"Les donneurs d'ordres deviennent des partenaires pour les outsourceurs", Dominique Decaestecker (Majorel)
Majorel, né du rapprochement des groupes Bertelsmann et Saham, réalise maintenant 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires et est présent dans 28 pays. Dominique Decaestecker, COO de Majorel, revient sur l'évolution des relations entre les outsourceurs et leurs clients.
Pouvez-vous faire un point sur l'évolution des relations entre outsourceurs et donneurs d'ordres?
Nos relations ont beaucoup évolué avec nos clients. Le concept même de "donneur d'ordres", quoique toujours d'actualité, doit évoluer pour favoriser l'amélioration de l'expérience client. Notre marché est toujours orienté vers les appels d'offres, le critère de prix demeure donc prépondérant. Cependant, le véritable enjeu se situe dans la valeur générée par la relation client. Je souhaite que cette évolution aille vers la création conjointe de valeur, donneur d'ordre et outsourceur devenant partenaires. L'enjeu de notre marché est de coconstruire des solutions avec nos clients, il s'agit de moins en moins d'appliquer un cahier des charges.
Un exemple emblématique des nouveaux services proposés dans ce cadre?
Nous travaillons pour un constructeur automobile et gérons l'octroi des crédits auprès de leurs clients. Lorsque nous avons repris le service, le délai moyen de réponse était de 48 heures. Or, cela engendrait une perte d'efficacité commerciale. En sept ans, nous avons pu réduire ce délai à deux heures et augmenter de 30% l'octroi de prêt. Nous avons mis en place un e-contrat: le client signe directement sur une tablette un document beaucoup plus clair, qui synthétise les informations principales en deux ou trois pages. Nous avons réduit l'effort du client, notamment lorsque certaines pièces sont manquantes, via le "Reach SMS", que nous avons développé: le client reçoit un SMS, envoie directement la photo des pièces manquantes à une adresse unique, et ces dernières s'insèrent automatiquement dans le dossier. Nous suivons la relation client de bout en bout. Jusqu'à maintenant existaient deux sortes d'acteurs: ceux spécialisés sur le "document management" et les spécialistes du CRM (gestion du téléphone et des autres canaux). Nous intégrons désormais le "document management" dans notre offre globale. L'organisation de nos clients doit évoluer pour accompagner l'amélioration de l'expérience client.
Ce nouveau système doit-il influer sur les modes de rémunération des outsourceurs?
Il existe de grandes différences géographiques: les Américains achètent surtout à l'heure (une démarche liée à une stratégie qualitative), tandis qu'en Europe, où règne une vision plus productiviste, les modèles de rémunération reposent davantage sur une facturation à l'acte. Ces derniers sont voués à évoluer: je pense que nous devons aller vers un partage de création de valeur (partage du chiffre d'affaires ou rémunération liée à l'amélioration de la fidélisation). Ce dernier modèle est plus complexe car il dépend également de l'évolution des produits de la marque.
Investissez-vous dans des start-up pour faire émerger de nouveaux services?
Nous investissons assez peu dans les start-up car ce n'est pas notre modèle: nous ne cherchons pas à vendre nos technologies, nous sommes une entreprise de service et en cela une véritable force de conseil pour choisir la solution technologique la plus adaptée aux besoins de nos clients. Nous privilégions donc l'étroite collaboration avec des entreprises technologiques dont le coeur de métier est d'investir pour développer leurs solutions. Et en matière de technologie, il est capital d'investir sans cesse pour éviter l'obsolescence. Nous considérons la technologie comme un moyen au service d'une création de valeur pour nos clients. Majorel investit davantage dans des ressources et expertises de lean management, à l'image de Six Sigma. Nous travaillons en forte proximité avec des partenaires technologiques: par exemple mi-octobre nous avons animé la keynote d'ouverture de la conférence annuelle d'Alfresco, pour qui nous sommes un client référent. Nous avons coconstruit et optimisé la solution avec ce partenaire.
Quel est le marché le plus innovant pour Majorel?
La Chine est beaucoup plus avancée que l'Occident sur le développement des technologies digitales. Tout passe par le smartphone, ce qui a favorisé l'innovation. Nous avons développé des business models intéressants pour des grandes marques françaises de cosmétiques, lesquelles nous ont délégué la gestion de leur site e-commerce et du trafic. Nous sommes rémunérés en pourcentage du chiffre d'affaires généré. Nous représentons désormais près de 30% du chiffre d'affaires de leur plateforme de vente en ligne. Les acteurs locaux ont longtemps eu une vision très low cost mais depuis deux ans, ils prennent conscience de l'importance de la relation client.
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