DossierL'expérience client cross canal vise l'excellence
Sommaire
1 Anticiper les attentes clients
Par choix ou parfois par nécessité, les consommateurs diversifient la manière dont ils entrent en relation avec les marques pour chercher une information en ligne avant d'acheter en point de vente, passer une commande sur le site de la marque ou sur une place de marché, réserver un rendez-vous en boutique, engager une conversation sur une application, se plaindre sur Twitter... Face à ce mouvement de fond, qui s'est encore accéléré en 2020, l'expérience client cross canal -et son corollaire d'opportunités à transformer- s'est logiquement hissée en haut de l'agenda des entreprises. Ce qui soulève bien des challenges, face à des consommateurs de plus en plus exigeants, aux attentes variées et aux parcours imprévisibles. Dans certaines circonstances, un même client voudra être autonome et aller au plus vite quand, à d'autres, il sollicitera des interactions personnalisées et des propositions pertinentes...
Dans un monde où 66% des clients ont l'impression d'être considérés comme "de simples numéros", proposer différentes options et une continuité entre les canaux reste un facteur de différenciation, souligne Salesforce Research dans l'édition 2021 de son focus sur le client connecté. À plus forte raison depuis que la crise sanitaire a habitué chacun à combiner les expériences, brouillant plus que jamais les frontières entre physique et digital. "L'e-commerce est devenu une commodité mais les clients ont besoin d'un lien émotionnel en point de vente. Le click-&-collect a changé la manière d'interagir avec le client au sein d'une alliance homme-machine. Les ventes sur smartphone répondant à une logique d'instantanéité, une appli mobile devrait offrir le même niveau d'expérience qu'en boutique...", observe Grégoire Pauty, principal strategist Business Innovation Design chez Adobe EMEA.
2 S'adapter et anticiper
Les marques qui veulent offrir des parcours "frictionless" -intégrés et fluides- tentent d'anticiper toutes les possibilités d'interaction. Quitte à entrer parfois dans une course effrénée aux points de contact: un réseau physique et/ou un site e-commerce côté ventes, des outils de communication et de marketing qui se déploient de plus en plus sur le web et les réseaux sociaux, des chatbots et des applications conversationnelles disponibles 24h/24 en plus des outils classiques (téléphone, mail, contact avec un conseiller) pour la relation client...
"Que l'on multiplie les canaux ou que l'on propose des alternatives sur lesquelles se reporter, le seul point de contact qui vaille, c'est le client. Si l'IA détecte son humeur dans la conversation, la marque peut aussi travailler sur l'empathie et s'adapter à un irritant qui peut venir d'ailleurs, ce dont le frictionless ne se rend pas toujours compte", témoigne Sylvain Harault, directeur Solutions senior Europe de l'Ouest chez Pegasystems. Attention aussi à ne pas trop scénariser les parcours pour retrouver des points d'interaction.
En 2020, l'augmentation des volumes d'interaction sur tous les canaux a montré l'importance de repenser les parcours. En trois mois, Oracle a déployé sa solution cloud sur le centre de contact de Carrefour, qui souhaitait harmoniser ses canaux traditionnels et numériques. L'enseigne a ainsi pu résoudre 95% des demandes clients et accroître de 20% la productivité de ses agents. L'amélioration de l'expérience a permis de faire progresser la satisfaction client de 4% et de soigner l'image de la marque. Les parcours digitaux lancés à l'été 2020, orchestrés avec Pegasystems et basés sur le principe d'une question par étape, ont également permis à BPCE de signer dès le mois de décembre son 100000e e-contrat d'assurance.
3 Mieux assembler les données client
La donnée client étant devenue critique, capter l'ensemble des signaux utiles dans un seul espace -par exemple dans une Customer Data Platform (CDP) qui nettoie, analyse et défragmente les données clients- est une priorité pour acquérir une vue à 360° et améliorer l'expérience cross canal. "Augmenter la base avec des données tierces que le client laisse sur le digital et dans les réseaux physiques, y compris les boutiques qui n'appartiennent pas à la marque, permet ensuite d'alimenter l'écosystème et de lui donner de l'intelligence pour activer la meilleure interaction sur le bon canal", fait valoir Emmanuel Obadia, vice-président marketing chez Oracle Marketing Cloud Product. À chaque marque de rebondir sur les signaux qu'elle détecte! "Si un opérateur télécom qui change sa tarification voit qu'un client vérifie sa facture dans son espace client, il peut engager la discussion pour demander s'il a besoin d'explications, par exemple en mode chatbot. L'intelligence artificielle associée au conversationnel sur ces outils peut rendre aussi beaucoup de services: proposer un conseil en ligne ou une recommandation, voire orienter le client vers un choix de produits quand il est déçu par un achat en ligne", poursuit-il.
