, l'égalité hommes/femmes. Enfin, elles se doivent d'être audacieuses car j'adore être surprise. J'aime quand les marques innovent et repoussent leurs limites, à l'image de Milka, qui propose un concours pour imaginer sa propre tablette de chocolat. Le consommateur peut choisir ses épices, ses ingrédients. Le grand gagnant voit ensuite sa tablette commercialisée. Je n'oublie pas Decathlon et son concept DX store, qui vient d'ouvrir. L'offre au sein du magasin sera totalement modifiée tous les trois mois.
PAF: Beaucoup de marques s'intéressent ou prétendent s'intéresser à l'expérience client. Il est donc difficile de faire un choix, d'autant plus que l'expérience client recouvre des réalités variées, offline, online... Ayant réalisé un stage au sein de la marketplace Rakuten, j'ai découvert une entreprise profondément orientée client. La notion de phygital est d'ailleurs présente à travers la mise en place du click and collect, notamment chez la firme Boulanger. Ainsi, il est envisageable de réaliser sa commande sur le site Rakuten, auprès du marchand Boulanger, et de la retirer dans le Boulanger le plus proche. Cette pratique répond à mon besoin d'immédiateté et m'offre une option supplémentaire à la classique livraison à domicile ou en point relais. Par ailleurs, le modèle visant à récompenser les clients à travers le système de cashback me paraît très pertinent. Il favorise le réachat sur la marketplace mais aussi dans l'ensemble de l'écosystème Rakuten, incluant Viber et Rakuten TV, par exemple. En tant que consommateur, j'apprécie ce modèle de cashback car il me permet de m'offrir ce petit plaisir en plus. Par exemple, si j'achète le dernier téléphone à 1000 euros, mon budget arrive à saturation et je ne peux m'offrir les écouteurs en complément. Dans le cas d'un cashback à 20%, comme c'est parfois le cas pour des opérations spéciales comme les French Days, j'obtiens une rallonge de 200 euros et peux donc réaliser cet achat. En tant que consommateur, j'ai donc l'impression d'avoir obtenu un bonus!
JD: Je suis vigilante en tant que consommatrice aux marques dont les stratégies clients valorisent l'engagement, la collaboration et l'audace. Les stratégies de communication de marque qui m'amusent toujours beaucoup sont celles du leader de la restauration rapide, McDonald's, et son challenger, Burger King. Le combat juteux d'action/réaction des deux marques casse les codes avec une approche résolument réactive et créative. Et celà dans des axes stratégiques parfois uniquement drôles mais aussi quelquefois plus sérieux, avec une ambition sociale. À titre d'exemple, je me souviens de Burger King qui encourageait ses propres clients à aller acheter un Big Mac plutôt qu'un Whopper lors d'un "McHappy Day" visant à reverser l'ensemble des bénéfices du sandwich à une association aidant les enfants malades. Autre illustration dans l'alimentaire, un secteur où il est capital d'assurer la cohérence entre les intentions (alimentation saine, locale, inclusive...) et les comportements (offre de produits adéquate, communication cohérente...), dans la durée. Dernièrement, l'engagement du spécialiste de la livraison de repas au bureau FoodChéri envers la suppression des ingrédients néfastes pour l'environnement a attiré mon attention. Fin septembre, la marque a en effet banni de sa carte trois ingrédients phares: le boeuf, le cabillaud et l'avocat, réalisant naturellement un coup marketing mais annonçant également un nouveau type d'engagement dans la restauration. Il ne s'agit plus seulement de cuisiner de bons produits de saison mais bien de répondre à des problématiques à plus large échelle: protection des espèces, réduction des déchets, impact carbone des assiettes...
Quelle initiative de marque vous a le plus déçus, en lien avec l'expérience client ou la relation client?
MS: Je n'ai pas remarqué d'initiative qui m'ait déçue plus qu'une autre. Je trouve simplement dommage que certaines marques adoptent parfois plus une posture ou prennent de faux engagements, sans agir.
PAF: La marque Nespresso m'a déçu dans son service client. En effet, à la sortie du confinement, j'ai décidé d'investir dans une machine Vertuo, que j'ai eu beaucoup de peine à obtenir. Ainsi, la machine n'a jamais été livré à mon domicile, me contraignant à appeler sans cesse le service client sans avoir l'impression d'être pris au sérieux. Par ailleurs, les outils digitaux, comme le tchat, que je souhaitais utiliser n'étaient pas disponibles. Même si je salue la volonté de la marque de mettre en place des outils qui facilitent la démarche des clients comme le tchat, leur non-fonctionnement crée immédiatement une image négative. En effet, dans le cas d'un client ayant déjà subi une mauvaise expérience, il vaut mieux éviter de lui proposer un service en ligne inefficace. Par ailleurs, mon aventure avec le call center de Nespresso m'a montré à quel point la formation des personnes prenant mon appel, était importante pour une marque. En effet, il ressort de ces appels une lourdeur administrative et de nombreux process dont le téléconseiller ne peut s'affranchir, aboutissant parfois à des discours contradictoires. Ainsi, cette entreprise, qui se présente comme premium et à l'écoute de ses clients, met ici en lumière l'écart entre la promesse et le service. Je précise toutefois que je ne souhaite nullement pointer du doigt Nespresso mais plutôt l'utiliser comme exemple pour évoquer certaines carences dans le customer care.
