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Comment s'expriment nos différences culturelles?

Chaque jour, nous sommes en contact avec des personnes issues d'autres cultures. Une dimension multiculturelle que la relation client se doit de prendre en compte, en respectant les différences de perception. Sans tomber pour autant dans la caricature!

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Comment s'expriment nos différences culturelles?

Pourquoi faudrait-il s'adapter à la culture de ses clients étrangers? La question mérite d'être posée. En effet, un touriste ou bien un homme ou une femme d'affaires en voyage en France ne devrait-il pas, au contraire, s'imprégner de la culture locale, apprécier l'art de vivre à la française et non chercher à retrouver localement les mêmes traditions que dans son pays d'origine? Pour Frédéric Aunis, président d'OpenMove et enseignant au sein du Master Management Interculturel de l'université Paris-Dauphine, la réponse est clairement non: "Le client itinérant globalisé représente un pourcentage du trafic en forte croissance avec un potentiel d'achat élevé. Et il s'attend à retrouver dans les magasins où il se rend les mêmes références que dans sa zone d'origine, où les relations commerçantes sont parfois bien différentes de celles que l'on trouve en France", pointe-t-il.

Autrement dit, si l'on veut faire des affaires avec des touristes étrangers prêts à dépenser des sommes importantes, mieux vaut se montrer conciliant et s'adapter à leurs attentes, en fonction de leurs références culturelles. Petit tour des différences culturelles à travers cinq thèmes qui peuvent créer des tensions.

Le rapport au temps

La vision du temps n'est pas la même d'un bout à l'autre du globe. Dans son livre L'intelligence interculturelle (éditions Charles Léopold Mayer), Michel Sauquet cite Edward T. Hall qui, dans les années 1980, a distingué deux modèles d'organisation du temps: le système polychrone et le système monochrone. Les individus polychroniques, généralement répandus en Amérique latine et dans le monde arabe, perçoivent le temps comme un point plutôt que comme une route: ils ne respectent pas les rendez-vous qu'ils n'hésitent pas à annuler, ne comprennent pas la notion de temps "perdu" et n'arrêtent jamais rien de manière ferme.

La devise française "Liberté, égalité, fraternité" est souvent un motif de perplexité dans d'autres cultures.

En termes de relation client, ils mettent davantage l'accent sur la qualité de la relation que sur le temps passé. Les individus monochroniques sont, quant à eux, organisés et évitent de se disperser dans plusieurs activités en même temps: ils programment leur vie, qu'elle soit professionnelle ou personnelle, en établissant des priorités. Ce rapport plutôt occidental au temps induit en relation client la nécessité d'aller rapidement à l'essentiel. "Il faut observer comment le client se comporte, s'il a envie de passer du temps avec le vendeur et d'établir une relation de qualité ou si, au contraire, il est pressé", conseille Laurent Goulvestre, formateur et conférencier dans le domaine de l'interculturel et auteur du livre Les clés du savoir être interculturel (Afnor éditions).

La gestion de l'espace

Autre sujet de tension possible, le rapport à l'espace, et notamment à son espace personnel. Il s'agit là de trouver la bonne distance à adopter face à son interlocuteur. Ainsi, dans certaines cultures, le contact physique est fréquent, alors que d'autres personnes perçoivent une trop forte proximité comme une intrusion. Dans son ouvrage, Michel Sauquet parle de "bulle", plus ou moins grosse, que chacun construit autour de lui: il convient, par conséquent, de ne pas entrer dans la bulle de l'autre afin que celui-ci ne se sente pas agressé.

Serrer la main aux clients n'est donc pas toujours une bonne idée! Les Américains préféreront un salut de loin, les Indiens, une révérence les mains jointes, les Japonais, une courbette... tandis que les Brésiliens aiment les accolades. La bise, trop française, est évidemment à proscrire, y compris dans les cultures occidentales. Laurent Goulvestre rapporte le cas d'une Canadienne qui avait très mal vécu le fait qu'une de ses relations d'affaires françaises lui ait fait la bise. Elle avait eu l'impression d'avoir trompé son mari.

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La façon d'échanger avec son interlocuteur est également importante. Face à des personnes issues de cultures asiatiques, Frédéric Aunis invite à ne pas hausser le ton de sa voix et à bannir des mots emphatiques tels que "génial" ou "fantastique". "En résumé, il faut éviter les exclamations", note-t-il. Au contraire, face à un Américain, il s'agira d'utiliser des superlatifs, au risque, sinon, de paraître trop fade à ses yeux. Les notions d'espace ou de proximité se retrouvent aussi dans les sujets abordés avec ses clients, qui seront plus ou moins intimes selon les nationalités: les Brésiliens n'hésitent pas à parler de leur vie personnelle et les Émiratis aiment échanger sur le sujet de la famille.

