Retour sur investissement : Mon centre d'appels est-il RENTABLE ?
La rentabilité dans le centre d'appels n'est pas une notion formalisée. Elle se manifeste par l'augmentation des ventes dans d'autres circuits, par des ventes additionnelles sur le centre, par la fidélisation des clients. En interne ou en externe, on ne peut pas l'améliorer sans établir des canaux d'échange d'informations avec les donneurs d'ordres.
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La rentabilité passe généralement pour un critère économique objectif.
Pourtant, dans les métiers du téléphone, ce critère prend une forme extrêmement
floue. Il n'y a pas ici une vision unique de rentabilité, cette notion varie
suivant le type de centre, le type de mission, la cible. Les moyens de
l'apprécier varient en conséquence. Et les critères d'appréciations ne se
prêtent pas à un simple jeu de notations. Par exemple, comment quantifier la
qualité d'accueil en termes de chiffre d'affaires potentiel ? La réflexion sur
l'ensemble des éléments de rentabilité d'un centre d'appels est relativement
récente. Il n'y a pas longtemps, il était habituel de raisonner en termes de
budget : définir une enveloppe, mettre les prestataires en compétition, choisir
l'offre jugée meilleure par rapport au budget donné. Aujourd'hui, cela n'est
plus suffisant. Le mode de gestion de la relation clients aidant, chaque centre
doit être considéré comme un centre de profits. Reste à savoir comment estimer
les avantages, de quelle façon les rapporter aux coûts engagés et surtout,
comment augmenter ce ratio qui décrit la rentabilité d'un centre d'appels. Ce
n'est pas une mince affaire ! « Nous avons un centre d'appels, combien nous
coûte-t-il par appel ? C'est l'interrogation classique d'un dirigeant
d'entreprise », observe Fabrice Pery-Kasza, directeur conseil chez Impiric.
Cette problématique de rentabilité et d'autojustification est cruciale dans
l'existence d'un centre d'appels. S'il n'y a pas de mesure de pertinence de
fonctionnement, alors le centre génère des appels mais ne va pas plus loin. Et
l'on se demande comment amortir les coûts fixes.
LE RATIO NOMBRE D'APPELS/ANNÉE DE PRODUCTION : UN MAUVAIS CALCUL
La solution passe
par des études poussées de profitabilité : "le recrutement de ce client m'a
coûté tant, il a appelé le centre d'appels et son appel m'a coûté tant ; en
définitive, la progression de gestion de la relation clients m'a coûté tant -
combien va-t-elle me rapporter ?" Les outils de mesure doivent refléter aussi
bien le nombre d'inscriptions dans la base de données que la richesse des
informations que l'on va mettre dedans. « La première approche consiste à
prendre le coût du centre par an et le diviser par le nombre d'appels annuel,
poursuit Fabrice Pery-Kasza. Le résultat est a priori intéressant, mais c'est
un faux ami. Prenez l'exemple d'un centre de service consommateurs. Suivant
cette logique, il sera automatiquement classé en centre de coûts. Mais on ne
peut pas le supprimer sans perdre un grand nombre d'avantages. La bonne
question serait plutôt de savoir ce que deviennent les appels, ce qui se passe
quand un client a appelé. Puis-je suivre l'appelant en tant que client ou
prospect ? Le prospect va peut-être devenir client, et le client va peut-être
évoluer dans sa consommation ou bien devenir fidèle. Alors, une première unité
de mesure de rentabilité vient du suivi du client. On peut mesurer la
progression de sa fidélité avec des points de réduction et sa réactivité par
rapport à des offres promotionnelles. » La deuxième unité de mesure, selon
Fabrice Pery-Kasza, est celle de fidélité. Le centre de contacts devient un
centre de ventes, il permet d'améliorer la consommation des appelants. Pour
s'en rendre compte, il faut comparer leur consommation à celle d'une base
témoin des personnes qui n'ont jamais appelé le centre.
