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DossierLes opérateurs télécoms face au défi de la connexion permanente

Les réseaux mobiles et internet ont pris une place plus que centrale dans nos vies personnelles et professionnelles. Garants de ce quotidien connecté, les opérateurs télécoms sont au coeur d'évolutions technologiques et d'une double mutation de marché (fibre et 5G), qu'ils conjuguent avec des attentes accrues en termes d'expérience client omnicanale.

Publié par CHRISTINE MONTFORT le
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1 Les opérateurs télécoms face au défi de la connexion permanente

Les actes de vandalisme, qui ont touché dans les premières heures du 27 avril 2022 le réseau de fibre optique de quelques grandes villes de France, n'ont pas seulement entraîné des ralentissements et des coupures d'accès à internet chez de nombreux clients de Free et SFR. Les médias se sont emparés de cette attaque « d'une ampleur sans précédent », selon la Fédération française des télécoms (FFT), les pouvoirs publics ont ouvert une enquête pénale... L'événement est révélateur de l'importance que les télécommunications ont pris dans nos vies, avec des premiers messages d'abonnés impactés publiés dans la nuit sur Twitter, comme de la résilience des réseaux puisque le service a été rétabli en quelques heures. Côté opérateurs, il témoigne d'une gestion proactive de ce type d'incidents - qui arrivent aussi lors de travaux - avec des messages signalant aux abonnés que le problème est identifié et pris en charge par leurs équipes.

Dès le printemps 2020, la crise sanitaire a montré l'importance de la robustesse des réseaux et de la qualité des débits pour continuer à échanger avec des proches et se divertir, mais surtout travailler, étudier, faire des courses ou consulter un médecin. Rien de tel qu'une visio pour illustrer la fracture numérique ! Les nouveaux besoins ont accéléré la transition du réseau ADSL vers la fibre. « Les besoins en connectivité sont croissants et la demande client est élevée », reconnaît Jean-François Rodriguez, directeur de l'expérience client du groupe Orange, qui procède en France à « 10 000 raccordements fibre par jour ». Chez SFR, le service client en appel entrant est devenu le premier canal pour cette évolution : « On profite de chaque appel pour signaler au client qu'il est éligible et lui proposer de faire la migration ensemble », indique Sébastien Rubaud, directeur de la relation client grand public.

Alors que la fibre a vocation à remplacer d'ici 2030 le réseau historique en cuivre sur lequel fonctionne l'ADSL, l'explosion de la demande est une aubaine pour les fournisseurs d'accès à internet (FAI) : « La marge sur un abonnement fibre étant beaucoup plus élevée que celle de l'ADSL, les opérateurs ont tout intérêt à ce que l'ADSL décline le plus vite possible », observe Jalil Lahlou, directeur de la BU Telecom & High-Tech chez Webhelp. Elle l'est aussi pour les outsourceurs, qui connaissent une vraie pression sur les coûts et dont les capacités de cross-sell - vendre du mobile à un client box ou l'inverse - se tarissent sur des bases client déjà très exploitées. Dans la quête de nouveaux clients, la fibre est une bouffée d'oxygène : « Quand un opérateur fibre une commune, il dispose d'une priorité sur la vente pendant plusieurs semaines. C'est donc la course pour transformer ces 'prises fraîches' avant que les autres opérateurs ne puissent se positionner. Nous mettons sur le dossier nos meilleurs conseillers qui appellent les clients au plus tôt pour pouvoir les faire migrer », ajoute-t-il.

Le passage de la 4G à la 5G sur le mobile soulève clairement moins d'enthousiasme et s'est même montré assez décevant d'un point de vue commercial, le bénéfice associé n'ayant pas convaincu les Français de souscrire à des forfaits mobiles plus chers. Une sorte de rappel de l'importance du prix sur un marché français atypique, où quatre opérateurs - quand la plupart des pays n'en comptent que trois - se livrent une concurrence acharnée sur leurs offres principales ou low-cost. La France affiche de fait les tarifs les plus bas d'Europe avec un prix moyen de 25 euros pour un forfait fixe et 14 euros pour un forfait mobile en 2020, contre 45 euros dans les deux cas en Allemagne, 44 et 36 euros en Espagne (source FFT). Toute la filière s'en trouve impactée : les opérateurs doivent sans cesse proposer des offres plus alléchantes et les outsourceurs - dont les télécoms sont les premiers clients en France - recourir toujours plus à l'off-shore

Dès le printemps 2020, la crise sanitaire a montré l'importance de la robustesse des réseaux et de la qualité des débits pour continuer à échanger avec des proches et se divertir, mais surtout travailler, étudier, faire des courses ou consulter un médecin.

