"De plus en plus, le marketing devient de la gestion de la data"
Directeur de l'acquisition de trafic Europe pour Odigeo, groupe issu du rapprochement de eDreams, Opodo et Go Voyages, Jérôme Laurent donne sa vision du marché et du marketing direct. Extrait du livre “Tout savoir sur l'acquisition et la fidélisation en ligne”, d'Hervé Bloch *.
Quels sont vos principaux défis à court et moyen termes ?
À court terme, nous devons mettre en place des synergies opérationnelles. Ce sont les défis de la gestion de plusieurs marques qui ont des gènes différents et sont encore concurrentes.
À long terme, notre effort se porte sur la fidélisation client. C’est une de nos problématiques depuis deux ans : nous rachetons sans cesse nos clients. Ils ont tendance, notamment sur le billet d’avion, à comparer l’horaire et le prix. Et à deux euros près, nous pouvons perdre la vente.
Comment pouvez-vous résoudre cette problématique ?
Nous devons trouver des mécaniques pour nous adresser au client au bon moment pour qu’il vienne directement chez nous sans passer par des leviers qui nous coûtent beaucoup d’argent.
Depuis un an, nous nous posons la question du traitement du client et du niveau de satisfaction à lui apporter par rapport au coût que cela représente et au bénéfice immédiat que l’on peut en retirer.
L’enjeu, c’est la connaissance client et son utilisation opportune. Cela doit faire évoluer notre métier : la distribution en ligne classique “je trouve, je paie” est dépassée. Il faut que nous proposions des services à valeur ajoutée qui facilitent la vie du client pendant son voyage. Il faut prendre en compte son comportement social et mobile. Sur mobile, les usages augmentent de manière significative pour certains produits, comme la réservation d’hôtel en dernière minute.
Comment le consommateur évolue-t-il ?
Il est beaucoup plus aguerri. Nous le voyons dans les retours qu’il nous fait sur les réseaux sociaux, dans les questions qu’il nous pose de façon directe ou indirecte, dans ses réactions sur les forums…
C’est un consommateur très exigeant, de moins en moins dupe et très fin dans la façon dont il fait ses recherches. Le consommateur apprend et s’est très vite approprié les différents sites et services qui lui sont fournis par l’industrie du tourisme.
Quels constats dressez-vous en matière de connaissance client ?
Plus on creuse sur la connaissance client, plus on s’aperçoit qu’il y a une grande typologie de profils. Ça a un impact sur la manière d’acquérir du trafic et sur la façon dont nous servons ce consommateur. Aujourd’hui, les parts de trafic qui viennent des médias sociaux (3 %) et du mobile (5 %) sont encore faibles, mais elles sont train d’augmenter de manière significative. Ce sont des trafics qui sont de très bonne qualité. Nous avons donc intérêt à adresser le consommateur de façon différenciée selon le canal ou le support d’origine.
Quelles sont les faits marquants de 2011 ? Et ceux à venir ?
Je n’ai pas trouvé que 2011 était l’année du mobile, comme c’était annoncé. Pour nous, ça n’a pas significativement explosé. Mais le mobile est là et il y a beaucoup d’enjeux en termes d’usages et de technologie. Mettre en place un moteur de réservation de vol sec sur un terminal mobile n’est d’ailleurs pas aisé.
En revanche, le reciblage et le retargeting ont pris rapidement une place très importante dans les mécaniques d’acquisition de trafic. Chez Go Voyages, nous l’avons fait nous-même via de l’e-mail retargeting. De plus en plus, le marketing devient de la gestion de la data : sa collecte, sa maîtrise et son utilisation. Il faut faire parler les données de comportements d’achat en fonction des canaux d’acquisition, des bases de données CRM et des comportements site-centric. Ce sont des démarches que nous avons mises en place en 2011 et dont nous espérons tirer un bénéfice en 2012.
Comment vous adaptez-vous à la hausse des coûts d’acquisition ?
Les tendances sont là : tout tend à coûter plus cher. Mais la hausse des coûts d’acquisition dépend de votre capacité à négocier et à optimiser vos actions. Aujourd’hui, au niveau du groupe, les coûts d’acquisition sont maîtrisés, voire en légère baisse par rapport à l’année dernière. Sur le référencement payant, nous avons réussi à maîtriser les coûts d’acquisition en améliorant notre pilotage. Nous avons travaillé la longue traîne et les enchères automatisées nous amènent une productivité et une valeur ajoutée plus fortes. En revanche, nous avons considérablement ralenti les budgets tests.
Où en êtes-vous en matière de connaissance clients, de CRM, de fidélisation ?
Nous essayons de faire en sorte que la connaissance client améliore notre acquisition de trafic. Notre base de données CRM est nourrie par les comportements de navigation et, en post-achat, par des indicateurs de satisfaction intégrés au CRM : le Net Promoter Score. Il nous permet d’évaluer le niveau de satisfaction client. Nous faisons des analyses a posteriori du comportement d’achat des clients en fonction des niveaux de satisfaction. Un promoteur ou un détracteur ne sera pas traité de la même façon en e-mailing. Il faut donc récupérer ces données, les segmenter et donner accès, au call-center, à une partie de cette segmentation : un client n’est plus traité comme un dossier mais comme un consommateur avec son historique et sa valeur identifiés au moment de l’appel.
Comment se répartit votre budget e-marketing ?
Dans la génération de trafic, le search payant et les comparateurs de prix restent significatif. Ensuite, viennent l’affiliation et le CRM. Le dernier levier est le search naturel, notamment sur la marque Go Voyages. Mais le mix marketing est différent sur les marchés européens et selon les différentes marques. Sur un marché et pour une marque donnée, il est ensuite très différent en fonction du produit. En France, le mix marketing entre Opodo et Go Voyages est relativement proche : le search payant est prépondérant sur Opodo tandis que le CRM et l’e-mail marketing sont plus présents sur Go Voyages. Sur le package, la contribution des comparateurs est significativement plus faible. Le search prépondère beaucoup plus et l’e-mailing génère un maximum de ventes. En Espagne, le référencement payant est très puissant. Les comparateurs de prix n’ont pas pris la position qu’ils auraient pu avoir. Au Royaume-Uni, l’affiliation marche très fort, notamment via le couponing.
Au sein de votre entreprise, quel serait le meilleur cas d’école en acquisition et en fidélisation ?
Nous avons mené une réflexion sur les campagnes médias à la performance car elles commençaient à plafonner sur un certain nombre de produits. Nous avons réintégré le CRM et le comportement d’achat pour segmenter les clients et différencier l’exposition publicitaire selon les profils. Nous avons créé une base de cookies grâce à un tag spécifique posé sur le site qui nous donne des informations sur les produits, la destination, la date de départ et le prix. Cette base est complétée par le comportement des clients sur la newsletter. Nous pilotons notre média à la performance en fonction des schémas relationnels identifiés par ces cookies. Cela nous permet d’être plus efficaces et de mieux piloter nos coûts d’acquisition.
“Tout savoir sur… l’acquisition et la fidélisation on line” est le deuxième ouvrage d’Hervé Bloch. Le président de la société Digilinx et de l’Internet Managers Club est l'auteur des “7 Péchés capitaux du marketing digital”.
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