Doubler le salaire ne suffira pas !
Quand vos agents papillonnent, le prix à payer n'est pas toujours là où on le cherche. Mais une simple augmentation du salaire ne va pas résoudre tous les problèmes. Comment réduire la facture du turn-over sans se ruiner au passage ? Trois questions à Laurent Termignon, responsable spécialisé en ressources humaines au cabinet Hewitt et Associés.
Le turn-over, combien ça coûte ?
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Laurent Termignon
: Prenez un centre où le turn-over se trouve dans la fourchette moyenne -
entre 25 et 35 %. En trois ans toute l'équipe de ce centre aura été
renouvelée. En termes d'intégration du personnel, c'est épuisant. Comment
valoriser ces coûts du recrutement ? Il est difficile d'appréhender les coûts
réels. Prenons d'abord le temps de travail des managers impliqués dans
l'intégration des nouvelles recrues. Ajoutons le temps de travail des autres
agents qui vont expliquer aux nouveaux le fonctionnement du centre et de leur
poste de travail au quotidien. Ensuite, valorisons les coûts indirects liés au
fait que, concernant les personnes sur le point de départ tout comme celles
qui viennent d'arriver dans l'entreprise, la qualité de la prestation n'est pas
optimale. Par exemple, pour un centre qui prend des commandes de VPC, cette
baisse de la qualité va additionner les coûts du retour des commandes mal
renseignées, des erreurs de saisie, plus l'insatisfaction évidente des clients
dont certains ne reviendront pas.
Pour lutter contre le turn-over doit-on multiplier par deux les salaires ?
L. T : Non, et je
crois d'ailleurs qu'il n'y a pas de recette universelle. Les solutions sont à
étudier entreprise par entreprise. Il faut d'abord construire une hypothèse
permettant d'évaluer les pertes liées au turn-over. Passer ensuite aux
hypothèses de réponse. Augmenter les salaires ? Améliorer le cadre de travail
? Travailler la qualité de management ? La qualité des relations avec les
collègues ? Il y a plusieurs axes de réflexion. Par exemple, la qualité de
gestion. Des managers qui ne pensent qu'à la productivité, qui passent leur
temps dans leur bureaux derrière une vitre à écouter les conversations des
agents, cela n'améliore pas la qualité du travail dans le centre et ça
provoque en définitive le papillonnement des agents. Donc, je ne suis pas sûr
qu'une simple multiplication du salaire par deux soit la meilleure mesure à
prendre. Certains agents seront plus sensibles à l'amélioration de la qualité
du travail. Ajoutez aussi une nécessaire souplesse des horaires car il y a
beaucoup de population féminine dans les centres. Il faut créer des conditions
où elles trouveront un équilibre entre le temps de travail et la vie privée,
s'adapter aux horaires des écoles.
En tout cas, vous ne surestimez pas l'incidence des salaires sur le phénomène ?
L. T : Côté
salaires, il faut surtout réfléchir à la rémunération de la performance. Quels
sont les indicateurs pertinents pour déterminer la part variable ? Le nombre
d'appels traités ne reflète pas la qualité de chaque appel. Il faut aussi
donner aux managers la possibilité de récompenser les meilleurs avec du
qualitatif en plus des salaires. Par exemple, leur offrir plus d'autonomie
pour la gestion de leur propre planning, leur confier l'intégration des jeunes
recrues ou encore les solliciter pour donner un coup de main à un collègue
débordé. Ce qui les distingue aux yeux des autres et les motive.