[RSE] : Les marques de demain seront-elles plus militantes ?
Pour répondre aux attentes des clients, les marques s'engagent de plus en plus de manière sociétale et environnementale. Cependant, ces initiatives soulèvent régulièrement des questions sur la sincérité des entreprises.
Les marques s'engagent plus volontiers dans des initiatives sociétales et environnementales, communiquant abondamment sur la transformation de certaines pratiques pour accompagner les changements contemporains. Même lorsqu'elles sont adossées à des engagements réels et courageux, ces initiatives soulèvent régulièrement des questions sur la sincérité des entreprises à accompagner concrètement la transformation en matière de production, de consommation et d'usage.
Pour le citoyen non averti, il reste difficile de distinguer les différents indicateurs ou certifications mis en avant pour "mieux consommer" ou bien de comprendre les implications concrètes de certaines positions choisies par les marques, lorsque celles-ci indiquent renoncer à certaines pratiques, en particulier pour des raisons éthiques ou environnementales. Si le consommateur se montre plus exigeant et concerné par les impacts sur le bien commun, il reste soucieux des conséquences des crises successives sur son pouvoir d'achat. Lorsque l'engagement se compte en euros supplémentaires, l'arbitrage peut être difficile et un certain scepticisme l'emporter, surtout face à la frénésie communicante des marques, capables pour certaines de célébrer comme de remarquables avancées le simple respect des réglementations en vigueur.
Les entreprises investissent de plus en plus des territoires d'expression que l'on peut qualifier de "militants", accompagnant en cela les attentes de leurs clientèles et les évolutions sociétales. L'émergence de la RSE au sein des organisations, les travaux réalisés dans le cadre de la loi Pacte et de la société à mission ont offert une caisse de résonance importante chez les collaborateurs, promoteurs de transformation positive en interne. Les horizons stratégiques des entreprises mettent en avant des initiatives en rupture, au service du bien commun et pas uniquement du profit immédiat. Lorsqu'il s'agit de prendre position sur des causes sociétales brûlantes, le passage à l'action, notamment en termes de communication, peut apparaître toutefois risqué. En prenant la parole sur la lutte contre les discriminations, de grandes marques américaines se sont vues reprocher par les milieux associatifs de ne pas adopter davantage de mesures tangibles pour promouvoir la diversité au sein de leurs comités de direction. Si se tenir à l'écart des débats citoyens peut devenir intenable, sous la double impulsion des clients et des collaborateurs, la crainte de réactions négatives dissuade encore de se positionner. C'est particulièrement vrai en France, où il apparaît préférable de soutenir des causes, sinon plus consensuelles, du moins mieux balisées dans l'espace médiatique. Les enseignes du quotidien restent ainsi capables d'adopter un discours incisif et d'user de leur influence pour sensibiliser le grand public autour de sujets concrets, comme la lutte contre l'inflation et les profiteurs de crise.
Des entrepreneurs convaincus
Au-delà du champ de la communication propice à des partis pris de circonstance, l'émergence de pratiques militantes au sein des entreprises est aussi liée à celle de nouveaux entrepreneurs convaincus, prêts à remettre en question les pratiques établies en matière de production et de distribution, en apportant une culture associative dans le monde de l'entreprise. Ces collectifs "RSE-Native", à l'image des entreprises numériques du début du siècle, secouent les modèles dominants en proposant des expériences, des valeurs et des modes de collaboration nouveaux. Ils insistent sur les causes défendues, au coeur de la proposition de valeur, notamment en faveur du made in France, de l'environnement et de la redistribution équitable. Causes en faveur desquelles ces marques iront jusqu'à soutenir des initiatives et des lois qui pourraient aller à l'encontre de leurs intérêts immédiats. Elles impliquent l'ensemble des parties prenantes et assemblent un écosystème cohérent, impliquant les consommateurs, mais aussi les fournisseurs et les distributeurs, choisis en fonction de leur contribution positive. Et certaines sociétés dépassent ainsi le phénomène de niche commerciale, en basculant à l'échelle tout en maintenant leurs engagements, en particulier dans le secteur de l'habillement.
Ces "nouvelles marques" peuvent ainsi jouer un rôle clé dans l'établissement de nouveaux standards, et participer à une révolution silencieuse qui inspire de nouveaux modèles économiques, de nouveaux services et expériences au service des consommateurs et du collectif. Même sans afficher des convictions fortes et des discours offensifs, les entreprises établies prendront inévitablement en compte les nouveaux impératifs de durabilité, de circularité ou de solidarité pour accompagner les exigences d'un consommateur averti, prêt à utiliser son portefeuille comme bulletin de vote...
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