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Sylvain Rabuel (Club Med): "Nous souhaitons capitaliser sur la fidélité de nos clients"

Après avoir effectué une montée de gamme et une internationalisation, le Club Med entame son troisième axe stratégique : le développement digital. Avec comme priorité la satisfaction client. Son directeur général France, Sylvain Rabuel, nous éclaire sur la conduite des opérations.

Publié par Claire Morel le | Mis à jour le
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Sylvain Rabuel (Club Med): 'Nous souhaitons capitaliser sur la fidélité de nos clients'

Relation Client Magazine : En dix ans, le Club Med a rehaussé son niveau de gamme. Pourquoi cette réorientation ?

Sylvain Rabuel, dg France, Benelux et Suisse : La montée en gamme des villages, des équipes, du niveau de service et de l'offre répondait au besoin de s'adapter à l'évolution du marché mondial, qui s'est scindé en deux grandes catégories : le low-cost et le "meilleur". Nous avons donc pris le parti du meilleur en investissant en dix ans plus d'un milliard d'euros pour transformer le Club Med et en faire ce qu'il est aujourd'hui. Il y a dix ans, nous proposions 25% des villages en quatre tridents. Désormais, 75% des villages ont quatre ou cinq tridents [équivalent, au Club Med, des étoiles, NDLR]. Nous avons donc totalement inversé le niveau de gamme de l'offre, tout en investissant également dans la montée en compétences de nos équipes, pour leur apprendre le sens du détail, de la personnalisation dans la relation avec le client, etc.

RCM : Vous avez conquis de nouveaux marchés. En quoi consiste cette stratégie d'internationalisation ?

SR : Nous avons effectivement décidé d'internationaliser notre clientèle. D'une part, plus variée elle sera, plus sain et solide sera notre business. D'autre part, certains marchés touristiques sont en bien plus forte croissance que la France ou la Belgique, qui sont désormais des marchés matures. Nous avons donc entamé une forte accélération internationale ces dernières années pour conquérir de nouvelles clientèles, sur les continents européen (Grande-Bretagne, Russie), africain (Afrique du Sud), américain (États-Unis et Brésil), mais aussi en Asie, qui est notre priorité stratégique avec un développement en Chine. C'est aujourd'hui notre deuxième marché derrière la France puis la Belgique en nombre de clients.

L'internationalisation vaut également pour les villages, car nous accélérons l'implantation en zones américaine et asiatique, de façon à répondre à la fois aux besoins des clients locaux, mais aussi des Européens qui voyagent de plus en plus en long courrier.

RCM : Le troisième pan de votre développement concerne le digital...

SR : Il y a un an, nous avons lancé le service Easy Arrival. Avec lui, le client a accès à la réservation des skis, qui seront déposés dans son casier à l'arrivée, à la réservation des cours de ski ou encore à l'inscription des enfants au mini-club. Nous avons également créé une application mobile disponible dans la majorité de nos villages.

"La transformation digitale impacte les dimensions commerciale et relation client."

Le client accède facilement aux informations essentielles à son séjour, comme le programme des activités, les dress codes ou encore la mise en contact avec un partenaire de tennis parmi les autres clients, etc. Ce sont des services simples mais qui facilitent le séjour en village. Nous sommes en train de travailler sur d'autres innovations, comme les bracelets connectés. La transformation digitale a beaucoup d'impact sur les dimensions commerciale et relation client. Ces impacts très forts, qui ne sont pas inhérents au Club Med, concernent les besoins d'immédiateté.


Mini-bio

Doté d'un master en marketing de l'ESCP, Sylvain Rabuel a fait ses preuves dans le secteur de l'alimentation, chez Carte Noire, Côte d'Or et Kraft Foods, avant de rejoindre Tiscali en 2000.

En 2005, il prend les rênes de la direction marketing France du Club Méditerranée. Un an plus tard, il est nommé directeur général BU nouveaux marchés Europe-Afrique et devient membre du comité de direction générale.

Depuis 2015, il occupe le poste de dg France, Benelux, Suisse et nouveaux marchés Europe-Afrique.


Relation Client Magazine : Quels indicateurs observez-vous au quotidien?