Les systèmes historiques gagnent à être fluidifiés et partagés au sein de l'entreprise, ce qui est souvent loin d'être le cas. "Pourtant, 54% des consommateurs s'attendent à ce que les différents services communiquent entre eux pour une meilleure expérience. Quand un commercial appelle un client, les outils doivent signaler si la personne est coincée sur un problème plus ancien ou faire remonter un événement qui justifierait de changer la nature d'un contrat", rapporte Olivier Nguyen Van Tan, VP Marketing France chez Salesforce.
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Chaque évolution est l'occasion d'identifier les irritants et d'évaluer l'aptitude au changement en interne. "Faire évoluer les process de manière progressive rassure et suscite l'adhésion des équipes. On peut prévoir une liste de parcours à unifier sur différents canaux ou monter progressivement en puissance, comme l'a fait Transavia", relate Sylvain Harault. Quand la compagnie low-cost a travaillé avec Pegasystems sur la gestion des réclamations, le service a été déployé sur 40% des clients éligibles. Les premiers retours ont permis de lancer les adaptations nécessaires avant de le déployer sur 100% de la cible, puis de s'atteler à la vente de services additionnels.
4 De nouvelles propositions de valeur
Face à des clients aux comportements hybrides, les enseignes s'adaptent. Adobe développe par exemple des applications mobiles exclusivement dédiées à l'expérience en boutique et destinées à être utilisées dans cet univers. "Il est important de valoriser l'expérience physique par le social, en proposant des espaces dédiés ou un rapport privilégié au conseiller. La marque gagne à mettre en place une relation plus intime avec son client: son panier d'achat augmente et il passe moins de temps en magasin à faire du showrooming", affirme Grégoire Pauty. Des applis de clienteling permettent aux vendeurs de contextualiser et d'anticiper les attentes du client. "Elles sont particulièrement utiles dans les circuits de distribution où le client a moins d'autonomie. Dans l'hyper luxe, ces applis permettent de ne pas déplacer tous les produits en boutique. Quand il est fabriqué à la demande, le client pourra s'approprier le produit et visualiser son rendu sans avoir à le toucher", ajoute-t-il.
La vidéo s'avère utile dans une stratégie d'audience cible. "Même réalisée sans moyens importants, elle peut révéler l'identité de la marque et se montrer très efficace pour fédérer les communautés, assure Julia Cames, Senior Marketing Manager France de HubSpot. En interne, les tutoriels sur l'utilisation d'un produit, tout comme les livres blancs et les formats longs, peuvent alimenter les équipes commerciales sur des thématiques comme la diversité ou les nouvelles façons d'acheter. Ils permettent aussi de retrouver une émotion que l'on n'a plus autant qu'avant derrière les écrans."
Les parcours fluides n'excluant pas les doutes rétroactifs, le site e-commerce d'Adidas les a intégrés dans ses process: "La marque donne deux heures de réflexion au client pour retrouver sa commande et la modifier s'il a des regrets. Ce temps offert avant la préparation de la commande évite au client une expérience négative et permet à la marque de réduire l'impact des frais de retour", avance Olivier Nguyen Van Tan de Salesforce. Dans toute recherche d'excellence sur l'expérience client, les mécaniques gagnent à être challengées.
"Certaines marques qui avaient beaucoup automatisé leurs programmes de fidélité basés sur des montants de dépense ont pu dégrader l'expérience si elles n'ont pas été assez vigilantes. Des clients privilégiés ont été déclassés alors qu'ils n'ont simplement pas pu payer leur écot à la marque en 2020", souligne Hélène Chaplain, associée chez Deloitte. Si les clients s'engagent bien volontiers et se montrent fidèles aux entreprises dont ils partagent les valeurs et l'engagement sociétal, attention aux retours de bâton, même en cas de simple maladresse. Depuis que le client aligne ses attentes sur les standards des champions de l'expérience client cross canal, il ne se contente plus de promesses. Il attend avant tout des preuves d'excellence!
Les marques allient de plus en plus les canaux physique et e-commerce, self care, réseaux sociaux et conversationnel.
