Formation : les nouveaux supports digitaux
En 2013, parmi les salariés qui ont suivi une formation en France, 33 % l'ont fait à distance, contre 24 % en 2010. Des chiffres mis en avant par une étude d'Educadis, site dédié à l'éducation en ligne, qui met en lumière la montée en puissance de la formation virtuelle. Que ce soit via l'e-learning, les classes virtuelles ou plus récemment les Massive Open Online Courses (MOOCs), le digital a le vent en poupe en termes de formation. " Alors qu'avant, la formation se déroulait toujours en salle, dans un temps prédéfini, de nouveaux modes nous permettent de nous affranchir de ces conditions et d'ouvrir de nouvelles perspectives ", observe Mathias Vincent, responsable de l'ingénierie pédagogique au sein d'Elegia Formation, un organisme de formation professionnelle.
1) E-learning: pratique en formation continue
Le principe de l'e-learning est simple : l'apprenant accède à un module de formation en ligne mixant vidéos, documents et quiz. " Les modules d'e-learning durent 10 à 15 minutes aujourd'hui, contre 30 à 40 minutes il y a dix ans. Cela permet de les placer facilement dans un emploi du temps ", indique Jérôme Bruet, CEO d'e-doceo, fournisseur de logiciels et de services pour la formation. C'est cette facilité d'organisation qui séduit les adeptes du e-learning. Il offre la possibilité de suivre une formation à son rythme, où l'on veut et quand on veut : rien à voir avec l'organisation d'une journée de formation. Il est même désormais possible de faire du m-learning (pour mobile learning), sur mobile ou tablette : les modules peuvent être consultés, par exemple, dans une arrière-boutique lors de périodes d'activité plus creuses.L'e-learning est particulièrement recommandé pour la formation continue. " On peut créer un module dès qu'il y a un nouveau produit ou un nouveau plan marketing ", glisse Jérôme Bruet. Seule condition pour s'assurer de la motivation des salariés : la présence des managers est essentielle pour inciter les apprenants à suivre leur formation, mais aussi à répondre aux éventuelles questions. Autre élément important : le soin apporté au module d'e-learning, qui doit être suffisamment interactif et graphiquement beau pour créer un effet waouh.
2) Serious game : ludique pour motiver
Effet waouh garanti avec le serious game. Utilisant les ressorts du jeu (points, classement...), son aspect ludique permet de motiver davantage les salariés. "Le serious game répond également à certains besoins, comme la simulation, mais aussi l'apprentissage par l'erreur et, enfin, l'aspect collaboratif à travers les classements", rapporte Philippe Riveron, président-fondateur de Learning CRM. C'est surtout la simulation qui est recherchée par les entreprises, afin de favoriser la pratique : "On apprend en étant confronté, de façon ludique, à des cas ou des situations réels", résume Jérôme Bruet.
Ainsi, Serious Factory, qui développe des outils 3D d'aide à la vente et de formation, a mis en place pour un opérateur téléphonique algérien un jeu où le joueur est un vendeur qui doit cerner la demande du client afin de lui proposer l'offre la plus adaptée. Inconvénient du serious game : le temps consacré, souvent plus long afin de s'immerger dans le jeu. Mais aussi son coût, aux alentours de 20 000 euros, contre 10 000 euros pour un module d'e-learning.
3) La classe virtuelle : l'interactivité en plus
Le principe des classes virtuelles est simple : le formateur, filmé, est suivi à distance par des apprenants. "Des conditions technologiques essaient de reproduire une salle de classe : possibilité de lever la main de façon virtuelle, tchat commun à l'ensemble du groupe et en privé avec le formateur, partage de présentations, possibilité de travail en sous-groupes...", énumère Steve Fiehl, cofondateur et chief innovation officer de CrossKnowledge, société spécialisée dans la formation à distance. Bref, on bénéficie des avantages d'une formation présentielle sans les contraintes. Mettre en place une telle formation nécessite néanmoins une certaine organisation : bénéficier d'une bonne connexion Internet, avoir une bonne carte son et, surtout, pouvoir isoler les apprenants afin qu'ils ne soient pas dérangés.
4) Social learning : rendre formel l'apprentissage informel
"Environ 10% des connaissances sont acquises lors de formations, 20% grâce à des actes volontaires, comme des lectures, et les 70 % restants sont informelles et acquises grâce à son entourage", rappelle Olivier Ferhat, directeur du pôle formation à distance du groupe Demos. Afin de mieux organiser ces apprentissages informels, les entreprises mettent en place des plateformes de social learning permettant aux salariés d'échanger. "Il faut animer ces échanges. S'il s'agit juste d'un forum, ça ne marche pas, avertit Philippe Riveron (Learning CRM). Il faut utiliser les ressorts de la gestion communautaire pour que les salariés trouvent un intérêt à ces échanges. Ça peut, par exemple, se faire à travers la ludification : gagner des points, mettre les salariés en avant pour valoriser leur contribution... Un community manager peut demander à aller plus loin, à pousser, à entrer dans les détails, à relancer le débat..."