Sylvain Rabuel : Nous interrogeons nos clients depuis plus de cinquante ans. En 1997, nous avons mis en place un questionnaire unique et mutualisé au niveau monde pour garantir la fiabilité et l'impartialité des résultats. Cet outil s'appelle GM Feedback ["GM" pour ­"gentil membre", NDLR]. Deux jours après leur retour, nos clients reçoivent un questionnaire de satisfaction par e-mail auquel 40 % répondent. Nous recevons des dizaines de milliers de réponses chaque année, ce qui constitue une puissante base de pilotage de l'activité.

Nous regardons aussi de très près TripAdvisor et les autres plateformes d'avis. En termes d'indicateurs, nous observons la note de satisfaction globale et les notes de chaque item: intention de retour, rapport qualité/prix, note GO, restauration, etc. Le taux de réachat est élevé : 70% de notre clientèle est fidèle, c'est-à-dire que sur 100 clients dans l'année, 70 sont déjà venus.

RCM : Ces résultats sont-ils communiqués à chaque village ?

SR : Ces données sont partagées avec le management des villages, notamment le chef de village et son équipe toutes les deux semaines. Ils ont d'ailleurs des objectifs par rapport au GM Feedback. C'est un outil managérial et de pilotage au quotidien, qui nous permet de détecter un problème et de mettre en place des plans d'action adéquats. Lorsqu'un village atteint des records de ­satisfaction, c'est un outil commercial.

Nos équipes commerciales sont tenues au courant et se met alors en place un système de bouche à oreille valorisant les initiatives du village. Il y a une forte proximité entre nos GO et nos GM. Sur Facebook, par exemple, nos clients "likent" les pages personnelles de nos GO et échangent avec eux, même en dehors des vacances. D'ailleurs, certains clients choisissent leur destination en fonction de la présence d'un GO dans un village.

"Nous nous considérons comme une marque relationnelle."

Sur les réseaux sociaux, la communication de l'affectation des équipes en village est un moment très attendu. Nous avons des retours sur tout ce qui se passe dans nos villages partout dans le monde via les réseaux sociaux. Ces espaces sont une formidable source d'information et de fidélisation, car nous avons constaté qu'à chaque fois que nous répondions à une problématique de façon efficace, nous avions un engagement extrêmement élevé.

RCM : Et quel est le rôle de la relation client à distance ?

SR : C'est une équipe d'une quinzaine de personnes coordonnée par Vincent Giraud, directeur relation client. Depuis deux ans, nous avons changé les outils pour traiter les e-mails et les réseaux sociaux de manière plus efficace. Nous avons également élargi leur périmètre : ils se chargent des clients avant, pendant et après leurs vacances, alors qu'ils ne traitaient précédemment que l'après-vente.

Enfin, nous avons commencé à étendre une partie de leur champ d'action au village lui-même. Nous avons décidé, par exemple, que c'était au village de reprendre la main sur certaines réclamations, de façon à améliorer la qualité de réponse. Pour cela, l'équipe relation client a d'ailleurs formé les GO en village pour gérer les difficultés sur place immédiatement.


Relation Client Magazine : Quels services offrez-vous aux clients pour préparer leur séjour ?

Sylvain Rabuel :Nous avons un espace client sur lequel le GM peut se connecter avant son départ. Il peut aussi le faire grâce à l'application mobile de son village. Il reçoit des notifications de l'équipe et des conseils sur les activités, le dress code, etc. Étant donné que les clients réservent de façon assez précoce, nous essayons d'exploiter ce délai pour personnaliser leur séjour et nous assurer qu'ils ont bien réservé le mini-club, des créneaux pour un soin au spa ou leurs clubs de golf. Nous le faisons par e-mail et téléphone, mais nous souhaitons davantage mettre l'accent sur cette préparation grâce au digital.

RCM : Concernant la distribution, quelle est votre stratégie ?

SR : Nous avons un dispositif cross canal qui correspond aux comportements de nos clients. 100% d'entre eux passent par notre site internet en amont et la moitié réservent par téléphone ou en agence. Le Web génère 20 % de notre chiffre d'affaires. Nos 41 agences en propre françaises représentent un point de contact important, car elles incarnent la marque et permettent de présenter nos offres. Nous les avons rénovées pour qu'elles de viennent un lieu de relation et d'échange plus intime, et créer un lien relationnel. Notre nouvel appartement boutique de 190 m2 des Champs-Élysées invite les visiteurs à s'immerger dans nos villages via un casque de réalité virtuelle. Ces quatre dernières années, nous avons ouvert 20 agences en franchise, en complément d'une vingtaine de corners chez des agences partenaires.

