[Tribune] Rester joignable : le défi des services clients face à la crise
Avec le confinement, les services clients ont été placés au pied du mur : assumer les conséquences d'un service dégradé ou se transformer en un temps record. L'enjeu pour les entreprises ? Ni plus ni moins que la confiance de leurs clients, et donc leur fidélité.
Avec le confinement, les services clients ont été placés au pied du mur : assumer les conséquences d'un service dégradé ou se transformer en un temps record. L'objectif pour les entreprises ? Ni plus ni moins que la confiance de leurs clients, et donc leur fidélité. Si l'enjeu dépasse le cadre de la crise sanitaire (provisoire par définition), cette même crise agit comme un révélateur : seules les organisations véritablement agiles parviennent à se transformer en dépit des circonstances - mieux, à voir dans ces circonstances l'occasion de faire peau neuve. Question de volonté et d'agilité, sans doute, mais aussi de résilience.
Avance rapide : l'adoption accélérée des modalités digitales
Le télétravail, pour un téléconseiller, on pourrait penser que ça ne pose pas de problème... Eh bien si. C'est même un véritable casse-tête pour les entreprises, peu ou pas préparées à gérer des appels en home office. Qu'il s'agisse du matériel, de la sécurité ou encore des serveurs, aucun dispositif réellement éprouvé, avant la crise, n'était prévu pour permettre au service client de continuer à fonctionner en dehors des centres d'appels. Dès lors, la digitalisation est apparue comme le moyen de faciliter la transition en réduisant sensiblement le volume d'appels entrants. La digitalisation de la relation client n'est certes pas née avec la crise, et c'est heureux, mais la situation a brutalement mis en lumière quelques-uns de ses avantages, à commencer par une dépendance beaucoup moins grande aux aléas sanitaires et sociaux qui touchent les équipes. D'où une prise de conscience très large et la volonté d'accélérer les process et la transformation digitale.
De fait, on s'est rendu compte avec la crise que des processus de décision et de validation pouvaient passer de plusieurs mois à quelques semaines, voire quelques jours pour les plus efficaces : une leçon à tirer pour l'avenir, l'expérimentation et le mode test & learn étant appelés à devenir le mode opératoire habituel des entreprises. Car si cette volonté d'accélération répond d'abord à des contraintes inédites, elle doit être pensée comme une solution pérenne, et non pas seulement comme une réponse provisoire. Pour la concrétiser, il faut être capable de casser les process ordinaires et de mettre en place une organisation agile. C'est ce qu'ont fait de nombreuses entreprises en réduisant notamment le nombre d'interlocuteurs dans des projets et des prises de décision qui en impliquaient beaucoup plus. Tout cela, sans rogner sur la qualité des décisions. Sans nuire non plus à la cohésion des équipes que de tels process allégés, facilités, fluidifiés, semblent au contraire renforcer.
À situation extraordinaire, mesures adaptées (et expérience améliorée)
Parce que la crise sanitaire est une situation inédite qui, on le voit bien, décuple l'importance des choses et exacerbe les passions, elle est aussi une occasion unique de se différencier, un temps pendant lequel l'expérience client compte double. Faire de ce moment compliqué le lieu d'une expérience améliorée, voilà ce vers quoi les entreprises doivent tendre. Les clients finaux peuvent être mieux servis malgré le contexte de crise. On pourrait même dire : doivent être mieux servis à cause du contexte de crise... Pense-t-on que les attentes des particuliers qui appellent leur service client sont moindres ? Sans doute non. C'est pourquoi les parcours clients doivent être repensés, et les processus de contact, adaptés.
Car si chacun peut comprendre que le service client de son assurance, de sa banque, de son fournisseur d'énergie ou d'accès à internet, ou encore de tel site de vente en ligne rencontre des difficultés liées au contexte sanitaire, le client final sera d'autant plus sensible à la manière dont les entreprises ont su s'adapter à la crise (et pas seulement en modulant l'amplitude horaire des téléconseillers), c'est-à-dire anticiper et gérer ces difficultés. On peut effectivement annoncer à ses clients qu' " en raison de la situation liée au Covid19, nos services ne sont pas en mesure de répondre à tous les appels ", que " les mesures mises en places dues à l'épidémie entraînent un temps de réponse allongé ", etc. On peut tout miser sur la patience et la compréhension. Pari risqué... Il paraît plus sage en effet de considérer que la situation pourrait durer (ou se répéter) et de tendre vers des dispositifs capables de se soustraire aux raz-de-marée successifs des crises sociales et sanitaires. On ne construit pas en zone inondable.
Faire mieux avec moins : l'agilité et l'innovation comme réponses à la crise
Disons-le clairement : les circonstances mettent à jour les capacités de réponse des entreprises en éprouvant leur agilité, soit leur aptitude à se transformer en fonction de la situation. Si le confinement contraint de nombreux téléconseillers à travailler depuis chez eux, où ils ne disposent pas du matériel ou de la tranquillité ad hoc, il faut non seulement adapter les horaires et les modalités de prise en charge, mais aussi - et surtout - limiter la prise en charge par un conseiller aux seuls cas qu'un processus digital ne peut assurer. Si l'on dispose de moins d'agents pour répondre au téléphone, il faut faire en sorte de réduire les appels entrants sans pour autant dissuader les clients d'appeler. On a vu ainsi plusieurs acteurs majeurs de la banque ou de l'assurance casser leurs process ordinaires de décisions pour faire face au défi des irritants clients en période de crise ; on a vu ces organisations s'adapter et, comme gagnées aux principes de l'innovation frugale, réussir à faire mieux avec moins.
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En effet, certaines marques pourtant connues pour la qualité et la rapidité de réponse de leur service client, habituellement autour de 95% de taux de décroché, sont tombées à 25% pendant le confinement. Rendez-vous compte : 3 appels sur 4 restant sans réponse ! On a beau faire la part des choses, une expérience client de ce genre passe mal. D'autant que les appels sont eux-mêmes souvent liés à la crise sanitaire. Qu'un conseiller ne soit pas immédiatement disponible, cela peut se comprendre. Mais à l'heure du numérique, des solutions intelligentes, des bots et des chats, on comprend mal qu'un appel sonne indéfiniment dans le vide ou d'entendre dix fois un répondeur vous répéter que toutes les lignes sont occupées : " merci de rappeler ultérieurement "... Si l'on se veut, si l'on se dit " customer centric ", il me semble que le client final ne doit pas noter de différence dans la qualité de service pendant la crise. Ou plutôt si : il doit noter une amélioration. Ce n'est pas une gageure, mais le prix de la résilience des organisations qui ne sont pas restées " confinées " dans leurs habitudes. Qu'on se le dise !
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