Les consommateurs français tiraillés entre plusieurs idéaux de consommation
Kantar dévoile une synthèse des tendances de consommation qui ont rythmé 2020. La crise sanitaire a amplifié et accéléré des tendances de consommation déjà à l'oeuvre depuis quelques années. Les marques sont exhortées par les Français à s'engager plus pour l'environnement et le bien-être animal.
Alors que tout un pan de l'économie a été mis en suspens, l'alimentation est apparue une valeur plus qu'essentielle : une valeur refuge. Les marchés des PGC (produits de grande consommation)-FLS (Frais libre-service) à domicile ont bénéficié de la fermeture des restaurants et du télétravail. Ils ont ainsi connu une croissante inédite de près de 8% en valeur sur l'année, boostés lors du premier confinement, à +14,5%, avec des ménages qui ont réagi en accumulant des stocks. Au mois de mars, la consommation de PGC s'emballe et enregistre une progression de +20% sous l'effet de stockage fait sur des catégories comme les pâtes ou le papier toilette. La croissance reste soutenue au déconfinement mais ralentit, et reprend de plus belle dès le deuxième confinement avec des évolutions très enviables de +9% en moyenne.
"Les confinements n'ont pas fait l'impasse sur la convivialité. À ce titre, les alcools et les produits apéritifs ont bénéficié de fortes croissances, souligne Gaëlle Le Floch, experte Kantar. La crise sanitaire a installé un nouvel hygiénisme individuel. En effet, un autre marché qui n'a pas connu la crise est celui des produits d'entretien pour la maison qui répondent à l'obsession du moment de tout aseptiser : ils continuent de performer, de même que les savons, les gants, ou les nettoyants ménagers."
En parallèle de ces variations de marchés, l'aspiration à une consommation plus sobre - qui était déjà bien amorcée avant la crise sanitaire - s'est renforcée : c'est une volonté vers plus de naturel, moins de superflu. À ce titre, les vêtements (Textile et accessoires: - 19% en valeur à fin novembre 2020), la mode, le maquillage (-25% en valeur sur l'année 2020) sont devenus moins essentiels pendant les confinements, car les rituels de beauté et vestimentaires ont changé avec le télétravail. Pour Gaëlle Le Floch, "moins dépenser pour son look risque de perdurer".
C'est avant tout la préoccupation "Santé" qui influe les choix des Français : 79% d'entre eux craignent que les aliments qu'ils mangent nuisent à leur santé. Les Français tendent à adopter un régime fléxitarien en consommant moins de viande : 40% déclarent réduire leur consommation de produits carnés, avant tout pour une question de santé. "Pour des raisons éthiques mais également écologiques, les industriels doivent accompagner cette tendance. Le respect du vivant, de la nature, nous pousse vers des repas comportant une part de végétal de plus en plus importante, au détriment de l'animal. L'avènement du bien-manger s'accélère."
Pour aller plus loin : Des consommateurs à la recherche d'une consommation plus locale et responsable
La préoccupation Santé drive les choix de 48% des Français vers le Bien-Manger. Au centre des préoccupations, la peur d'être contaminé. Cette crise a aussi provoqué un choc dans la population française, qui a réalisé que la France importe 50% de ses fruits et légumes. La question de la souveraineté alimentaire a été remise sur la table. 79% des consommateurs veulent privilégier les produits locaux, d'origine France, les marques de PME et la vente directe pour les produits frais traditionnels sont aussi plébiscités par les consommateurs. "Cette crise a aussi fait émerger une nouvelle vision de l'agriculture, la confiance des Français aux agriculteurs a fait un bond de 4pts depuis janvier 2020. Certains n'ont pas hésité à les qualifier de sauveurs de la nation, on est ainsi passé de l'agri-bashing à la ''grande armée de l'agriculture française''", interprète Gaëlle Le Floch.
L'année 2020 a permis de voir émerger une nouvelle tendance de consommation : le homing
"C'est avant tout une philosophie de réappropriation de son intérieur :le fait d'orienter ses achats pour se sentir bien à la maison " explique Gaëlle Le Floch. Avec le télétravail, de nouveaux rituels se sont installés. Les Français se sont adaptés et ont testé de nouvelles pratiques culinaires, grâce à de nombreuses ressources en ligne. Ils se sont également octroyé des pauses plaisirs : les ventes de chocolat (tablettes de chocolat +21%) ou de confiseries ont également connu un rebond pendant les confinements. En renouant avec les produits bruts, en faisant du bricolage ou du jardinage, ils ont aussi mesuré au passage le travail nécessaire pour produire des produits de qualité.