FORMATION DES TÉLÉCONSEILLERS À LA VENTE ADDITIONNELLE
Suivant cette
logique, la rentabilité peut être calculée de deux façons. A court terme :
combien nous coûte le service consommateurs ? A long terme : quelle est la
valeur ajoutée du centre d'appels dans la chaîne de gestion de la relation
client ? Dans cette gestion, son coût n'est pas le plus important, surtout par
rapport au coût des médias traditionnels comme la presse et la télé dans la
consommation grand public. Pourtant, les directeurs marketing culpabilisent
souvent les dirigeants de leurs centres d'appels, leur reprochant d'être un
centre de coûts. Et en même temps, ils ne se donnent pas la peine d'envisager
une formation des téléconseillers à la vente additionnelle ou à la navigation
de portefeuille. De fait, peu d'entreprises le font. En l'absence d'une telle
démarche, le centre d'appels reste confiné dans la gestion des réclamations et
de l'information. Il reste dans le domaine des coûts car il n'y a pas de vente.
Serge Gracieux, P-dg de Sama, spécialiste en gestion de la relation clients,
considère que « la rentabilité pour l'utilisateur peut être estimée en termes
de coûts et en termes d'organisation. Le schéma n'est pas nécessairement
rentable en termes de coûts, mais en termes de stratégie d'entreprise. Le
centre d'appels compense les faiblesses de ses différents services et parfois
permet de gagner de l'argent. » La rentabilité peut aussi être calculée en
termes de fidélité des clients. En face des coûts, il faut mettre la
contribution du client acquis. Pour affiner le calcul, on ne comptabilisera
qu'à partir de la deuxième commande, car à la première commande, c'est souvent
le client lui-même qui prend l'initiative du contact. Ici, l'apport du centre
de contacts peut se résumer en un élargissement des ventes, par exemple vendre
pour 150 francs à un client qui pensait n'en dépenser que 100, en ventes
complémentaires, ou simplement dans le fait de conserver un client que l'on
était parti pour perdre. C'est typiquement le cas d'un centre de support
technique. Un contact entrant dans un contexte de problème technique ou
d'insatisfaction, et qui se renouvelle en générant l'inscription d'un nouveau
nom dans la base de données clients, est imputable au centre d'appels.
CONNECTER L'ENSEMBLE DES BASES AU SEIN DE L'ENTREPRISE
Comment mesurer la rentabilité ? Premièrement, le centre d'appels doit être
connecté au système de gestion commerciale de l'entreprise, pour identifier la
part du centre d'appels dans les ventes. Il faut établir une connexion entre la
base de données commerciale, le système de gestion et le centre d'appels. Cela
permet déjà une bonne visibilité de l'impact du centre dans les relations
commerciales interentreprises. La tâche se complique quand il s'agit des
marchés grand public. Ici, pour estimer la rentabilité, il faut pouvoir suivre
les clients. Cela peut être fait par l'identification sur un site, ou par une
carte de fidélité. C'est plus simple à mettre en oeuvre dans les domaines de
l'automobile, l'assurance, la banque, les ventes par correspondance, la presse,
la téléphonie, la télé câblée. « Dans les appels sortants, pour les ventes ou
la prise de rendez-vous, il ne suffit pas de savoir combien de rendez-vous ont
été pris en un service, remarque Jean-Michel Attia, directeur général de
ProDirect Interactive. On doit aussi savoir combien ont été transformés en
ventes, et de quelle façon - quel est le chiffre d'affaires généré, quelle est
sa ventilation par zone géographique ? En fonction de ces critères, on va
pouvoir définir des zones prioritaires pour les opérateurs du centre. C'est une
façon pour le centre d'appels et pour son client d'avancer ensemble. » En
réception, on cherche à appliquer les critères de productivité : combien
d'appels par téléacteur, quel est le taux de décroché. Or, la pertinence de ces
critères dépend du type d'opération menée. La notion d'un bon accueil du client
ne peut pas être détaillée en termes de profits. Dans un support technique, par
exemple, il faut prendre en compte la productivité mais aussi la réponse
