Recherche

[Enquête] Objets connectés : de nouvelles perspectives

Samsung Watch, le bouton Darty, les Google Glass, BMW i3, Delsey Pluggage, Nike plus Fuel Band... Le monde des objets connectés a révolutionné la manière dont les marques s'engagent auprès de leurs clients. Et le phénomène ne devrait que s'amplifier, à l'avenir. Tour d'horizon.

Publié par Sihem Fekih le - mis à jour à
Lecture
13 min
  • Imprimer
[Enquête] Objets connectés : de nouvelles perspectives

Selon la dernière étude du cabinet de recherche IDC, plus de 3 milliards d'objets connectés seraient présents sur le marché mondial. Un chiffre qui devrait dépasser les 20 milliards d'ici à 2020, toujours selon la même étude. En France, la tendance entame tout juste sa phase de croissance. D'après Markess International, spécialisé dans l'analyse des marchés des technologies du numérique et des stratégies de modernisation des entreprises et administrations, une entreprise sur dix travaille sur un projet lié aux objets connectés et deux entreprises sur dix se disent prêtes à en mener un à plus ou moins long terme.

Depuis 2011, date qui marque l'affranchissement des technologies sans contact - au coeur du mécanisme des objets connectés -, la dualité entre granularité du service clients et personnalisation de l'inter­action demeure une prérogative. Pourquoi ? Tout simplement parce que les objets connectés représentent autant de portes ouvertes sur les préférences des consommateurs et leur degré de satisfaction.

La relation client connectée : une réalité de marché

Antoine Ruff (Wax Interactive)

Derrière les objets connectés, il existe plusieurs passerelles. Pour Antoine Ruff, directeur général de l'agence digitale Wax Interactive, il s'agit d'un triptyque homme-lieu-machine. C'est-à-dire qu'à chaque objet connecté correspond une application intelligente (la machine), qui renferme des informations spécifiques destinées à une typologie d'utilisateurs, en l'occurrence des clients, dans un contexte particulier comme un magasin, un bureau, ou encore un espace public. Mobilité oblige, les utilisateurs accèdent aux informations à l'aide de leur smartphone ou de leur tablette. La connexion entre le terminal mobile et l'objet connecté est établie grâce à un champ électromagnétique, dans le cas d'une connexion wi-fi et sans contact, ou par radiofréquence (Bluetooth). Parallèlement, on peut relier l'objet connecté à une plateforme en ligne pour analyser les comportements des utilisateurs : combien de fois les informations sont consultées, quels objets rencontrent le plus de succès, qui consulte, à quel moment, etc.

>> Lire la suite de l'article page 2

À SAVOIR - Technologie sans contact : NFC ou Bluetooth

Il existe deux grandes familles de technologie sans contact.

La première connue sous le nom de NFC est une technique de communication sans fil à courte portée entre un smartphone et une étiquette (tag RFID) ou un composant électromagnétique. De faible débit, la communication ne permet de faire circuler qu'un faible volume d'informations, mais ne nécessite aucune source d'énergie en dehors de celle fournie par les lecteurs au moment de leur interrogation. Le NFC peut être utilisé en mode émulation de carte. Dans ce cas, le terminal mobile - smartphone ou carte - renferme des informations chiffrées : un moyen de transport, un mode de paiement, des coupons... En mode lecture, le NFC permet au terminal mobile de lire les informations délivrées par des étiquettes RFID ou des flashcodes. Enfin, le NFC fonctionne aussi en mode "pair-à-pair" pour faire transiter des informations comme des contacts de carnet d'adresses entre deux terminaux mobiles.

Deuxième catégorie de technologie sans contact, le Bluetooth est parfois complémentaire d'une technologie NFC. Cette liaison sans fil assure des échanges par ondes radio sur une courte distance. La dernière génération, Bluetooth 4.1, date de 2013 et a été conçue dans le but de préparer la démocratisation de l'Internet des objets. Elle présente l'avantage d'être faible en consommation d'énergie et peut contenir une adresse IPv6 pour se connecter directement à Internet sans l'intermédiaire d'un smartphone.
Exemple de fonctionnalités : paiement, billetterie, titres de transport (carte Navigo), coupons de réduction, contrôle d'accès, échange de contacts, domotique.