Confinés chez soi, avec un accès limité aux magasins, les Français se sont tournés vers la toile pour faire leurs courses de première nécessité. La part des ventes en ligne atteint en 2020 8,3% du marché des PGC-FLS, une part de marché historique en hausse de près de 2pts vs 2019. L'afflux de nouveaux clients est à l'origine de cette croissance, on ne compte pas moins de 2,5 millions de nouveaux acheteurs cette année par ce circuit de distribution, qui a séduit aussi les seniors, pourtant jusqu'alors très sous-utilisateurs de ce format.
Pour aller plus loin : L'e-commerce alimentaire prend son envol
"Nous distinguons déjà deux lignes de fracture sociale très nettes entre ceux d'une part qui subissent une forte dégradation de leurs revenus et les autres, et d'autre part entre les seniors et les millennials." En effet, les moins de 35 ans sont plus touchés par les difficultés (33% d'entre eux déclarent "boucler difficilement voire jamais la fin du mois" et ont tendance à se reporter davantage vers les MDD (marques de distributeurs) économiques et EDMP ( Enseignes à Dominante Marque Propre), d'autant que l'activité promotionnelle a été perturbée une grande partie de l'année.
La recherche de prix bas revient au centre de l'échiquier
Les shoppers privilégient les enseignes bien positionnées historiquement en prix, comme Leclerc, Intermarché ou Lidl. Et pour des achats malins de produits non alimentaires (dentifrices, confiserie, entretien), ils sont de plus en plus séduits par les solderies et les déstockeurs comme Action, ou bien se tournent vers les achats d'occasion : 72% des Français déclarent avoir recours au marché de la seconde main (Le Bon Coin, Vinted...) pour économiser ou dépenser moins. "La recherche de prix se dispute à la recherche de qualité, difficile de savoir ce qui l'emportera" selon Gaëlle Le Floch. Mais les experts Kantar n'observent pas encore de rebond significatif sur les MDD malgré le contexte, et les marques nationales se portent plutôt bien (le niveau de confiance des consommateurs a progressé d'un point vs 2019). En parallèle, les Français se disent plus avertis sur le coût réel de leur alimentation et ont intégré que la qualité a un prix ; 69% d'entre eux sont prêts à mettre le prix dans des produits de qualité.
L'écologie avait déjà marqué un tournant en 2019, mais depuis, le confinement a été propice à l'introspection pour de nouveaux Français. La priorité écologique va s'exacerber et désormais 20% des Français y sont très sensibles. Ces consommateurs vont plus que jamais remettre en question le modèle de consommation, quand d'autres vont s'accrocher à l'ancien modèle plus statutaire, qui permettrait de se faire plus plaisir et de se réaliser. Cette crise a renforcé les adeptes d'une consommation plus frugale et plus responsable, qui passe d'abord par une consommation locale ou française, mais aussi par l'achat de produits équitables et naturels, le recours au vrac, ou des produits respectueux du bien-être animal.
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Ces consommateurs sont de plus en plus concernés par les déchets plastiques, et voudraient trouver plus de produits avec emballages recyclables. Les attentes des consommateurs envers les marques sont très élevées, car ils estiment que ce sont avant tout à elles d'agir et de les accompagner vers une consommation plus responsable : 43% d'entre eux pensent que ce sont les fabricants qui pourront avoir l'impact le plus important pour contrôler et limiter les dommages environnementaux. Pour autant, l'image de marque responsable n'est attribuée qu'à 9% des marques par les consommateurs.
Pour aller plus loin : Les stratégies RSE des retailers
Conclusion
* Le contexte sanitaire restera compliqué à minima sur le 1er trimestre 2021
* Le télétravail rentre dans les normes et va encore favoriser la consommation au foyer
* Une reprise OOH en demi-teinte qui profitera aussi à la consommation à domicile
* Dans ce contexte, les dépenses en 2021 devraient être inférieures à 2020 mais resteront très supérieures à 2019 : on peut estimer une baisse de 2% en valeur pour l'année 2021
Méthodologie :
Ces données sont issues de Worldpanel, échantillon de 20 000 foyers panélistes Worldpanel et calculées sur un univers " Généralistes ", (Hypers + Supers + Hard Discount + Proximité + Internet+ Circuits spécialisés), sur un ensemble de Produits de Grande Consommation et Frais Libre-Service (Alimentaire, Liquides, Hygiène beauté, Entretien). Univers de produits = dépenses des ménages ordinaires en PGC + FRAIS LS pour la consommation au domicile. Ces données sont issues d'un panel et ont donc une valeur de probabilité.
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