Un nouveau chantier social 5/5
Les conditions de travail s'améliorant, la gestion des carrières n'en devient que plus urgente. Qualifications et compétences tardent encore à être reconnues sur le marché de l'emploi, faute, en partie, de filières de formation. Pourtant, la profession se bouge. Elle s'associe notamment aux initiatives en matière de validation des acquis professionnels. Un impératif si les acteurs de la relation client veulent faire de cet emploi, trop souvent considéré comme un "job d'étudiant", un véritable métier.
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Encore faut-il être en mesure de repérer les potentiels
d'évolution des uns et des autres. Rares sont les DRH qui appliquent, même aux
centres d'appels internes, les logiques valables dans le reste de l'entreprise.
Tout se passe comme si l'on oubliait que des ressources humaines mal
diligentées ont aussi un coût, parfois très élevé. Un exemple : le taux
d'absentéisme chez les outsourcers. Selon Manuel Jacquinet, il avoisinerait les
20 % sur la région parisienne, tandis qu'en province, les congés maladies
n'atteindraient que 4 à 5 %. « Prenez un centre avec 200 salariés, vous pouvez
considérer que sa masse salariale s'établit entre 4 et 5 millions. 20 %
d'arrêts maladie ? C'est facilement un million qui part en fumée. Mais, si on
se demande pourquoi la profession génère de tels scores, on en vient vite à se
dire qu'il y a un problème de ressources humaines. » Pour cet expert, qui
intervient depuis sept années sur la formation dans les centres d'appels,
l'absence de perspectives d'évolution fait partie du problème au même titre que
les conditions de travail (stress, horaires décalés, standardisation des
tâches...). Pourtant, la gestion des carrières reste, dans bien des cas, de
l'ordre de l'empirisme. Ou pire, d'un certain paternalisme. C'est en fait,
souvent, au responsable ou au directeur du centre de "sentir" l'évolution
possible des salariés. Samuel Majani en sait quelque chose. Lui qui a gravi
tous les échelons du centre d'appels de Compubase (35 employés en CDI) pour se
retrouver, à 31 ans, directeur du seul centre européen de ce spécialiste en
base de données. « Il y a bien sûr ceux qui affirment haut et fort leur désir
d'évoluer. Le problème, c'est de détecter ceux qui n'osent pas aussi clairement
l'affirmer. Notre nouvelle responsable de formation, par exemple, travaillait
comme téléconsultante chez nous. Le recrutement était ouvert et je commençais à
chercher via les petites annonces. Je savais, pour avoir parlé avec elle,
qu'elle avait une expérience dans le secteur de la banque en Angleterre. Ce qui
pouvait nous intéresser pour le poste de formatrice. Or, bien que sachant le
poste vacant, elle ne posait pas sa candidature. Elle ne pensait pas, en fait,
que cette fonction pouvait lui convenir », relate Samuel Majani. La chance de
cette femme ? Travailler dans une petite structure. Dans les plus importantes,
on parle "plan de carrière" ou "bilan de compétences". C'est le cas chez
Orange, qui vient de signer un accord d'entreprise généralisant à l'ensemble
des quelque 7 000 salariés d'Orange France la convention collective nationale
(CCN) des télécommunications. Signé, le 22 mai dernier, par les syndicats CFDT
et CGC, cet accord prévoit notamment d'aider les salariés à construire leur
parcours professionnel via des points de carrière qui donnent droit à des
conseils d'évolution et des bilans de compétences. Un observatoire local des
métiers a également été créé. Il s'agit d'une instance d'échanges entre la
direction et les organisations syndicales quant à l'évolution des filières et
des métiers, les compétences, les validations des acquis professionnels. Les
initiatives qui visent à assurer un bon niveau de recrutement et d'évolution se
multiplient. L'AFRC se bat ainsi pour la valorisation des acquis professionnels
via l'instauration de tutorats ou de monitorats au sein des entreprises. Une
disposition déjà présente dans la loi de Modernisation sociale, votée en
janvier 2002 sous le gouvernement Jospin. Le but étant de permettre la
reconnaissance de l'expérience professionnelle grâce à l'obtention d'un diplôme
ou d'un certificat de qualification.
LA FORMATION QUALIFIANTE
Cette démarche s'inscrit dans le concept "d'entreprise
diplômante formatrice", dans lequel l'entreprise forme ses propres salariés,
mais contribue également à les évaluer pour leur délivrer un diplôme en
coresponsabilité avec l'Etat. Le diplôme sanctionne alors l'acquisition des
compétences propres à ce métier. Et ne porte pas, la nuance est d'importance,
sur l'information (produits ou secteur) que la société distille à ses
téléacteurs. Quoi qu'il en soit, la réflexion entamée sur la formation
professionnelle est loin d'avoir abouti. D'autant que, face à cette première
piste, d'autres, comme la CFTC, souhaitent voir se créer un nouveau "statut du
travailleur". Statut qui lui permettrait de capitaliser ses droits (crédit
formation ou congés parentaux, par exemple) qu'il exercerait de façon
optionnelle et non pas en fonction de la survenance d'un risque. « La
discontinuité professionnelle fait partie de la réalité du statut de
travailleur. C'est pourquoi, nous pensons qu'il faut donner aux salariés un
statut pérenne dans le temps et en partie indépendant de l'entreprise »,
développe Marc Maouche, président de la fédération CFTC des postes et des
télécommunications. Ce statut du travailleur s'inspire, entre autres, des
travaux d'Alain Supiot qui propose de constituer un "état professionnel" dans
le but d'assurer à la personne le maintien de son statut et de ses ressources
tout au long de son existence. Pourraient alors se succéder des périodes de
formation, de travail professionnel rémunéré, d'emploi bénévole ou des périodes
d'inactivité sans remettre en cause les droits fondamentaux attachés à
l'activité (droit au travail, syndical, à la négociation collective, à
l'assurance chômage, à la formation, à la sécurité sociale). Les pistes qui
s'ouvrent ainsi au niveau national devraient être prises en compte pour
permettre aux métiers de la relation client de se professionnaliser. Apporter
des réponses aux problèmes relatifs à la gestion des carrières serait, en cela,
une preuve supplémentaire de maturité.
Reclasser des salariés, une autre évolution possible ?
Le centre d'appels peut aussi aider au reclassement interne des salariés dont l'activité professionnelle est en passe d'être abandonnée ou réorganisée. Leur entreprise leur évite ainsi un licenciement sec. Dans les centres d'appels du Crédit du Nord, environ un tiers des employés entre dans cette catégorie. Le reclassement, c'est d'ailleurs la principale raison de la création de la première cellule de phoning du Crédit du Nord. Françoise Leroy, directeur de la banque à distance, se souvient : « Pour ces salariés, le centre d'appels a représenté une vraie chance. C'étaient des gens qui avaient souvent perdu toutes motivations professionnelles. Des gens que leurs anciens supérieurs considéraient comme perdus pour l'entreprise. Nous avons beaucoup investi en formation autant sur le métier de la relation client que sur celui de la banque. Le changement leur a été réellement bénéfique. Aujourd'hui, ils assument de nombreuses missions, notamment en appels entrants. Ils réalisent ainsi des opérations courantes comme des ordres de virement. Par rapport aux nouveaux recrutés, souvent plus jeunes, ils sont très protecteurs, dans le sens où ils les conseillent et les aident à s'intégrer dans l'entreprise. »