JD: Parler de déception serait excessif mais je pourrai dire qu'un point de vigilance a particulièrement suscité mon interrogation dernièrement: celui de la personnalisation... parfois pas si juste. Cette personnalisation au travers de le collecte et l'utilisation responsable de la data est en effet clé pour accroître la pertinence des messages et nouer une relation de proximité avec le client. Cependant, gare à l'utiliser à bon escient et ce dans le bon contexte. Le marketing automation peut en effet présenter des limites. Par une mauvaise compréhension de mon profil, une marque m'a dernièrement envoyé un mail ciblé sur la réservation de mes prochaines vacances... en juillet 2021. En période de crise sanitaire, mes préoccupations sont autres, c'est maladroit. Une autre marque m'a adressé un e-mail en faisant référence à ma présumée "future grossesse". Comme une erreur de destinataire... Autant vous préciser que le mail a directement fini à la corbeille. Une personnalisation erronée affecte toute la relation avec le client...
Quels sont les canaux que doivent cibler les marques pour communiquer avec la génération Z, selon vous? Pourquoi?
MS: Afin de communiquer sur différents canaux, les marques ne doivent pas cibler un canal en particulier. Elles doivent être phygitales. Nous, jeunes consommateurs, aimons à la fois surfer sur les sites des marques afin de comparer les prix, voir les produits et nous rendre en boutique pour essayer les produits et les toucher. À cette question, il ne s'agit pas de voir tout blanc ou tout noir, chaque marque doit être d'être multicanale. Elle se doit d'user à la fois les réseaux sociaux (ne pas sous-estimer l'influence de Tik-Tok, dont le public jeune raffole), les sites de marques mais aussi investir massivement en magasin. L'expérience client et les services n'ont jamais eu autant le vent en poupe. Nike, avec sa maison de l'innovation, est très avancé sur ce sujet (paiement depuis le smartphone, personnalisation dans le choix des brassières ou des chaussures). Il s'agit de surprendre le consommateur, de lui offrir une expérience inoubliable pour lui donner cette envie de venir et de revenir. C'est bien l'ensemble de ces éléments qui fera qu'un consommateur préféra une marque plus qu'une autre.
PAF: Aujourd'hui, les marques doivent plutôt cibler les réseaux sociaux et faire attention avec le retargeting, qui peut donner l'impression au consommateur d'être véritablement tracké. La génération Z est très connectée sur les réseaux sociaux, en témoigne le temps passé devant les écrans, mais ne souhaite pas une communication trop intrusive des marques sur les différents canaux digitaux qu'elle utilise. Ainsi, les publicités insérées dans les vidéos sur Facebook me semble un bon exemple de communication contre-productive. En effet, ce genre de procédés agace, d'autant plus lorsque la publicité revient à plusieurs reprises. Ainsi, les marques doivent pouvoir s'insérer finement sur les réseaux sociaux et créer du lien de manière subtile. Les vidéos sponsorisées, comme celles de Konbini, me semblent un bon outil pour s'adresser à la génération Z.
JD: La génération Z est particulière car elle bouleverse les codes de la communication des marques. En effet, jusqu'ici, il était question de marketing de masse. Or, la jeunesse actuelle a accès à une information immédiate et riche et a la capacité de comparer différentes sources. Elle est exigeante et scrutatrice, questionnant la manière dont les marques lui parlent. La communication doit donc être réactive, différenciante et, surtout, profondément humanisée. Elle ne doit pas parler à tous ses clients mais bien à chacun de ses clients. Le "one to one" est assurément d'actualité. Plus qu'une tendance, cela devient un B.A ba des stratégies digitales. À mon sens, les canaux pour assurer cette relation avec la génération Z sont principalement digitaux et surtout mobiles: présence sur les réseaux sociaux (notamment Instagram avec des partenariats) avec du retargeting social, SMS, notifications in-app... Privilégier ces canaux assure aux marques une meilleure visibilité et ainsi un meilleur impact, puisque le téléphone portable fait partie intégrante du quotidien de cette génération. Ne reste ensuite plus qu'à déterminer les bons messages à envoyer au bon moment.
Sur le même thème
Voir tous les articles Stratégies