RSE : les outsourceurs s'engagent

Plus un jour sans que des sujets autour de la responsabilité sociale ou sociétale des entreprises (RSE) - ou "ESG" si l'on y agrège une notion de gouvernance et d'évaluation des actions et engagements - ne surgissent dans l'actualité. Les outsourceurs y répondent à plus d'un titre : en tant qu'entreprises avec leurs propres objectifs, en intégrant les attentes du consommateur final et des investisseurs, mais aussi comme activateurs et catalyseurs de la politique de leurs clients donneurs d'ordres.Tous les appels d'offres incluent désormais des critères RSE...

« Ces enjeux peuvent être vus comme quelque chose de très contraignant ou comme une opportunité, source de bénéfice économique et d'un avantage majeur sur le côté multiculturel et inclusion, note Patrice Mazoyer, président de Comdata France. Le groupe a aujourd'hui un plan de progrès et une stratégie RSE car c'est la bonne manière de faire du business. »

Selon Jérôme Duron, directeur du développement de Majorel, « on doit basculer d'une vision où la RSE représente l'empreinte que laisse notre activité dans son sillage à une RSE intégrée naturellement dans tout ce que nous faisons. »

Les spécialistes de la relation client externalisée doivent se conformer aux mesures d'ordre général, aux aspects propres à l'outsourcing (notamment sur le démarchage téléphonique) et à ceux des secteurs qu'ils représentent. « Face à ce millefeuille de réglementations, Armatis se positionne en apporteur de conseil pour nos clients et partenaires. C'est aussi le moyen d'entraîner les clients dans des pratiques vertueuses et de montrer que, dans des modèles économiques contraints, toute baisse des coûts impacte la qualité de service et les conditions de travail des collaborateurs », renchérit Tiphaine Trouessard, responsable RSE et conformité du groupe.

Vers une relation client bas carbone

Avec le dérèglement climatique, les objectifs environnementaux sont devenus prépondérants côté employeurs et collaborateurs. Membre depuis 2007 du programme Global Compact de l'ONU pour une société plus durable, Armatis fête chaque année les objectifs de développement durable (ODD). En 2022, tous les collaborateurs ont choisi un ODD en lien avec le climat. Sur le site de Tauxigny en Touraine, ils étaient par exemple réunis pour participer à un atelier autour de la Fresque du climat. En novembre 2022, le Comex de Webhelp a été formé aux causes et conséquences du changement climatique par le Shift Project et élargira progressivement la démarche au Top 2000 et aux fonctions les plus impliquées. Comdata a initié un programme C3 pour "Comdata Climate Change" et fait réaliser en six mois sur tous ses sites un bilan carbone "scope 3" (incluant les émissions indirectes de gaz à effet de serre, ndlr).

Les outsourceurs entrant dans le périmètre des objectifs carbone scope 3 des donneurs d'ordres, les attendus tendent à s'affiner. « Depuis quelques mois, certains clients demandent à passer sur une mesure mensuelle de l'impact. Sur nos sites du Royaume-Uni, des mini-capteurs positionnés à différents endroits mesurent l'électricité et l'eau consommée. Cela demande beaucoup d'efforts de mise en place, mais permet d'avancer dans le "change management" », assure Hanae Chino, directrice de la stratégie ESG groupe chez Webhelp.

Majorel, qui a mis en place une stratégie zéro carbone à horizon 2030, suit la consommation d'énergie « en watts de service produit » quel que soit le site sur lequel est fournie la prestation. Neuf des onze sites français d'Armatis sont déjà aux objectifs du décret tertiaire 2030 en matière d'économie d'énergie dans les bâtiments : « Un système d'extinction automatique des ordinateurs entre 22h et 4h du matin a été installé. Une partie des serveurs a aussi été virtualisée en Tunisie pour les mutualiser avec d'autres entreprises et éviter qu'ils ne tournent à moitié pleins », détaille Tiphaine Trouessard.

