Comment passer d'un centre de coûts à un centre de profit
Longtemps considérés comme des centres de coûts, voire de “gouffres”, les centres de contacts entrent progressivement dans une logique de rentabilité en créant de la valeur. Stratégies peaufinées, positionnement plus précis et techniques de ventes plus affûtées contribuent à générer une valeur financière non négligeable, sans oublier la contribution à l'image de marque. Pourtant, des progrès sont encore possibles.
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Avant de se demander quelles sont les méthodes pour rendre son centre de
contacts performant et rentable, il convient, dans un premier temps, de
distinguer son positionnement au sein de l'entreprise. Ainsi, certains centres
de contacts sont, de manière intrinsèque, des centres de profit lorsqu'ils
représentent la “raison d'être” de l'entreprise. « Un certain nombre de centres
d'appels sont, par définition, profitables puisque considérés comme un service
à part entière générant du chiffre d'affaires. C'est le cas, notamment, pour
les métiers de l'assurance/assistance ou les entreprises à vocation de veille
médico-sociale. L'activité repose uniquement sur la réception d'appels, la
demande du client générant automatiquement une mission rémunérée », précise
Pierre-Antoine Grislain, P-dg de FrontCall. De même, il existe un certain
nombre de métiers où les entreprises ne pourraient pas fonctionner ni se
développer sans disposer d'un centre de contacts. C'est le cas, notamment, du
voyage/tourisme et des télécoms. La notion de profit ou de coût prend ici toute
son importance, même si, dans certains cas, les entreprises ont créé des
centres d'appels dans une logique de réduction des coûts. « Durant de longues
années, de nombreux centres d'appels ont vu le jour afin de mettre en place un
service à distance, d'être disponible à tout moment et, surtout, d'éviter
d'avoir un réseau d'agences et de techniciens sur le territoire », souligne
Olivier Savouret, expert centres d'appels chez Valoris. A contrario du
postulat stipulant que certains centres d'appels sont des centres de profit par
essence, d'autres représentent des centres de coûts par définition. Ainsi, un
centre d'appels fonctionnant sur un seul service, de type assistance technique
ou hot line, ne pourra prétendre à une rentabilité, même si d'autres services à
valeur ajoutée peuvent venir se greffer. Enfin, la situation des outourceurs
est à classer à part, puisque leur cœur de métier est de gérer les relations
clients de leurs donneurs d'ordres. Ils ont donc tout intérêt à dégager du
profit sous peine de disparaître du marché.
Tous les coûts sont dans la nature
Un centre de profit est une structure présentant
un résultat d'exploitation avec une colonne “coûts” et une colonne “revenus”,
alors qu'un centre de coûts fonctionne sur une dotation budgétaire. En France,
dans la majorité des cas, les centres de contacts sont considérés comme des
centres de coûts, même si, de plus en plus, la notion de profit entre en jeu.
Comme le remarque Eric Traube, directeur conseil chez Phone Marketing, « même
si le centre d'appels est perçu comme un centre de coûts, il est important de
profiter du contact que l'on entretient avec son client. Non seulement, nous
devons lui garantir la prestation qu'il attend, mais nous devons aussi essayer
d'ouvrir une “brèche” en l'orientant vers un produit ou un service à valeur
ajoutée. » Avant de voir lesquels on peut réduire, il convient de bien
identifier ses coûts. Trois grands domaines regroupent la plupart des dépenses.
Les ressources humaines arrivent très nettement en tête, puisqu'elles
représentent près de 70 % du coût de fonctionnement d'un centre de contacts.
Par ressources humaines, il s'agit d'intégrer non seulement la masse salariale,
mais également les frais de recrutement et de formation. Le deuxième domaine de
dépenses (environ 20 %) comprend les coûts d'amortissement du matériel
informatique et télécom, ainsi que des progiciels utilisés. Les coûts mobiliers
et immobiliers viennent compléter ces dépenses. Si l'on additionne l'ensemble
des frais variables et fixes d'un centre de contacts, on peut estimer aux
alentours de 200 à 300 000 euros le coût de fonctionnement par an d'une
vingtaine de positions.
