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Le recrutement avec "habiletés"

L'Agence Nationale Pour l'Emploi varie ses modes de recrutement en s'appuyant sur la "méthode des habiletés", développée par deux responsables régionaux. Celle-ci semble bien fonctionner dans le secteur des centres d'appels. Illustration avec l'agence ANPE de Toulouse.

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« Nous avons été en charge de l'intégralité du recrutement de Cegetel Services il y a trois ans, soit plus de 850 postes », évoque Chantal Bergomier, directrice de l'ANPE Toulouse Dewoitine. Quand Cegetel arrive fin 1997 pour étudier les possibilités d'implantation dans la région, la directrice de l'agence souligne le fait qu'elle souhaite aborder le recrutement de manière différente. « Sur Paris, l'opérateur cherchait en général des personnes de vingt-cinq/trente ans, avec bac + 2. Mais le fort turn-over de ces populations l'empêchait de créer des équipes stables », explique Chantal Bergomier. La responsable de l'agence locale propose alors à l'entreprise d'élargir ses recherches à d'autres types de profil, des gens plus âgés et moins qualifiés, en employant une méthode déjà utilisée avec succès, mais génératrice de polémiques. Méthode dite des "habiletés", mise au point par Georges Lemoine, directeur départemental ANPE des Deux-Sèvres, également professeur associé de sociologie à l'Université de Poitiers, et Pierre Liège, chargé de mission. Les services de l'ANPE de Toulouse Dewoitine ont donc commencé à récolter des candidatures, sans tenir compte de critères discriminants ni objectifs a priori, c'est-à-dire l'âge, le diplôme et l'expérience. Puis, ils ont observé le poste de travail et déterminé les "habiletés" nécessaires. Parmi les quatorze habiletés qu'on retrouve le plus fréquemment, quel que soit le poste, on peut identifier la capacité à progresser, à établir une relation humaine, à commander, à s'adapter, etc. Pour Cegetel, il fallait pouvoir communiquer en interne et en externe, de la flexibilité mais aussi de la constance. Deuxième phase de la méthode : des exercices de simulation, qui permettent d'identifier si la personne possède les habiletés recherchées à un niveau suffisant. « Nous procédons à un étalonnage, en donnant une note a minima », précise Chantal Bergomier. Résultat obtenu : sur 10 500 candidatures, 3 500 candidats ont passé ces exercices, ils ont permis au final 850 embauches.

BAISSER LE TURN-OVER


Outre une réussite chiffrable, la méthode alternative employée par l'ANPE a permis de faire baisser le taux de turn-over : « Nous avons le taux le plus faible de France sur ce genre d'activité, soit 3 à 4 % », se félicite la directrice de l'agence de Toulouse Dewoitine. Et ce, avec une moyenne d'âge de 31 ans, soit bien supérieure à ce qu'on trouve habituellement en call centers. Un tiers des effectifs n'a pas le bac, et l'une des personnes embauchées a 57 ans. Contrairement aux idées reçues, faire travailler ensemble des CAP fleuriste et boucher avec des bac + 2 ne pose pas de problème. Bien au contraire, semble-t-il. Suite à l'application des 35 heures chez Cegetel, l'agence a continué de recruter en suivant sa méthode, les dernières vagues ayant eu lieu à l'automne 2000. Depuis, Atos à Blois a utilisé la méthode des habiletés pour ses 140 recrutements. Ont suivi Leroy Merlin, Intermarché, etc. Pour Chantal Bergomier, les centres d'appels sont de deux types. Ceux qui continuent à fonctionner selon les standards du télémarketing, en émission d'appels, en embauchant des étudiants et autres vacataires, avec comme corollaire un fort taux de turn-over. Et ceux qui professionnalisent le poste de travail, forment les gens aux outils, comme la Maif, qui consacre trois mois à la formation après le recrutement. Cette méthode mise au point par Georges Lemoine et Pierre Liège est aujourd'hui employée par l'ANPE au niveau national. Elle permet de remettre dans le circuit des personnes en chômage de longue durée et rend des services certains aux secteurs en mal d'embauches, dont celui des centres d'appels. Pour l'inventeur de la méthode, nous menons quatre vies simultanément : professionnelle (ou scolaire), sociale, affective et personnelle : « Mon hypothèse est que, s'il existe en matière sociale des "moins", comme le manque d'expérience ou l'absence de diplôme, il peut aussi y avoir des "plus" dans les trois autres vies.» Les concepteurs ont donc fabriqué des exercices de simulation par analogie sur la totalité des sept formes d'intelligence mises en lumière. Le nombre de postes créés en centres d'appels (Atos, France Télécom, Cegetel) par le biais de ces habiletés s'élèveraient à 7 000 aujourd'hui selon le directeur départemental de l'ANPE des Deux-Sèvres. Et l'intérêt pour cette méthode commence même à dépasser nos frontières : Pierre Liège vient de partir au Maroc pour effectuer un recrutement de call center, celui-ci reposera, bien entendu, sur des "habiletés" locales.

Midi-Pyrénées peut accueillir 10 000 téléacteurs


L'ANPE possède onze points d'implantation dans le département de Haute-Garonne, dont sept agences à Toulouse. Chacune gère un secteur géographique par rapport aux demandeurs d'emploi. Parallèlement, chaque agence s'occupe d'un ou de plusieurs secteurs d'activité économique pour un ensemble du bassin d'emploi. Par exemple, Toulouse Dewoitine est en charge des télécommunications et du transport. D'après l'agence de développement Midi-Pyrénées Expansion, la région a un potentiel d'accueil de 10 000 téléacteurs. Quelque 4 500 positions sont déjà en activité à Toulouse, mais aussi Tarbes, Albi, Castres ou Montauban. Philippe Baylet, chargé de mission, obtient ce chiffre en appliquant un pourcentage de 1,5 % d'emplois dans les centres d'appels sur une population active qui représente 38 % du nombre d'habitants de la région, soit 2,5 millions.

Patrick Cappelli

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