Avec "Research Lab", Lego change de discours à l'attention des filles
Une nouvelle gamme de produits fondée sur des femmes scientifiques marque un renouveau stratégique de la marque vis-à-vis du public féminin. Un succès retentissant, qui montre le potentiel du gender marketing dans l'univers des jouets. Et vient faire oublier une controverse récente.
Tête cylindrique jaune et mains en forme de pince : à certains égards, les trois figurines Lego de la gamme " Research Lab " ressemblent à toutes les autres ; sauf que ce sont des femmes. Un fait manifeste dans la chevelure, plus abondante que la coupe courte caractéristique, ou bien encore dans le rouge des lèvres qui laisse deviner un recours aux cosmétiques. D'énièmes " bimbos " en jouets ? Destinées, selon l'inspiration de leurs utilisateurs, à faire la cuisine, rêver de shopping ou promener le chien dans un décor domestique ? Non. Ces Lego là sont des femmes de sciences et, dans la boite d'emballage, elles côtoient un microscope, des tubes à essais ou bien encore une loupe... Autant d'accessoires qui symbolisent la volonté de la marque danoise de repartir d'un bon pied dans sa conquête du public féminin.
Il faut dire que les choses ont mal commencé. A l'instar d'une industrie souvent coupable d'entretenir certains clichés pesants quant à la répartition des rôles hommes - femmes, le géant du jouet n'a pas toujours milité pour la parité. Le lancement il y a deux ans de la gamme " Friends " dédiée aux filles a relancé le débat sur le rôle de l'industrie du jouet dans l'entretien d'un certain sexisme ambiant. Dans un spot télévisé promotionnel diffusé à l'occasion, des figurines vêtues de rose " girly " étaient montrées en train de se prélasser dans un salon de beauté, de bavarder au café ou dans leur rôle de femme au foyer.
Une vision un peu éculée du gender-marketing. Chez les parents, de nombreuses voix se sont instantanément élevées pour dénoncer le message, surtout remarquable par sa vacuité, adressé par la marque aux filles. Une pétition a même vu le jour sur Internet pour demander au fabriquant de jouets de retirer les produits incriminés de la vente. Dans le brouhaha de ce " bad buzz ", le plaidoyer le plus vibrant reste celui de Charlotte, une petite fille de 7 ans qui a envoyé à la marque une lettre manuscrite passée à la postérité.
Depuis, Lego a appris à écouter ses fans. Car c'est bien eux qui sont à l'origine de l'idée. Suggérée par la géophyscienne suédoise Hellen Kooijman via la plateforme d'innovation participative " Lego Ideas " qui permet aux fans depuis 2008 de soumettre et voter pour des idées de produits susceptibles de faire l'objet de tirages limités par la marque, la gamme " Research Lab " a été plébiscitée par les internautes. Puis par le monde entier. Commercialisée début août 2014, elle a disparu des rayons des magasins en quelques jours à peine, victime de son succès.
Les figurines ont même été adoubées par de vraies scientifiques, à l'instar de Donna Yates. Cette archéologue, professeur à l'université de Glasgow, a créé un compte Twitter qui met en oeuvre des figurines de la gamme Research Lab dans des situations issues du quotidien des académiques. Les légendes, humoristiques, expliquent pour beaucoup l'immense popularité de l'initiative, qui a attiré plus de 25 000 followers en quelques jours. De quoi prouver que, jouets ou pas, le féminisme séduit petits et grands.
Le compte Twitter @LegoAcademics, tenu par Donna Yates, met en scène avec humour les figurines de la gamme
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