apportée et la satisfaction globale par appel. Cela peut être mesuré avec des
appels de contrôle qualité aux clients qui ont contacté le centre d'appels :
êtes-vous satisfait par la réponse que l'on vous a apportée ? Les promesses
faites par l'opérateur ont-elles été tenues ? Dans un service consommateurs, le
client est systématiquement en position de réclamation. Il faut alors créer de
meilleures conditions pour ne pas augmenter son mécontentement. Mal recevoir ce
client ou encore l'expédier au plus vite serait préjudiciable. Il demande avant
tout à être entendu. Pour le centre, cela se traduit en une obligation de
résultat. C'est sur ce critère que l'on peut juger le travail. A-t-on
recontacté ce client quelques jours après son appel, par courrier, par e-mail
ou par un appel sortant, pour lui confirmer que l'on a bien pris en compte son
problème et que l'on a des solutions à lui proposer ? Quand un client appelle
le centre de contacts parce qu'il est insatisfait, l'opérateur doit pouvoir lui
envoyer un bon de réduction le plus simplement possible, avec un seul clic. Si
le client l'utilise, le plus souvent il restera dans la marque. « Cette
dimension est sous-exploitée dans les entreprises car le centre d'appels est
déconnecté du système de gestion. Il n'y a pas de mouvement de fond dans ce
sens, juste quelques épiphénomènes », observe Serge Gracieux.
LES SERVICES CONSOMMATEURS ET DE SUPPORT EN LIGNE DE MIRE
Dans un
centre d'appels interne, la rentabilité est le mot banni. Le plus souvent il
n'y a pas de moyens pour distinguer les ventes initiées par le centre de celles
réalisées par les commerciaux ou les points de vente. Pour les centres de
service consommateurs ou de support technique, c'est encore pire. On les
considère comme une ligne de coûts par excellence, dont l'existence est
davantage justifiée par la mode que par un besoin réel de production. A la
première difficulté rencontrée par l'entreprise, leurs budgets seront réduits
sans ménagement : il n'y a qu'à mettre moins d'opérateurs, si le client a
vraiment un problème, il rappellera demain. Combien de clients ne reviendront
jamais dans cette entreprise ? A combien de prospects feront-ils partager leur
triste expérience ? Dans un centre d'appels externalisé, il y a naturellement
deux notions de rentabilité : celle de l'entreprise cliente et celle du
producteur, du gestionnaire du centre. Sont-elles incompatibles ? A court
terme, oui. Mais dans des rapports à long terme, on peut trouver des moyens
pour avancer ensemble en minimisant les pertes et maximisant les résultats pour
les protagonistes. Jean-Michel Attia souligne l'importance du partenariat entre
le centre d'appels et le donneur d'ordre : « les logiciels de calcul de
productivité en fonction du nombre d'appels émis, aboutis ou argumentés, sont
un moyen de mesure classique mais incomplet. Pour mesurer la rentabilité d'un
centre d'appels, il faut mettre en place un système d'échanges d'informations
avec son client, pour créer un lien entre les appels émis et les résultats
obtenus, les retombées commerciales. » Une approche également intéressante dès
lors que l'on veut avoir une idée de la rentabilité non pas après mais au cours
de l'opération, si l'on souhaite recadrer les zones géographiques,
l'argumentaire, les cibles, ou modifier au besoin les critères de segmentation.
Cette démarche est plus facile à mettre en place pour les entreprises qui
vendent en direct, comme les banques etc. Pour celles qui vendent par le réseau
d'intermédiaires, comme les fournisseurs de la grande distribution, la
fréquence est différente.
QUESTION DE CONFIANCE ET DE COMPÉTENCES
L'idée d'avancer ensemble est également chère à Eric
Genin, directeur général de Phonecco, pour qui « la rentabilité immédiate dans
les rapports entre le client et l'externalisateur qui gère le centre d'appels
est une quadrature du cercle. Pour en sortir, il faut créer une réelle
visibilité de la production et des difficultés qui peuvent l'accompagner. Le
client croit toujours que son fichier est bon, voire qu'il est le meilleur.