2 Des attentes clients renforcées

Des attentes clients renforcées

Les services clients internes ou externalisés sont très sollicités, et pas seulement en raison du nombre de clients. « Contrairement à d'autres industrie comme l'électricité, où la responsabilité de l'opérateur de service s'arrête au compteur, nous allons un pas plus loin avec le wifi, la télévision et la téléphonie via nos box installées chez les clients... Ils attendent un service sur l'ensemble de la chaîne car nos services sont utilisés en continu », signale Jean-François Rodriguez. Ces deux dernières années n'ont pas été sans conséquence pour le secteur, qui n'a pas toujours été bien considéré par les Français : « Les clients ont expérimenté des services dans de nombreux secteurs, où ils sont habitués à trouver des solutions omnicanales sans couture, des livraisons très rapides, de plus en plus de services autour des abonnements et services achetés. Ils attendent cela de tous les secteurs y compris dans les télécoms », constate Chrystel Abadie Truchet, directrice commerciale et client de Bouygues Telecom. « Les opérateurs ont beaucoup d'atouts car ils disposent d'un grand nombre de données en temps réel mais leurs systèmes d'information sont souvent compliqués car ils ont été organisés par métiers (abonnés box, mobile...). Cet héritage ne facilite pas la vue 360° du client ou une connaissance des besoins du foyer », relate Erwan Le Duff, CEO d'Odigo et ancien SVP Telecom & Media de Cap Gemini.

Simplifier la prise en charge des clients par des conseillers mieux formés faisait partie de la feuille de route de SFR dans la transformation de sa relation client. Le groupe a aussi tiré parti de la technolgie et de l'IA. S'inspirant d'une fonctionnalité de diagnostic avant décroché mise au point il y a quelques années par Belgacom, il a coconstruit un nouvel « arbre de diagnostic » qui guide les conseillers pas à pas, du décroché jusqu'au raccroché. « Dès que le client signale dans le serveur vocal interactif qu'il appelle pour une question technique, l'outil procède à certaines vérifications. Le délai de décroché étant court possible, souvent moins de 60 secondes, tout n'est pas finalisé. Beaucoup d'auto-réponses doivent être complétées avec un minimum de questions au client... L'automatisation d'une partie des tâches est un axe sur lequel on continue à travailler car il y a encore beaucoup de possibilités à explorer », avance Sébastien Rubaud. Sur trois ans, la satisfaction client a progressé de 20 %, « avec une très forte hausse ces derniers mois » et le taux de réappel été réduit de 40 %, notamment grâce à des SMS interactifs permettant d'indiquer par 1 ou 2 si la panne est résolue.

La proactivité est également majeure dans la continuité de service : « Si nous décelons des problèmes sur les réseaux mobile ou fixe, nous en informons le client et nous lui proposons immédiatement une solution d'attente, par exemple avec un galet 4G à retirer en boutique ou en ajoutant des Gigas sur son forfait mobile », détaille Chrystel Abadie Truchet. Des solutions de plus en plus didactiques permettent au client de s'auto-dépanner. Quand les interactions avec le service client restent nécessaires, plusieurs canaux gagnent à être étudiés. « Le chat live a provoqué une explosion des coûts car il impliquait moins d'off-shore que ce que les opérateurs pratiquaient avec le téléphone. L'instant messaging ou le messaging avec des réponses dans un délai court sont utiles pour régler au plus vite tout ce qui concerne les supports. Le reste peut être géré en escalade avec le téléphone, qui remettre de l'humain dans la relation », pointe Erwan Le Duff. La vidéo se prête bien aux diagnostics techniques. Elle s'avère aussi très utile pour recréer du trafic en boutique, dont la fréquentation en sortie de Covid reste en retrait chez tous les opérateurs.

Les clients ont expérimenté des services dans de nombreux secteurs, où ils sont habitués à trouver des solutions omnicanales sans couture, des livraisons très rapides, de plus en plus de services autour des abonnements et services achetés.

3 Diversification de l'offre et des canaux

Dans un secteur où les réseaux sont souvent partagés, la préférence de marque reste un vrai défi. « Nous faisons un effort très important sur toutes nos géographies pour que les réseaux Orange soient optimisés en termes de couverture et de qualité. C'est notre ADN d'opérateur historique. Orange est aussi une marque forte et internationale, qui crée de l'attachement, tout comme l'aspect premium des boutiques et la qualité de la relation client », explique son directeur de l'expérience client. La qualité de service est pilotée via le NPS avec l'objectif stratégique, à horizon 2025, d'arriver en tête des scores NPS de son secteur dans 80 % des 26 pays où le groupe est présent. C'est déjà le cas dans environ « 70 % d'entre eux ».

L'up-sell, sur lequel les centres de contact travaillent en appel est un autre levier : « Nos conseillers proposent les nouvelles box et nouveaux décodeurs qui sont plus intelligents et performants. Nous mettons aussi en avant les offres de contenus sur lesquels travaillent beaucoup les opérateurs : des bouquets télé, les chaînes spécifiques que proposent par exemple Orange ou SFR, des abonnements à Netflix, la VOD à la demande... », précise Leslie Herluison, directrice projets chez Armatis. Plus le client souscrit de services chez une marque, plus il lui est fidèle...Les réseaux sociaux peuvent s'avérer utiles pour proposer du care et de la vente. Au Luxembourg et plus récemment en Espagne, Orange a testé des formes de live commerce avec des vendeurs en boutique qui se filment et apparaissent sur les réseaux avec un clic to action pour vendre un nouveau smartphone ou proposer une nouvelle offre en one to many. « C'est le début de l'aventure et on teste des choses, plutôt sur Facebook ou Instagram, peut-être ensuite sur TikTok. Les opportunités existent à très court terme. Il faut prendre garde aux travers et, notamment, bien regarder sur ces plateformes à qui va appartenir la data », fait valoir Jean-François Rodriguez. Des données très convoitées qui, gérées de manière responsable, sont le socle d'une confiance qui s'entretient en temps réel comme sur la durée.