Des coûts passés au crible
Un centre de contacts, qui a pour vocation un service de type hot line, peut
minimiser ses coûts de fonctionnement, et notamment ceux liés aux ressources
humaines. La première action consiste à mettre en place une politique salariale
la plus basse possible. La tentation est souvent grande, soit d'installer son
propre centre d'appels à l'étranger (cas de figure très rare), soit d'utiliser
les services off-shore d'un outsourceur. L'actualité sur ce sujet est riche et
les réductions de coûts, en raison d'une main-d'œuvre meilleur marché, sont
loin d'être négligeables. Pourtant, cette stratégie ne fait pas l'unanimité, en
raison d'innombrables inconvénients : manque de proximité, difficultés pour
trouver les profils adéquats, soucis liés à la langue des téléconseillers,
etc. Réduire ses coûts, c'est d'abord contribuer à ce que son centre de
contacts soit correctement dimensionné. « Le véritable enjeu se situe au niveau
de la prévision des appels et de la planification des téléconseillers, de façon
à dimensionner son site en fonction du volume d'appels », souligne Olivier
Savouret. L'analyse de l'historique des appels prend alors tout son sens afin
de prévoir les éventuels pics et/ou creux d'appels. « A ce titre, dans le cas
d'une relation outsourceur/donneur d'ordres, la communication avec ce dernier
se doit d'être permanente. En effet, il est important de savoir si le donneur
d'ordres a, par exemple, entrepris une campagne de communication auprès de ses
clients, afin d'anticiper d'éventuels pics d'appels. De gros progrès sont à
faire à ce niveau, car ces relations conditionnent d'importantes réductions »,
précise Eric Traube. Le dimensionnement sous-entend également la gestion du
temps d'occupation des téléconseillers, le calcul des temps de pause, la
prévision des vacances, etc. L'utilisation de solutions de planification se
justifie pleinement. Il est également possible de mutualiser l'utilisation des
téléconseillers, qui sont ainsi en mesure de traiter plusieurs opérations
d'appels en simultané. Si l'essentiel est d'optimiser les ressources
(humaines, logicielles, matérielles) nécessaires pour atteindre la qualité de
service désirée, doit-on pour autant décrocher tous les appels entrants ? Ou
mettre davantage l'accent sur la qualité du service apporté ? En effet,
aujourd'hui et en moyenne, le taux de décroché oscille entre 90 et 98 %. « Or,
il faut savoir que de 90 à 92 %, chaque point de qualité de service gagné se
traduit par un coût supplémentaire qui augmente de façon exponentielle »,
remarque Eric Traube. D'un autre côté, certaines opérations de réception
d'appels à faible valeur ajoutée peuvent justifier une prise d'appels de
seulement 10 %, le reste étant géré par des serveurs vocaux interactifs (SVI),
moins coûteux. La définition du niveau de qualité désiré pourra contribuer à
réduire ses dépenses. Une fois les coûts passés au crible, l'autre piste
consiste à rechercher des moyens pour générer des ressources financières
additionnelles. Dans un premier temps, il ne faut pas négliger l'apport des
numéros “surtaxés”, qui sont des numéros à revenus partagés avec l'opérateur
télécoms. « Tout dépend du type de contrat signé avec l'opérateur et du volume
d'appels, mais ces revenus peuvent s'élever à plusieurs millions d'euros par an
», confirme Olivier Savouret.
Créer de la valeur
D'autre part, réduire ses coûts de fonctionnement, c'est bien, mais créer de la
valeur, c'est encore mieux pour contribuer à créer du profit. Comme le souligne
Christophe Nepveux, P-dg de The Phone House Services Télécom : « On ne passe
pas d'un centre de coûts à un centre de profit sur un simple claquement de
doigts. C'est un travail quotidien. En réalité, le challenge pour un centre de
contacts consiste à mieux connaître ses clients pour tenter de leur vendre des
produits additionnels. Après avoir répondu à leurs attentes, les techniques de
marketing direct peuvent entrer en action afin de leur proposer d'autres
services ou produits, en s'appuyant également sur des relances, via SMS ou
e-mails, souvent très efficaces. » En outre, il est important d'avoir à
l'esprit que la performance d'un centre d'appels se situe avant tout sur
l'effectif qui le compose. Durant de trop longues années, l'aspect
technologique et les investissements dans les solutions progicielles ont
occulté la problématique humaine. Il ne faut pas oublier les échecs de
certaines entreprises qui ont investi des sommes importantes dans des solutions
technologiques CRM coûteuses, et, à défaut de pouvoir les exploiter
correctement, n'en ont pas tiré profit. « L'efficacité et la performance d'un
centre d'appels est d'abord un problème de RH. Des efforts plus importants
doivent être portés, non seulement sur le recrutement - les profils devant
correspondre aux missions -, mais aussi sur les compétences des superviseurs.
