Collectivités : recrutement, formation, diversification
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Aujourd'hui, avant de s'installer en province, les patrons des centres
d'appels, qu'ils les exploitent en interne ou qu'ils soient outsourcers, se
préoccupent de plus en plus de la qualité du bassin d'emploi dont ils vont
hériter sur place et des accompagnements mis à leur disposition en matière de
recrutement et de formation du personnel : les subventions ainsi que les offres
immobilières ne sont donc plus les seules à faire pencher la balance. Et fort
heureusement. « Les entreprises sont dans l'ensemble devenues beaucoup plus
exigeantes dans leurs implantations : elles ne réclament plus seulement un lieu
de travail et des subventions mais un environnement global qui tienne surtout
compte des ressources humaines mises à leur disposition », explique Xavier
Gelot, chargé de mission à la Datar. Certes, pour une région ou une
agglomération, attirer les centres d'appels peut se révéler être une stratégie
politique gagnante mais une telle démarche peut s'avérer être à terme
dangereuse car elle va inévitablement créer un phénomène d'éviction. « C'est
bien beau de vouloir attirer un centre d'appels, encore faut-il derrière
pouvoir assumer en termes d'offre et être conscient que la profession est
particulière : une collectivité doit réunir différents atouts. A défaut elle se
mettrait dans une position de pourvoyeur d'emplois mais n'offrirait pas la
pérennité, cela aboutirait à terme à une grande mobilité et plus personne ne
voudrait s'installer en son sein », précise de nouveau Xavier Gelot. Quand dire
d'une offre qu'elle est bonne et surtout pérenne ? La ressource humaine,
indépendamment de la disponibilité immobilière, avec un bassin d'emploi et une
qualification associée, sont les ingrédients de base d'une offre intéressante
et qui saura facilement attirer la profession mais surtout la fidéliser. « Nous
avons choisi fin 1999 d'installer un centre d'appels à Saint-Etienne car le
bassin d'emploi y était réel et suffisant, donc nous n'arrivions pas en plein
désert, explique Patrick Didier, directeur de Carrefour services clients. Il
nous a d'ailleurs déjà permis de faire évoluer notre personnel en interne en
proposant à bon nombre de nos téléacteurs de revêtir le statut de superviseurs.
En outre, lors de notre arrivée, nous avons fortement apprécié les mesures
d'accompagnement, en matière de recrutement, mises à notre disposition. » Les
agglomérations doivent donc faire un véritable effort d'innovation en matière
de recrutement et de formation. Nous ne pouvons pas ne pas citer à cet égard la
ville d'Amiens qui a su faire montre d'une incontestable innovation en la
matière, avec son école SupMediaCom ayant pour vocation de former à la source
et de diplômer téléconseillers et superviseurs. « La clé de la stabilité
sociale repose avant tout sur une formation de qualité, déclare Joël Peron,
chargé du développement économique de la Ville d'Amiens. Les métiers de centres
d'appels en tant que tels s'apprennent, se diplôment et doivent permettre de
faire carrière. C'est pourquoi je recommande vivement aux entreprises de
s'implanter dans des villes qui ont des politiques de formation et surtout qui
sont dotées de filières de formation réelles, la recette du succès consiste en
effet à fournir une main d'oeuvre qualifiée et toujours en quantité suffisante.
» Il serait donc dangereux aujourd'hui de venir s'installer dans une ville qui
ne serait pas capable de proposer du savoir-faire dédié, des compétences et des
cycles de formation. Sous peine de ne plus disposer, à terme, d'une main
d'oeuvre suffisante et de ne pas pouvoir faire évoluer régulièrement les
équipes en interne. « Impossible d'attirer sans stratégie ni flux de formation
; tout le monde sait construire des bâtiments mais cela ne suffit plus »,
reprend Joël Peron. Les collectivités locales ne doivent plus se contenter de
faire du développement économique uniquement sur des offres immobilières :
elles doivent étendre une telle démarche sur des compétences métiers et
s'afficher comme multisectorielles. Il est donc clair que, si les offres
locales ne se professionnalisent pas rapidement sur des compétences métiers,
les régions reproduiront vite le modèle parisien caractérisé par du turn-over
élevé. Selon Xavier Gelot, il ne faut pas pour autant trop pousser les
collectivités à investir en la matière car les risques de mobilité à terme sont
bien réels. « Si les villes se mettent à entreprendre de gros investissements,
que ce soit en matière de recrutement, de formation ou d'immobilier, elles
risquent bel et bien de ne jamais pouvoir les rentabiliser notamment si elles
accueillent des outsourcers : elles doivent donc se montrer prudentes
lorsqu'elles mènent de tels investissements », précise-t-il. Xavier Gelot n'a
pas trop d'inquiétude à avoir : la plupart des offres exhibées par les
collectivités sont plus que limitées. En effet, elles se résument pour beaucoup
à de l'immobilier, quelques subventions et sont relativement pauvres en matière
d'aide au recrutement, à la formation et d'environnement social d'envergure : «
Pour attirer les centres, nous misons sur une méthodologie de recrutement, des
équipes dédiées, une qualité de vie ainsi que des bassins d'emplois qui
permettent de compter sur une bonne stabilité de la population recrutée. En
revanche, nous ne souhaitons pas investir systématiquement dans la construction
de crèches, centres sportifs et autres complexes sociaux car cela serait bien
trop difficile à rentabiliser », explique Philippe Baylet, chargé de mission au
sein de Midi-Pyrénées Expansion. L'innovation ne semble donc pas figurer au
menu sur la carte de la majorité des régions. Qui apparemment continuent de se
battre essentiellement sur le terrain des subventions et restent encore
frileuses, même si elles affirment le contraire, sur de l'investissement à base
de formation, de recrutement adapté mais également d'infrastructures sociales.
« Il faudrait que les villes commencent à penser à accueillir différemment en
mettant l'accent sur des zones dotées de crèches, de supermarchés, de commerces
de proximité, de complexes sportifs », confirme Eric Dadian, président de
l'AFRC (Association française des centres de relation clientèle) et président
directeur général d'Intra Call Center. Et de poursuivre : « Seules celles qui
sauront se démarquer à ce niveau pourront espérer attirer des centres pour du
long terme et non pour seulement trois ou cinq ans. Elles n'ont donc aucun
souci à se faire quant à la rentabilisation de tels investissements. »