Les pièges de la délocalisation
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L'Ile Maurice, la Roumanie, le Maroc, la Tunisie ou encore le Mexique :
c'est un fait, l'étranger commence à attirer de plus en plus nos centres
d'appels. Et principalement les outsourcers. Certains ne sont même pas passés
par la "case régionalisation". Tel est le cas de la société Webhelp : « La
tendance en France, c'est la régionalisation mais nous avons pour notre part
souhaité nous différencier avec des implantations internationales car cela
offre à nos yeux des avantages bien supérieurs à ceux engendrés par une
régionalisation, parmi lesquels l'accès à une qualité de personnel remarquable,
des salaires de 30 à 40 % moins élevés qu'en France et un cadre réglementaire
beaucoup plus souple notamment en ce qui concerne les HNO (heure non
ouvrables). Cela nous permet ainsi d'avoir une présence vis-à-vis de nos
clients 7j/7, jours fériés et week-ends », explique sans détour Frédéric
Jousset, co-fondateur et directeur général. Et de reprendre : « Certes, la
régionalisation, c'est une amélioration significative par rapport à une
implantation parisienne qui serait pour moi le cauchemar absolu, mais
l'internationalisation, c'est pour nos clients une possibilité d'économie
supplémentaire et une qualité de service encore meilleure. » Installé en
Roumanie et à l'Ile Maurice, l'outsourcer dispose à ce jour de 11 centres
d'appels répartis en Inde, en Roumanie, à l'Ile Maurice et au Mexique et compte
bien poursuivre sur sa lancée en ouvrant d'ici fin mai 2002 un nouveau centre à
Rabat, au Maroc. Une implantation demande en moyenne 8 mois de travail car il
est nécessaire de consacrer beaucoup de temps pour négocier avec les
partenaires locaux et pour former le personnel sur place. « De petits
inconvénients à subir au départ mais ensuite cela tourne très bien », reprend
Frédéric Jousset. Pour lui, les critères pour trouver le bon pays d'accueil ce
sont en priorité un taux de francophonie élevé ainsi que des conditions
salariales attractives. « Le Maroc est en la matière à placer en tête de liste,
suivent la Roumanie pour son vivier d'ingénieurs et d'informaticiens de très
bon niveau et l'Ile Maurice qui est un bon compromis entre les deux », précise
Frédéric Jousset. Même choix pour Toolnet qui, alors qu'elle recherchait depuis
l'automne 2001 un site pour implanter en France son centre d'appels avec un
penchant pour la Lorraine a finalement porté son choix sur le Maroc avec une
solution de sous-traitance à un coût salarial quatre fois inférieur. Les
coupables : un droit du travail français trop rigide et contraignant et un coût
de la main d'oeuvre jugé bien trop cher dans l'Hexagone. « La délocalisation va
gagner de plus en plus de terrain tout d'abord à cause des salaires, et rien ne
pourra l'arrêter », affirme Jack Mandard, P-dg de compuBase. Pour sa part, Call
Center Alliance est en cours de négociation avec l'Ile Maurice, la Tunisie et
le Maroc. « Des tableaux de simulation nous ont révélé que de telles
délocalisations nous permettraient de baisser nos coûts de production de 30 à
40 %, coûts de télécommunications inclus, or cela n'est pas envisageable si
nous restons en France. Si l'Etat adoptait rapidement des moyens assez
efficaces et mettait en place une meilleure législation sociale ainsi que des
défiscalisations, il est clair que nous aurions moins envie de partir »,
explique José Caride, vice président des opérations Europe. Mais ce dernier
considère que tout n'est pas délocalisable : « Seuls deux types d'activités
peuvent être concernés par un tel phénomène : il s'agit d'une part des
activités à faible valeur ajoutée qui nécessitent des transactions inférieures
à une minute et d'autre part de l'assistance technique, du développement et du
help-desk. » Pour Xavier Gelot (Datar), « la délocalisation concernera surtout
les outsourcers français qui peuvent se contenter d'appels de premier niveau,
c'est-à-dire sans grande exigence en termes d'accent. Un tel phénomène ne
devrait pas générer de trop grosses répercussions sur la profession. En
revanche, l'Etat et les collectivités doivent en prendre acte assez rapidement
et reconnaître que la France n'est plus suffisamment compétitive sur ce secteur
d'activité ou qu'elle l'est uniquement de manière transitoire. » Il paraît donc
urgent de réagir. Pour Eric Dadian (AFRC), la délocalisation ne doit pas
inquiéter outre mesure, elle ne risque aucunement de ternir l'image de la
profession : « C'est un épiphénomène. En effet, nous avons en France 3 000
centres d'appels avec 150 000 emplois bien répartis sur le territoire, alors
que le potentiel de pays comme le Maroc ou la Tunisie se monte à 1 500 ou 2 000
emplois. Les patrons de centres en reviendront car ils s'apercevront rapidement
que, même s'ils sont gagnants en termes de charges sociales, il leur faudra
passer beaucoup de temps à former le personnel sur place qui n'aura pas la
culture suffisante pour traiter les demandes venant de France. » Les remèdes
existent : il faudrait parvenir à attirer plus de centres d'appels étrangers en
France et notamment d'origine américaine et prier parallèlement pour que la
législation sur les 35 heures soit abolie. Un rêve qui, contrairement à la
délocalisation, n'est pas près de devenir réalité...