Pour Samuel Hassine, cofondateur de la plateforme Busit permettant d'interconnecter des objets connectés et des services web, les directeurs de la relation client ont donc tout intérêt à intégrer les objets connectés dans leur processus métiers, car de leurs usages découlent de nouvelles fonctionnalités. "Notre plateforme facilite, entre autres choses, la récolte des données ou les interactions entre applications métiers (CRM, ERP, portails...). Autre avantage, la plateforme rend possible l'automatisation de certaines tâches. En intégrant un module de veille marketing, nous pouvons, par exemple, analyser les nouvelles tendances auprès des consommateurs, ou encore établir de nouveaux points de contact auprès de clients et de prospects et, ainsi, constituer ou consolider sa base de données en collectant les coordonnées de clients qui passent commande sur une borne connectée."

Le bracelet Nike est destiné aux sportifs (enregistrement de fréquence cardiaque, calories brûlées...).

Meilleur exemple en date, le Nike Fuel Band. La marque américaine obtient déjà des résultats impressionnants à la suite du lancement de son bracelet fin 2012, qui permet aux sportifs de recueillir des informations sur leur activité. Fréquence cardiaque, nombre de pas, calories brûlées... toutes ces données sont relevées grâce à des capteurs intégrés dans le bracelet et enregistrées directement dans l'application Nike +. Celles-ci sont communiquées par Bluetooth, pour les détenteurs d'iPhone, ou téléchargeables sur un ordinateur via une connexion USB. Parallèlement, la marque a créé une plateforme communautaire, Nike +, pour intégrer les données collectées afin que les consommateurs partagent leurs résultats et leurs pratiques physiques. À fin 2012, Nike enregistrait un bénéfice, pour sa branche équipement, en hausse de 18 % contre - 1 % fin 2011(1). Sa force a été de rassembler une population hétérogène de sportifs autour de ses services.

En effet, il est non seulement possible de tracer son parcours physique sur la plateforme Nike +, mais aussi de consulter les conseils de sportifs sur leurs activités quotidiennes, voire de partager ses données sur les réseaux sociaux et challenger d'autres participants. Fin 2013, la plateforme Nike + a totalisé 18 millions d'utilisateurs, révèle le p-dg de la marque, Mark Parker. C'est l'échange de données entre utilisateurs qui a valu à Nike une relation client connectée gagnante.

>> Lire la suite de l'article page 3

(1) N. Godard, A. Natta, V. T., S. Datta and M. Quetant Esc Pau MBA franco-indien - avril 2014

Conquérir les derniers miles

Certes, avec l'explosion de la vente en ligne, la relation client connectée n'est pas une nouveauté. Mais pour le monde du commerce en magasin, elle pourrait bien représenter ce que les directeurs marketing ont dénommé "la conquête des derniers miles". En d'autres termes, la relation client connectée optimise le taux de transformation en magasin, dernier maillon de la chaîne de distribution, en proposant aux clients de partager leur expérience aussi bien dans le monde réel que virtuel. Derrière cette formulation galvaudée se cache une volonté de garantir la bonne santé du commerce dans la vente physique.

Selon le dernier Baromètre Fevad/CSA (2014), l'e-commerce a représenté 9% du commerce total enregistré, hors alimentaire. Mais il affiche une progression de 11%, alors que le commerce traditionnel fait état d'une hausse de 1,1%. Ce constat confirme ainsi la tendance déjà dessinée par l'étude menée en 2013 par l'Atelier BNP Paribas et l'Ifop, selon laquelle moins d'un Français sur deux (49%) continue de réaliser ses achats quotidiens en magasin. Pour Antoine Ruff (Wax Interactive), il faut savoir tirer profit des leçons de l'e-commerce : " Le canal on line a transformé une faiblesse - l'expérience d'achat - en force grâce à différents services innovants, explique-t-il. Recommandations personnalisées, création de listes d'envies, mise à disposition d'avis clients, accès à une recherche facile et intuitive, à des informations très détaillées sur les fiches produit, pas d'attente en caisse... Ces services innovants doivent désormais réintégrer le off line pour offrir la même qualité de service."