L'autoconsommation d'énergie solaire pourrait être une solution pour ce secteur électrivore mais, la plupart des outsourceurs étant locataires de leurs sites d'exploitation, installer des panneaux solaires nécessite de longues discussions avec les propriétaires bailleurs... « Dans les pays où nous opérons, il n'y a pas toujours de filière de tri ou de recyclage. Quand il n'existe pas de solution de valorisation, nous devons susciter ou créer la filière, ce qui fonctionne mais prend plus de temps », souligne Yan Leblanc, directeur développement ressources humaines et RSE de Comdata France. Les conseillers clientèle ont aussi un rôle clé pour relayer les informations sur le cycle de vie des produits et les solutions de recyclage, par exemple des smartphones, les opérateurs télécoms étant d'importants clients de l'outsourcing.

L'inclusion dans toutes ses dimensions

L'environnement n'est pas la seule expression de la politique RSE des outsourceurs. « Dans notre métier, l'humain est central, rappelle Jérôme Duron. Nous engageons nos collaborateurs dans une transformation en capitalisant sur leurs aptitudes pour les mettre ensuite au service de nos clients. Nous les accompagnons dans un processus de professionnalisation qu'ils pourront exploiter dans le groupe ou éventuellement ailleurs. » Sur les sites francophones de Majorel, des collaborateurs ont été formés pour travailler en anglais pour certains clients. En Afrique subsaharienne, une école permet de développer un savoir-faire et un savoir-être.

« L'enjeu de la protection des femmes et de nos collaboratruces nous a beaucoup animées depuis deux ans et nous continuons à adresser le sujet, note de son côté Tiphaine Trouessard. Le recrutement non différenciant est la valeur de l'entreprise la plus reconnue par nos collaborateurs. La politique de mobiltié progressionnelle progresse. 95 % des offres d'emploi sont ouvertes en interne et majoritairement pourvues sur ce périmètre. »

« Notre nouvelle Communauté ESG s'appuie sur une trentaine de "champions'" du sujet au niveau mondial. Ils présentent et partagent les meilleures pratiques dans les différents pays pour les appliquer sur l'ensemble des sites, en adaptant les actions aux besoins et aux contextes », explique Yan Leblanc. Au Maroc, le groupe a beaucoup investi dans un Health Care Center et lancé une campagne de réhabilitation d'un lycée pour filles au nord de Marrakech quand, en France, le travail porte plutôt sur l'attractivité du métier, notamment pour les seniors. Afin de progresser en matière de diversité et d'inclusion, le groupe conduit une enquête annuelle auprès de tous ses collaborateurs sur la manière dont ils vivent ces thématiques et dont les résultats le guident pour des plans d'actions.

Chez Webhelp, le recrutement inclusif représente déjà plus de 10 % des embauches et le groupe entend porter ce chiffre à 15 % avant de le stabiliser sur la durée.

« Ce n'est pas encore un automatisme pour toutes les parties et la démarche requiert parfois des ajustements au modèle traditionnel. Mais des études menées par exemple en Afrique du Sud montrent que le recrutement impactant amène une rétention plus importante et un NPS au moins égal ou supérieur à celui d'un recrutement traditionnel », fait valoir Hanae Chino.

Chaque bassin peut être travaillé selon ce prisme : le handicap et l'inclusion des femmes en Turquie, les jeunes sans emploi en Afrique du Sud, les chômeurs de longue durée en France...Pour ces groupes qui exercent sur des bassins d'emploi aux cultures et réglementations très diverses, certains aspects touchant à l'inclusion sont autant de défis à relever, témoigne-t-elle : « Nous devons désormais parler des questions LGBTQ+, y compris dans des pays qui ne reconnaissent pas toujours ces droits, mais où se trouvent les campagnes de nos clients qui, eux-mêmes, prennent position et s'engagent vis-à-vis des consommateurs et des sujets de société. La question du genre peut être sensible, mais nos collaborateurs doivent être capables de s'en emparer. »