On vous déteste et c'est génial
Quel pire cauchemar pour une marque que de se voir assujettie à une polémique, à la suite de retours controversés sur les réseaux sociaux ? Et si je vous disais que cette même situation de faiblesse cachait potentiellement une force ?
Chaque jour, ce sont des millions de mentions de marques qui sont générées sur les réseaux sociaux et plateformes d'avis. Parmi celles-ci, on estime qu'entre 10 et 15 % d'entre elles sont de nature négative. Mais partons du principe que la marque courtise le consommateur jusqu'à ce qu'il lui dise OUI. Les disputes permettent de nourrir la relation, et quel couple n'en a jamais connu ?
La critique laisse place à une considération envers la marque et lui permet d'être remise à sa place. Parce que le hater, c'est celui qui tweet tout haut ce que les autres nient ou négligent, il peut être catalyseur de croissance pour les marques. Son biais de négativité suscitera des réactions qui feront d'une expérience une perception, et ainsi donnera naissance à de nouvelles croyances sur la marque, ses services ou ses produits. Avant de comprendre le mécanisme caché derrière leur comportement, il est important de déceler les différentes typologies de haters.
Portrait d'un incompris
Les gens aiment parler d'eux. Et ils parlent d'eux quand ils parlent des autres. Dire "j'aime" ou "je n'aime pas", "je suis d'accord" ou "je ne le suis pas", c'est communiquer une opinion au-delà d'une contestation, et les haters ne font qu'exprimer ce qui leur est propre. Somme toute, ils sont attachés à une même vérité : se faire remarquer, mais surtout, se faire valider. Leur expérience compte. Leur opinion compte. Leur personne compte.
Mais tous ne se comportent pas de la même façon... D'abord, il y a celui qui a été déçu, parce que son café n'était pas assez chaud. Puis il y a le puriste nostalgique qui dira "c'était mieux avant". Il y a celui qui conteste les idéologies, parce qu'il pense mieux que les autres. Celui qui défend la concurrence, parce que sa communauté, c'est sa famille. Sans oublier l'expert auto-proclamé qui "peut mieux faire", du moins, selon lui. Et enfin, le pessimiste qui, avant même d'avoir goûté, n'aime pas ! Ce sont tous ceux-là qui ont des choses à vous dire, à dire de vous, mais surtout d'eux.
Toutefois, émettre une critique pour une marque, quelle qu'elle soit, c'est la considérer. Une critique authentique reflète des perceptions réelles et les marques doivent les accueillir pour encourager la culture de la transparence. Elle est la lumière sur des vérités cachées, la crevasse pour révéler l'engagement des marques et renforcer la confiance du public. La critique est une réelle opportunité de conversation pour les marques. Mais au fait...
Depuis quand on se plaint ?
Se plaindre d'un bien ou d'un service, ça ne date pas d'hier. Un des premiers avis négatifs documentés remonte à 1750 av. J.-C. où un acheteur se plaignait sur une tablette d'argile de la mauvaise qualité de son achat et du traitement subi lors de la transaction. Dans les années 80, des forums de discussion comme Usenet ont vu émerger les avis consommateurs en ligne. Le géant Amazon innove dès ses débuts en intégrant directement les avis à sa plateforme, misant sur la transparence et la confiance.
Depuis, les communautés d'intérêts se sont développées et ont incité les marques à renforcer leur transparence, leur authenticité mais aussi leur sympathie pour améliorer leurs biens et services ainsi que leur communication asynchrone.
Le négatif attire le positif
En écoutant sa communauté, une marque peut changer sa perception. En 2019, Liebig a lancé #EatYourTweet, envoyant à ses détracteurs une soupe accompagnée de pâtes alphabet pour recomposer leurs tweets critiques. Plus récemment, Burger King a détourné les commentaires négatifs de ses haters pour sensibiliser au harcèlement scolaire avec Les Papillons, grâce à la campagne "Nous pouvons supporter la haine, un enfant beaucoup moins".
Les marques ne doivent pas reculer face à ces commentaires mais faire preuve de répartie, car cela plaît aux consommateurs. C'est d'ailleurs ce que révèle le rapport 2024 de BrightLocal qui explique que la majorité des consommateurs sont enclins à acheter auprès d'une marque en fonction de ses réponses aux commentaires, positifs ou négatifs. Mais les avis négatifs peuvent se révéler positifs, comme le prouve une autre étude menée par la Harvard Business Review. Ils peuvent faire croître les ventes auprès des consommateurs qui s'identifient fortement à la marque. Les recherches de la HBR, menées auprès de fans de football américain, ont montré que les avis négatifs de sources socialement éloignées suscitent une réaction protectrice chez les consommateurs.
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Addict au négatif
L'esprit humain accorde plus d'attention et est plus affecté par les expériences, les informations ou les stimuli négatifs que par ceux qui sont positifs ou neutres. Ce phénomène est connu sous le nom de biais de négativité. Les événements négatifs ont souvent un impact émotionnel plus fort, ce qui facilite leur enregistrement dans la mémoire à long terme.
Du côté des internautes, l'algorithme des réseaux sociaux est construit de sorte à retenir l'attention des utilisateurs. Ainsi, les contenus négatifs auront tendance à être mis en avant car plus "captivants". En fait, les sujets polémiques peuvent stimuler la libération de dopamine dans le cerveau humain. Cela se définit par un signal motivationnel qui peut pousser à l'action, où en d'autres termes, inciter les internautes à réagir en commentant, partageant ou en réagissant. La dopamine intervient dans la perception, l'attention et d'autres mécanismes cérébraux.
En d'autres termes, les marques ne doivent en aucun cas négliger les commentaires et les avis négatifs. En embrassant les critiques et en engageant le dialogue avec leurs détracteurs, les marques peuvent transformer la négativité en opportunité de croissance durable. Les haters sont une chance pour gagner en popularité puisque leurs retours ouvriront les chakras des internautes les plus avertis. Si les marques n'y prêtent aucune attention, elles se positionnent comme peu tolérante et empathique. En répondant, les marques se montreront transparentes avec les consommateurs mais surtout plus humaines. Et quoi de plus humain que l'erreur, à condition de la reconnaître ?
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