Des cintres intelligents, reliés à la plateforme C&A Fashion Lock, couplée à une page Facebook dédiée à la marque.

En 2012, l'enseigne C&A s'était montrée précurseur en développant une stratégie de conquête auprès des consommatrices par la mise en place de cintres intelligents. Réalisée au Brésil, l'opération consistait à intégrer une application sur chaque portant muni d'un écran digital et relié à la plateforme C&A Fashion Lock, couplée à une page Facebook dédiée à la marque. Son but : permettre aux visiteurs de liker les vêtements d'une ligne cosignée par Calvin Klein, qui s'affichent en temps réel sur les cintres. À l'issue du dispositif mis en place avec l'agence brésilienne DM9DDB, la page Facebook a enregistré plus de 90 000 vues et plus de 3 000 likes en cinq jours. Cerise sur le gâteau, C&A a délivré à chaque shoppeuse contributrice un code secret au bout d'un certain nombre de likes. La consommatrice la plus rapide pouvait ainsi débloquer le vêtement accroché au cintre en boutique, qui lui était offert. 100 % des vêtements ont été débloqués en moins de 24 heures, a révélé l'agence DM9DDB.

>> Lire la suite de l'article page 4

La personnalisation aboutie de la relation

Si les objets connectés créent des ponts entre les clients, ils sont aussi capables de renforcer ceux déjà établis avec l'enseigne. "C'est la clé, pour les responsables produits et les responsables de la relation client, ajoute Antoine Ruff, chez Wax Interactive. Les objets connectés ne sont pas des produits, ce sont des services. Chaque marque va donc devoir inventer un écosystème de services. C'est très complexe, mais cela offre de grandes opportunités." Lesquelles ? Tisser une relation plus étroite avec le client, développer un lien direct, collecter des informations parfois privées, valoriser des produits dédiés en sont quelques exemples. La meilleure démonstration reste encore celle de Darty. Quand l'enseigne spécialisée lance son bouton rouge, en juin 2014, elle n'a qu'un objectif : valoriser ses services sur la relation à distance.

Un click-to-call matérialisé

Mais le directeur des services et des abonnements, Vincent Gufflet, était loin de se douter que ce bouton rencontrerait un succès aussi rapide. Connecté en wi-fi au service client de la marque, il a conquis plus de 3 000 adeptes en moins de trois semaines après son lancement. "Les résultats de l'opération sont très satisfaisants. À ce jour, nous avons déployé plus de 25000 boutons Darty, physiques et dématérialisés - puisque le bouton peut aussi prendre la forme d'une application mobile", explique Vincent Gufflet. Le taux de résolution à distance atteint 50 % et Darty découvre que les requêtes concernent généralement la configuration ou le paramétrage des smartphones, des tablettes ou encore des écrans plats. La marque, qui a forgé sa réputation sur le contrat de confiance, compte bien poursuivre dans cette voie. "Pour ce qui concerne les retours clients, le niveau de satisfaction est exceptionnel sur la qualité du service et du suivi", assure Vincent Gufflet. Facturé deux ou trois euros par mois selon la gamme des produits couverts, l'abonnement assure une assistance sur l'ensemble du parc du client, sans limite d'ancienneté. "Nous voulons renforcer la personnalisation du contact vers un service premium. Nous pourrions imaginer une interaction plus sophistiquée avec l'objet, comme la prise en main à distance de certains produits en appuyant deux fois sur le bouton."

Vincent Gufflet (Darty)

À première vue, difficile de ne pas faire l'analogie avec le click-to-call. Une pression sur le bouton Darty génère une demande de rappel automatique auprès du service clients chez le consommateur. "Dire que nous avons matérialisé le click-to-call avec le bouton Darty ne nous choque pas, déclare Vincent Gufflet. En outre, l'un des avantages, pour le client, consiste à entrer en contact direct avec un conseiller ou un expert sans passer par un serveur vocal. En cela, notre service s'apparente beaucoup plus à celui d'une conciergerie."