5 "Repenser les approches de connaissance client permet d'engager les bonnes stratégies"
Pourquoi l'expérience client cross canal reste à ce point d'actualité?
Une expérience client pertinente et agréable pour le client et efficace pour l'organisation nécessite des transformations qui touchent à la culture d'entreprise, à sa vision et aux moyens qu'elle y consacre. Elles se rendent alors compte du travail à mener pour casser les silos qui existent encore, provoquent des coupures dans les parcours et l'expérience utilisateur, dans les outils et donc dans les données. Les clients n'acceptent plus ces freins, surtout quand d'autres marques ont porté leur exigence à un niveau inégalé, qu'ils attendent désormais dans tous les secteurs.
Comment optimiser cette expérience?
Il faut acquérir une bonne connaissance client et être capable de la restituer au bon moment: savoir où il se trouve, quelles sont ses attentes, son canal privilégié, comment il souhaite qu'on s'adresse à lui et à quel moment... Dans la plupart des entreprises, ces informations sont gérées par des entités différentes, qui ont parfois chacune leur système d'information. Entre le marketing-communication, le marketing opérationnel ou le CRM, le réseau de vente et le service clients, on a souvent quatre visions différentes d'un même client, ce qui crée des frictions. Repenser les approches de connaissance client, écouter les réseaux sociaux pour comprendre qui sont les gens qui parlent de votre marque, sur quels supports et quels canaux ils s'expriment, ce qu'ils disent... permet ensuite d'engager les bonnes stratégies. Attention toutefois à ne pas trop scénariser les parcours pour retrouver des points d'interaction. Le process est souvent l'ennemi de l'expérience.
Faut-il aller toujours plus loin dans la personnalisation?
C'est toujours un pilier fort de la relation client mais pas forcément celui sur lequel les marques sont les plus avancées. Peut-être parce qu'il y a une confusion sur ce que l'on entend par personnalisation. Souvent, on pense à une démarche qui va jusqu'à la personnalisation de l'offre. Or, tous les secteurs ne peuvent pas aller jusque-là. Les solutions de plus en plus intégrées permettent en revanche de personnaliser la relation par la reconnaissance de l'interlocuteur ou en faisant remonter un contexte.
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François-Xavier Leroux, associé Digital & Customer chez KPMG France, fait le point sur les avancées en matière de connaissance client et de personnalisation de l'expérience.
6 "L'expérience client se questionne dans son intégralité"
Que nous a appris 2020 sur l'expérience client cross canal?
Les canaux digitaux, longtemps vécus comme un mal nécessaire, ont permis de sauver le business et l'hyper virtualisation a remis le relationnel au centre, car le client ne peut se satisfaire durablement du pur transactionnel. On a dépassé les oppositions entre relation humaine et digitale, entre les canaux virtualisés et ceux qui misent sur l'humain pour revenir aux fondamentaux: une interaction humanisée. Les pratiques de social selling s'appuient sur des conseillers de vente qui retrouvent une forme de liberté, ce qui oblige les marques à être beaucoup plus claires sur leur raison d'être. Leurs valeurs doivent transparaître sur l'ensemble des points de contact et dans toutes les dimensions de l'expérience: les canaux, les services, les programmes.
Comment orchestrer cette cohérence?
Comme le temps passé sur les points de contact privilégiés a changé et que le consommateur planifie davantage son parcours, les entreprises doivent réfléchir à la notion de destination, faire des arbitrages vers plus de différenciation ou de singularité dans l'expérience proposée. Cela suppose de mieux comprendre les occasions de contact, transactionnelles ou juste expériencielles, de retravailler les points de contact, les formats de magasins... Les marques avec des promesses et des ancrages très forts sont capables d'avoir des partis pris, de répondre à la recherche de relation plus que de services. Celles qui n'y parviendront pas pourront parfois échouer, alors même qu'elles avaient acquis une certaine maturité en travaillant sur l'excellence de leur expérience client.
Toutes les cartes sont-elles rebattues?
Pas complètement, mais il faut réfléchir à l'expérience client dans son intégralité. Les marques ont longtemps ajouté des canaux et essayé de les corréler pour éviter les irritants. Aujourd'hui, il faut vraiment les requestionner. Voir quelles sont les expériences qui font sens pour un consommateur aux sensibilités différentes et plus exacerbées sur certains sujets, notamment la transparence et la bienveillance.
Hélène Chaplain, associée leader du secteur Consumer Products chez Deloitte, enjoint aux marques de retravailler les occasions de contact avec leurs clients.
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