C'est logique car c'est le sien. Mais il se peut qu'il y ait des erreurs dans
le fichier. Le producteur peut avoir ses propres idées sur la façon de gérer ce
problème. Par exemple, imaginons qu'il s'agit de faire essayer une voiture, une
BMW. Le client a acheté un fichier à la préfecture. La première chose à
laquelle le producteur va penser, c'est la catégorie CSP. On peut faire une
analyse du fichier, le nettoyer et aussi trouver les catégories les plus
intéressantes. A la fin, nous ferons une campagne de 3 000 appels au lieu de 5
000 prévus initialement, et les résultats seront meilleurs. Mais pour cela, il
nous faut avoir la confiance du client et des compétences nécessaires pour
cette analyse. On peut donc arriver à une relation de partenariat dans laquelle
le client et le producteur vont chacun améliorer leur productivité à moyen
terme. »
LA MASSE SALARIALE : LE PARAMÈTRE MAJEUR
Reste la question cruciale de productivité des opérateurs et des salaires
pratiqués. L'importance de la masse salariale dans la structure des coûts d'un
centre d'appels fait que les clients poussent les producteurs à comprimer ce
poste tout en demandant une productivité accrue. « La rentabilité du centre
lui-même et celle de l'annonceur se trouvent en contradiction absolue », pense
Sophie de Menthon, P-dg de Multilignes Conseil et présidente du mouvement
patronal Ethic. Pour elle, on ne doit parler de la rentabilité des opérateurs
dans les centres d'appels : « Dans une entreprise traditionnelle, est-ce que
l'on se demande quelle est la rentabilité d'une secrétaire ? Apprécier un
opérateur en termes de rentabilité est antisocial. De plus, cette mesure
n'apporte rien de pertinent par rapport aux objectifs d'une campagne. Il faut
mesurer la qualité des contacts téléphoniques et du discours tenu par
l'opérateur, du temps de décrochage, etc. » Pour Sophie de Menthon, on ne peut
décidément pas considérer l'accroissement de la productivité comme on peut le
faire dans l'industrie où il n'est question que de produits. « Or, nos clients
ne l'ont pas compris, et ne veulent pas le comprendre. Ils se comportent comme
s'il s'agissait d'une production de masse. Ils considèrent que, quand on passe
30 000 appels au lieu de 3 000, le coût par appel doit baisser. Rien de tel, en
réalité ! Il n'y a pas d'économies relatives à l'échelle de la campagne. Passer
plus d'appels veut dire embaucher plus de gens, prévoir plus de mètres carrés
pour les placer, et surtout avoir plus de personnel d'encadrement. Nous
dépensons des fortunes en recrutement par petites annonces. En fait, avoir un
petit centre d'appels coûte proportionnellement moins cher que d'avoir un grand
centre. De l'avis des responsables des centres d'appels externes, les clients
qui sous-traitent chez eux, n'ont que peu de considération pour la main
d'oeuvre. Ils ne veulent pas savoir quels sont les salaires des opérateurs, et
recherchent avant tout une baisse des coûts. Mais, quand on veut baisser les
coûts, ce sont les salaires qui baissent, et avec eux la qualité du travail. »
Toujours selon Sophie de Menthon, pour augmenter la rentabilité pour le client,
il faut commencer par augmenter les coûts : « quand le client décide qu'il lui
faut des gens qualifiés, des Bac + 3, il doit aussi choisir combien il veut
payer l'heure des téléopérateurs, et il doit exiger notre engagement sur les
salaires. » Elle est rejointe par Eric Genin, qui estime qu'il faut pouvoir
expliquer au client le rapport qualité-prix, être capable de prouver que c'est
ce salaire de l'opérateur qui correspond au marché pour la prestation qu'il
recherche. Et lui expliquer qu'il ne s'agit pas seulement du salaire mais aussi
de la qualité du management, de la qualité des scripts, du confort du travail.
Lui démontrer qu'un environnement de travail, cela ne signifie pas seulement
des roses sur les bureaux mais aussi des ratios justifiés et des moyennes
tenables. En somme, il s'agit d'une relation tripartite, client - producteur -
opérateurs, dans laquelle tout le monde peut être gagnant à moyen terme.