>> Lire la suite de l'article page 5

À SAVOIR - Les iBeacons, quèsaco ?

La technologie iBeacon renferme un composant logiciel s'appuyant sur Bluetooth 4. Il s'agit d'un système qui localise le smartphone, à l'intérieur d'un bâtiment. Mais la technologie est surtout utilisée pour établir une connexion de proximité entre un smartphone et un composant Beacon. Ces derniers agissent comme des "phares" ou des "balises" très simples, qui émettent en Bluetooth un signal particulier. On peut, ainsi, loger un Beacon dans un modèle de chaussure en rayon et stocker des informations telles que les pointures et les couleurs du modèle disponibles. En approchant son smartphone de l'article, le consommateur verra ces informations s'afficher sur son écran. Toutefois, seuls les mobiles fonctionnant sous iOS ont accès à cette communication depuis qu'Apple a acheté le brevet de la technologie Beacon et limité la communication à son système d'exploitation. Les concurrents Android et Samsung ont dû développer leurs propres technologies baptisées respectivement Nearby et Proximity.

La relation client connectée : attention à la sécurité des données

Avec le bouton Darty, le client entre en contact direct avec un conseiller ou un expert sans passer par un serveur vocal.

Pour autant, la mise en oeuvre d'un projet de relation client connectée nécessite une phase de développement encore incompressible. "L'idée est née il y a plus d'un an, précise Vincent Gufflet. En reliant le bouton Darty en wi-fi, nous répliquons une infrastructure existante au sein de l'entreprise, puisque l'information reste hébergée sur des serveurs que nous gérons à distance." Outre l'investissement sur la plateforme technologique, Darty a également formé 5000 collaborateurs, entre septembre et octobre 2014, pour appréhender les questions des consommateurs. "Nous avons sélectionné un premier cercle de conseillers clientèle capables de traiter leur demande ou de transférer l'appel vers un expert Darty, si nécessaire. Le conseiller au bout du fil a donc accès à l'historique du client", développe Vincent Gufflet. Une réalisation qui confirme les recommandations du directeur général de Wax Interactive, Antoine Ruff. "Il faut adopter une approche prudente avec des usages qui décollent lentement, favoriser une phase d'expérimentation et une gouvernance lente et minimale", explique-t-il. Selon lui, le marché des objets connectés est encore très explosé et hétérogène, ce qui pose la question de l'interopérabilité de toutes ces solutions. "L'écosystème manque de normes, de cohérence, de législation, bref, de gouvernance", ajoute-t-il.

Pour Samuel Hassine, fondateur de la plateforme Busit, les fabricants de puces électroniques ont un rôle à jouer pour faciliter la navigation entre applications (CRM, solutions métiers, réseaux sociaux...). "La liste des objets connectés et des services continuant de s'allonger, le besoin d'interconnexion et d'interopérabilité est toujours plus grand, et les capacités des plateformes comme la nôtre ne cesseront de croître", explique-t-il. Le directeur général de Wax Technologie soulève également le problème de la sécurité des données et met en garde contre les risques de piratage. " La NFC présente certaines failles. Les iBeacons, par exemple, sont facilement exposés au piratage. Reste à définir qui endossera la responsabilité en cas d'incident ", indique-t-il. Chez Busit, la problématique est d'emblée évoquée. "Lors des premiers développements de la plateforme, nous voulions avant tout construire un système basé sur la sécurité (chiffrement asymétrique des données, certificats individuels) et le plus ouvert possible aux adaptations (développement de connecteurs ouvert, API documentée...)", déclare Samuel Hassine.

Bien que certaines initiatives aient prouvé leur efficacité, il n'existe aucune solution idéale et universelle pour déployer des objets connectés au service de la relation client. Comme le souligne Antoine Ruff, la meilleure stratégie, pour chaque marque, consiste à décrypter et comprendre les attentes de ses clients afin de concevoir le meilleur dispositif.

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page