Plus le client souscrit de services chez une marque, plus il lui est fidèle...Les réseaux sociaux peuvent s'avérer utiles pour proposer du care et de la vente.

4 Télécoms et outsourceurs : une relation ancienne, industrialisée et concurrentielle !

Les opérateurs télécoms externalisent depuis de longues années leur relation client. Ils ont au fil des ans développé « une éthique et des règles de pression commerciale pour éviter la sur-sollicitation des clients et prospects, assure Etienne Cantenot, directeur de partenariats chez Armatis. Les opérateurs définissent le nombre de fois par mois ou par an qu'un même client pourra être contacté par différents moyens. Nous balayons différents horaires pour trouver le moment où le prospect sera disponible, mais nous devons par exemple prévoir un temps minimum de 24 heures entre deux tentatives. Ces règles étant gérées dans leur CRM, elles s'appliquent en interne comme aux différents prestataires outsourceurs. » Ce qui n'empêche pas les acteurs moins soucieux du respect du client de laisser un goût amer chez les particuliers...

La pression sur le recrutement d'abonnés est telle qu'elle façonne la relation avec les donneurs d'ordre. « Les dispositifs sont très industrialisés, tant sur notre capacité à répondre que pour apprécier si un client est promoteur de la marque, si l'appel a été efficace... Le suivi des indicateurs quantitatifs et qualitatifs est extrêmement important dans ce secteur. Ils sont parfaitement maîtrisés par tous, suivis de manière hebdomadaire avec des benchmarks de nos concurrents, sur lesquels nous avons des bonus-malus », note Jalil Lahlou, directeur de la BU Telecom & High-Tech chez Webhelp. Il s'inquiète d'ailleurs des évolutions qui pourraient toucher l'arsenal juridique autour de la télévente (opt-in, types de numéros, plages d'appels...) : « Le taux de décroché et de contact pourrait s'effondrer. Le modèle économique serait mis en danger dans un secteur aussi concurrentiel et tendu que celui des télécoms. »

Les opérateurs télécoms externalisent depuis de longues années leur relation client. Ils ont au fil des ans développé une éthique et des règles de pression commerciale pour éviter la sur-sollicitation des clients et prospects.

5 Le reconditionné trouve peu à peu sa place dans les offres et les usages

Tout comme leurs clients, les opérateurs télécoms veulent s'inscrire dans des usages plus responsables. Le reconditionnement offre un potentiel important de réduction de l'impact environnemental de la filière. Selon l'Arcep, 870 000 téléphones ont été collectés en 2020, dont 710 000 en vue de leur reconditionnement. Une goutte d'eau par rapport aux 20 millions de téléphones mobiles vendus chaque année en France et au fait que 53 % des appareils inutilisés seraient conservés par leur propriétaire, mais un mouvement est lancé... Bouygues Telecom s'était montré précurseur en proposant, dès 2011, des téléphones reconditionnés et des offres de reprise dans un programme opéré par la start-up ReCommerce. Les autres opérateurs avaient suivi, souvent avec ce même partenaire.

« Si nos clients souhaitent se servir de leur téléphone plus longtemps, nous devons leur apporter l'ensemble des réponses pour le faire, note Chrystel Abadie Truchet, directrice commerciale et client de Bouygues Telecom. En 2021, nous avons lancé un programme complet Solutions Smartphone Durable, qui couvre toute la vie du produit et ne cesse de s'enrichir pour avoir une proposition à la hauteur de ce qu'attendent les clients. » La réparation, lancée avec WeFix chez Fnac Darty, est disponible dans les boutiques depuis février 2022. La reprise des mobiles - 256 194 pièces collectées en 2021 - est toujours proposée à tous (clients ou prospects), le recyclage a été ouvert aux entreprises et grands comptes... Depuis 2021, une application Mon empreinte smartphone permet à tous les Français de connaître les détails de sa consommation 4G/5G et Wifi et leur équivalent en grammes de CO2.

Dans une étude parue fin avril 2022, l'Arcep alerte sur la consommation énergétique des réseaux fixes et mobiles, qui représente moins de 1 % de la consommation électrique totale en France mais augmente en moyenne de 5 % chaque année. Les écarts entre les technologies sont importants : le mobile est deux fois plus gourmand que le fixe, mais un abonné fibre consomme environ 4 fois moins de KWh qu'un abonné cuivre. Utiliser le wifi pour téléphoner à la maison est un geste de sobriété énergétique !

Les opérateurs télécoms veulent s'inscrire dans des usages plus responsables. Le reconditionnement offre un potentiel important de réduction de l'impact environnemental de la filière.

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