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[Tribune] La fidélité client ne s'achète plus

Dans la nouvelle économie, le programme de fidélité doit se réinventer pour correspondre aux nouvelles attentes du client. Explications de Raphaëlle Humbert, analyste marketing, et Adrien Delepelaire, partner chez Fabernovel.

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[Tribune] La fidélité client ne s'achète plus
© fidélisation; gratification

Décathlon en France, Nordstrom ou Macy's aux Etats-Unis... Toutes ces enseignes ont récemment abandonné leur programme de fidélité traditionnel, consistant le plus souvent à récompenser financièrement leurs clients en fonction de leur volume de transactions. En repensant progressivement leurs programmes, toutes ces marques illustrent la nécessité de revenir aux fondamentaux de la relation client. Selon une étude McKinsey, 58% des consommateurs n'utilisent pas le programme de fidélité auquel ils ont souscrit. Cela pose d'autant plus problème que les coûts d'acquisition via les canaux digitaux, autrefois très bas, ne cessent de grimper. Sur Facebook, le coût pour mille impressions (CPM) moyen a augmenté de 112% entre 2017 et 2018.

Fidéliser un client, c'est certes créer un sentiment de récompense, mais aussi de privilège, de considération et de reconnaissance. Et pour ce faire, le "cashback" - trop coûteux pour les marques, et avec une valeur perçue souvent quasiment nulle pour le client - ne suffit plus. Réfléchir à son programme de fidélité, c'est d'abord définir sa proposition de valeur. Et une marque comme Nike l'a compris depuis longtemps. Depuis 2015, l'équipementier sportif crée de la fidélisation expérientielle autour de ses produits à travers son programme NikePlus et une batterie d'applications mobiles, dont Nike Fitness Club et Nike Run Club. Nike a ainsi su développer un service de valeur pour les aficionados de la marque, qui peuvent mesurer leurs performances sportives gratuitement sur leur téléphone. En parallèle, ces applications, qui représentent 60% de son activité numérique, permettent à Nike de mieux connaître ses clients et prospects et de mieux prédire leur valeur future. Et l'enjeu est de taille, car la marque réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires via des retailers tiers. Dans une autre logique, certaines enseignes se détachent du cashback en utilisant la fidélité de leurs clients pour générer un impact positif. Etam propose ainsi à ses clients de donner leur "cagnotte" de fidélité directement à des associations caritatives, au lieu d'en bénéficier eux-même.

Tous les points de contact

Une fois cette proposition de valeur mûrement réfléchie, il est essentiel de définir des mécaniques qui déclencheront la revisite. La plupart des programmes de fidélité traditionnels récompensent les transactions sans se concentrer sur d'autres marqueurs. Récompenser un client lorsqu'il recommande un produit ou parraine quelqu'un d'autre permet de favoriser l'acquisition; et récompenser, comme GoSport, un client ou prospect qui renseigne son profil (taille, sport pratiqué, niveau) permet d'améliorer fortement la connaissance utilisateur et donc de personnaliser ses offres.

Enfin, en tant que partie intégrante de l'expérience client, il est clé que le programme de fidélité soit optimisé pour fonctionner sur tous les points de contact. Si cela peut s'avérer compliqué, notamment pour les marques B2B2C qui n'ont pas la main sur les points de vente physique distribuant leurs produits, il faut redoubler d'ingéniosité pour appréhender l'ensemble des connexions existantes. Les membres du programme Elite Rewards de Lancôme, avec le simple envoi de leur reçu, peuvent ainsi immédiatement se connecter à la marque et bénéficier de leurs avantages quel que soit le canal d'achat.

Enfin, la donnée client doit être traitée par les marques comme le moteur de leur programme de fidélité, venant soutenir et renforcer la proposition de valeur de la stratégie relationnelle. Cette donnée intervient à tous les niveaux de la réflexion, de la mesure du ROI du programme afin de juger de sa pertinence, à la segmentation de la base CRM pour personnaliser les offres et la communication, jusqu'à la prédiction de la valeur future des clients (CLV) et du revenu incrémental généré. Avec un enjeu majeur : réconcilier les différentes bases de donnée client afin d'en obtenir une vue unifiée.

"Acheter" ses clients n'est finalement plus la solution. L'investissement autour du programme de fidélité doit s'articuler autour de deux piliers : imaginer des histoires à raconter, allant au delà de la simple promotion, pour générer de l'émotion; et mettre en place les outils permettant de mesurer l'impact du programme, ainsi que suivre et reconnaître ses clients sur l'ensemble des canaux.

A propos des auteurs:

Raphaëlle Humbert est analyste marketing chez Fabernovel. Diplômée de l'Essec Business School, elle accompagne les entreprises sur la définition de leur stratégie marketing digitale.

Adrien Delepelaire est partner chez Fabernovel. Diplômé de l'Ecole Polytechnique et de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, il a rejoint le groupe il y a plus de 7 ans, et accompagne les entreprises dans leur transformation digitale.

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