RCM : Comment récompensez-vous vos clients les plus fidèles ?

SR :Notre programme de fidélité Great Members nous permet de reconnaître nos meilleurs clients et de personnaliser notre relation avec eux. Nous travaillons sur ­l'évolution de ce programme pour 2017. Pour l'instant, nous proposons trois statuts : ­turquoise, silver et gold. Un client gold bénéficie d'une chambre de niveau supérieur sous réserve de disponibilité, d'un transfert prioritaire, d'un check-out tardif, d'une attention particulière par le chef de village et de ventes privilèges deux à trois fois par an.

Depuis sept ans, nous développons un programme de parrainage. Les clients partent souvent en famille et entre amis, il nous faut structurer et valoriser le bouche à oreille. Nous leur proposons des offres tarifaires plus avantageuses s'ils viennent avec de nouveaux clients. Nous souhaitons capitaliser sur la fidélité de nos clients. Cela passera par de nouveaux avantages et une approche plus digitale sur les réseaux sociaux, car nos clients s'expriment et leur engagement est très positif.

Relation Client Magazine : Tourisme et digital riment avec acteurs disruptifs, tel Airbnb. Vous sentez-vous en concurrence avec ce type d'entreprises qui se sont construites à partir du digital?

Sylvain Rabuel : Nous ne pensons pas avoir subi d'impact depuis la création de ces plateformes de location ; nous ne sommes pas présents dans les mêmes lieux, car Airbnb se ­positionne majoritairement sur des ­destinations en centre-ville.

"Plus notre clientèle sera variée, plus notre business sera sain et solide."

Elles mettent néanmoins en lumière un point important : dans leur ­discours, ces plateformes soutiennent qu'il y a une recherche ­d'authenticité, de contact humain et de partage. Même si la réalité est sans doute différente, c'est plutôt positif pour nous car elles valorisent, comme nous, des vacances ­différenciantes. À Punta Cana par exemple, nous proposons une initiation aux arts du cirque grâce à un partenariat avec le Cirque du Soleil. Et c'est vrai, ce sont des pure players : cela nous permet de nous mesurer à eux sur le digital!

RCM : Le Club Med est une entreprise de services et de loisirs. La relation client doit donc avoir une place prépondérante dans l'entreprise...

SR : Nous nous considérons comme une marque relationnelle : la relation client est essentielle et omniprésente dans l'entreprise. Certes, nous avons un département dédié à la ­relation client à distance, mais dans la réalité, chaque GO ("gentil organisateur") du Club Med est dépositaire de cette relation client. Celle-ci repose sur notre promesse de marque haut de gamme, qui passe avant tout par la personnalisation, la prévenance, la chaleur humaine et le sourire ; à l'opposé de l'hôtellerie, où la une relation est parfois assez froide, distante et un peu stricte.

RCM : Tout l'enjeu aussi, c'est de pouvoir uniformiser cette relation client, dans chaque village, mais aussi en agence. Comment y travaillez-vous?

SR : C'est effectivement un énorme défi que d'avoir le même niveau d'interaction dans tous nos villages. Nous misons sur la ­formation. Chaque année, plusieurs milliers de GO sont formés à travers le monde. D'ailleurs, en France, nous avons un campus interne qui se tient une fois par an et accueille 1500 GO/GE ("gentils employés") du monde entier pendant trois semaines. À ce moment-là, nous formons nos équipes de la même façon sur toutes les dimensions de leur métier.

Nous tablons également sur le management : les chefs de village et chefs de service proviennent à 100 % de la promotion interne. Ils ont tous occupé des postes de GO, et souvent plusieurs postes différents dans des filières aussi variées que le mini-club, les loisirs, l'hôtellerie. Ils ont donc une connaissance des nombreux métiers, mais aussi des différents clients. D'autre part, les chefs de village et les chefs de service sont en rotation régulière, en moyenne toutes les quatre saisons. En parallèle, l'homogénéisation de notre offre et la montée en gamme nous ont permis de délivrer une relation client davantage unifiée.


Le Club Méditerranée en chiffre

1950 : fondation du Club Méditerranée
67 villages, dont les trois quarts comptent 4 ou 5 tridents
26 pays où le Club Med est présent, répartis sur 5 continents
1 245 000 clients en 2015
1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2015
13 000 GO ("gentils organisateurs") et GE ("gentils employés") de 110 nationalités différentes.

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