L'importance de la hiérarchie

Michel Sauquet le souligne dans son livre: "La devise française 'Liberté, Égalité, Fraternité' est souvent un motif de perplexité dans d'autres cultures, particulièrement en Asie". En effet, selon son âge, son sexe ou sa position sociale, l'individu occupe une place plus ou moins importante dans la société. En Chine, au Japon ou en Corée, le respect de l'âge est déterminant: on doit donc traiter les clients plus âgés avec déférence et s'assurer que leur avis est bien pris en compte. Dans certaines cultures, la hiérarchie est, elle aussi, importante: dans des relations d'affaires B to B, il faut bien en tenir compte et s'adresser uniquement aux chefs. Laurent Goulvestre conseille de doter les différents interlocuteurs, notamment les Saoudiens, d'étiquettes indiquant leur nom et leur niveau hiérarchique. "En revanche, avec les Allemands, les Américains et les Britanniques, la hiérarchie n'est pas présente. Ces nationalités ne comprendraient donc pas que l'on ne s'adresse pas aux techniciens pour les questions qui les concernent", souligne-t-il.

La hiérarchie, c'est aussi l'égalité entre les sexes. Selon les pays, les rôles sont fortement différenciés entre hommes et femmes et cette distinction doit être prise en considération dans la relation avec des clients. Et cette forte différenciation des sexes n'a rien à voir avec le degré de développement économique du pays, ni avec son occidentalisation. "Parmi les sociétés distinguant faiblement les rôles, on retrouve certains pays d'Europe du Nord, mais aussi certains pays latins (Costa Rica, Chili, Portugal...) ou ­d'Europe de l'Est. Parmi celles distinguant plus fortement les rôles, figure un grand nombre de pays anglo-saxons (Grande-Bretagne, États-Unis, etc.), mais aussi le Japon, la Chine, l'Afrique du Sud...", répertorie Michel Sauquet dans l'ouvrage L'intelligence interculturelle.

L'expression des sentiments

En France, la relation client cherche à procurer des émotions au client. Nous sommes rejoints sur ce point par les cultures latino-américaines et méditerranéennes, qui souhaitent vivre une véritable expérience dans les boutiques. "Avec les Anglo-Saxons aussi, il faut jouer sur les émotions et même forcer le trait pour démontrer que son entreprise, sa marque, ses produits sont les meilleurs", affirme Laurent Goulvestre. En Asie, au contraire, les gens n'expriment pas leurs émotions. "Ils ne veulent pas perdre la face et préfèrent rester sur des questions très instrumentales plutôt que livrer leurs sentiments", indique Frédéric Aunis. Avec ces clients, mieux vaut veiller à ne pas aller sur le terrain des émotions. Les questions doivent concerner les caractéristiques des produits et ne pas avoir trait à leurs préférences. "Avec certaines cultures, il faut même éviter les questions qui peuvent être prises pour une agression", avertit Frédéric Aunis. Laurent Goulvestre exhorte, dans ce cas, à mettre en avant la fiabilité de ses produits.

Sur ce point, Michel Sauquet cite une nouvelle fois Edward T. Hall. L'anthropologue américain distingue deux modes de communication selon les cultures: la communication implicite, qui utilise une diversité d'éléments non verbaux, et la communication explicite, dans laquelle les phrases exprimées transmettent la plus grande partie des informations. Pour les personnes qui usent de la communication explicite (les Américains, par exemple), un mot est un mot, l'expression est directe, sans détours. Pour celles qui pratiquent la communication implicite (Asie, Afrique, pays arabes), les silences, les regards et les mouvements du corps sont importants. Les chargés de clientèle doivent donc faire l'effort de prêter attention à ces éléments.

L'utilisation du digital

Pour certaines cultures, l'utilisation des nouvelles technologies, particulièrement le smartphone, est indissociable d'une bonne expérience client. "Pour les Indiens et les Africains, il est naturel d'utiliser le téléphone. D'ailleurs, dans leurs pays, des applications très pratiques ont été développées", raconte Laurent Goulvestre, qui invite à digitaliser la relation client à destination de ces interlocuteurs. Les Japonais et les Chinois sont, eux aussi, très friands des ­nouvelles technologies: leur téléphone leur sert pour toutes sortes d'actions du quotidien, notamment pour payer leurs achats. C'est pourquoi il peut être judicieux de leur proposer le même niveau de service. Frédéric Aunis cite le groupe chinois A.S. Watson, propriétaire de nombreuses parfumeries, drogueries et parapharmacies en Europe (Marionnaud, Superdrug, Savers, Kruidvat...), qui a lié un partenariat avec Alibaba pour permettre aux touristes chinois voyageant en Europe de régler leurs achats avec Alipay. "Ces personnes sont habituées à payer avec leur smartphone et ne veulent pas changer", insiste-t-il.

Halte aux stéréotypes!


S'il est important de prendre en compte les différences culturelles lorsque l'on s'adresse à ses clients, il ne faut pas non plus se montrer taiseux dès qu'un Asiatique franchit la porte et expansif face à une personne coiffée d'une casquette de base-ball. "Il existe un réel danger à caser les gens par culture d'origine, celui de tomber dans la caricature", avertit Frédéric Aunis. En effet, au-delà de leur culture, les personnes se différencient aussi par leur personnalité, leur humeur. Frédéric Aunis conseille donc d'observer son interlocuteur et ses réactions avant de tirer la moindre conclusion sur son rapport au temps ou encore à l'espace. "Les managers de boutiques et les vendeurs doivent aussi apprendre à se connaître eux-mêmes, savoir s'ils sont introvertis ou extravertis, humains ou instrumentaux... pour pouvoir changer de registre plus facilement", ajoute-t-il.

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