S'inspirant des MOOCs, les entreprises ont lancé des Corporate Open Online Courses (COOCs) afin de mieux structurer les échanges. Des vidéos ainsi que des documents, à partir desquels les salariés peuvent échanger, sont mis en ligne. Chez OpenClassrooms, une plateforme de MOOCs, les échanges sont favorisés en demandant aux stagiaires de corriger les devoirs des autres.
5) Blended learning : mixer pour plus d'efficacité
Mixer différentes modalités de formation pour tirer les avantages de chacune: c'est ce que l'on appelle le "blended learning". On peut imaginer, par exemple, commencer une session de formation par des modules d'e-learning pour apprendre les bases, continuer avec une classe virtuelle pour creuser un point précis, simuler des outils à travers un serious game et accompagner l'ensemble par une plateforme de social learning qui permette de poser ses questions. Steve Fiehl, de CrossKnowledge, a notamment observé 30 % d'utilisation supplémentaire des modules d'e-learning si la formation virtuelle est accompagnée d'une session de groupe.
Le présentiel peut en effet trouver sa place dans un dispositif de blended learning afin de motiver les salariés. "La virtualisation ne peut marcher que si elle laisse de la place à un formateur. De son côté, ce dernier doit intégrer ces nouveaux usages dans ses pratiques pédagogiques", estime Mathias Vincent. Le parcours de "blended learning" doit être déterminé en fonction des objectifs, des contraintes techniques et organisationnelles, du nombre de participants et de leur niveau... "Les modalités ont du sens si tout a bien été analysé en amont", conclut Patrick Galiano, manager e-learning solutions au sein de Cegos.
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Orange utilise les Coocs pour transformer la formation professionnelle
L'opérateur s'est lancé dans l'aventure des COOCs avec Solerni, une plateforme d'hébergement de "corporate open on line courses". "Nous avons compris que nous pouvions utiliser cette logique pour transformer la formation professionnelle en interne, mais aussi développer de nouvelles puissances dans l'entreprise, que ce soit au niveau du recrutement, de l'animation de réseau, de la dynamisation de la marque...", énumère Thierry Curiale, directeur du programme Open Social Learning chez Orange. Lancée en février dernier, Solerni n'héberge pour l'instant qu'un seul COOC, "Le digital, vivons-le ensemble", dont l'objectif est de contribuer à mieux se servir des outils numériques. Le principe est simple : gratuit et ouvert à tous, ce COOC permet d'explorer un thème différent chaque semaine à travers des vidéos, des documents, des sites Internet mais aussi en échangeant avec les autres participants. "Il s'agit d'un dispositif de social learning, indique Thierry Curiale. Nous créons les conditions d'interaction des personnes entre elles, mais il n'y a pas de professeur : on apprend des autres." Des animateurs et des experts sont cependant présents pour échanger avec les participants sur les forums et les réseaux sociaux. Des consignes d'activité sont également données pour inciter les internautes à travailler ensemble et à échanger. "C'est une démarche d'apprentissage avec des pairs, mais nous évitons la noyade sous l'information en encadrant les échanges", précise Thierry Curiale. Environ 3 500 personnes se sont inscrites à ce COOC, dont plusieurs salariés d'Orange.
S'inspirant d'une expérience menée aux États-Unis et en Australie, les 250 boutiques du réseau européen de Quiksilver ont adopté un module d'e-learning destiné à leurs 1 200 vendeurs. Objectif : conserver le "spirit" de la marque de matériel de surf et consolider les techniques de vente. "Quiksilver est une marque, mais c'est aussi un univers très particulier, témoigne Yann Rambla, responsable du réseau des magasins de la marque en Europe. Nous sommes numéro 1 dans l'univers du surf et nos clients viennent dans nos magasins pour retrouver cette culture très forte." Développé avec Demos, le dispositif fait la part belle à la vidéo et à la musique. "Les vidéos de mises en situation reflètent l'ambiance de nos magasins et la charte graphique de l'ensemble du module colle à l'atmosphère que nous voulions faire passer", décrit Yann Rambla. Le module, d'une durée d'une heure environ, est aussi bien utilisé pour rappeler aux conseillers clientèle les techniques de vente spécifiques à la marque que pour former les nouveaux salariés.
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