Ce dernier point est trop souvent oublié », commente Pierre-Antoine Grislain.
Les raisons des mauvaises performances d'un téléconseiller sont parfois
imputables à une qualité moyenne de formation et au manque de suivi assuré par
le superviseur. Dans le même sens, les formations doivent être consacrées, non
seulement aux outils de CRM et de bases de connaissances, mais elles doivent
également garantir une maîtrise du langage à utiliser, des scripts à suivre et
de la dialectique adéquate en fonction des clients. En termes de profits
indirects, de nombreux centres de contacts contribuent au chiffre d'affaires
généré par la force commerciale, grâce aux prises de rendez-vous ou de ventes
en ligne. « Les centres jouent un grand rôle dans le chiffre d'affaires, sans
pour autant assumer tous les coûts du produit ou du service qui est
commercialisé. Les centres sont alors perçus uniquement comme un canal de vente
à part entière », précise Olivier Savouret. De même, certaines missions visent
à relancer les impayés et participent ainsi à « diminuer une marge négative »,
selon l'expression d'Olivier Savouret. Enfin, il ne faut pas oublier les
profits impalpables, financièrement parlant, générés par les centres d'appels.
Il s'agit ici de l'image de marque et de la notoriété, qui se propagent grâce
aux relations entretenues entre les clients/prospects et les téléconseillers. «
Oublier l'importance de ce bénéfice non valorisable serait commettre une erreur
dangereuse pour la pérennité de l'entreprise », souligne Christophe Nepveux.
Certes, cette image de marque n'est pas directement tangible au sens financier,
mais le bouche-à-oreille entretenu peut engendrer des effets catastrophiques
ou, a contrario, contribuer à générer des bénéfices indirects qui s'accumulent
avec le temps.
Comment peut-on réaliser des économies ?
• Imposer une politique salariale très “stricte”. Mais cela peut avoir des conséquences négatives à long terme : turn-over élevé, perte de motivation des salariés, missions à faible valeur ajoutée, etc. • S'assurer d'une certaine souplesse dans les contrats de travail. « La France ne possède pas la même souplesse au niveau des contrats de travail que certains de ses voisins européens. », souligne Jean-Pierre Cismaresco, directeur général de Client Center Alliance. • Optimiser les processus et les temps de traitement afin, qu'à ressources constantes, davantage d'appels soient traités. S'assurer, par conséquent, de la bonne maîtrise des outils de CRM et des bases de connaissances. • Garantir la productivité des téléconseillers en augmentant leur temps utile. Ce qui sous-entend un transfert régulier des téléacteurs affectés à des missions de front-office vers du back-office. • Ne pas hésiter à renégocier les contrats avec les fournisseurs informatiques et les opérateurs télécoms. L'option qui consiste à externaliser certaines fonctions informatiques ou télécoms n'est pas à négliger. Basculer vers une technologie sur IP peut également être souhaitable. • Ne pas oublier non plus que, depuis le 1er juillet 2004, avec l'ouverture du marché de l'électricité en France, de fortes économies sont envisageables.
Ressources humaines: La bête noire des managers : le turn-over
L'une des principales préoccupations des managers de centres de contacts est la fidélisation non seulement des clients, mais aussi de leurs employés. En effet, le turn-over des téléconseillers est depuis longtemps considéré comme un des principaux facteurs de coûts. Même s'il est toujours délicat d'avoir des chiffres précis pour quantifier ce qui est la “bête noire” des managers, le taux avoisinerait les 20 % pour l'Ile-de-France, et de 5 à 8 % dans le reste du pays. Un taux de rotation qui peut s'expliquer à la fois par le stress engendré, mais également par des salaires qui ne sont peut-être pas toujours à la hauteur des missions confiées. Comment y remédier ? Le processus de recrutement doit davantage mettre l'accent sur les entretiens d'évaluation comportementale ainsi que sur les tests d'aptitude, afin de déceler les motivations réelles des futurs téléconseillers. Il est également conseillé d'assurer une meilleure information sur les postes à pourvoir. Les conditions de travail (lieu géographique, état des locaux, confort du mobilier, sonorisation, ambiance de travail, etc.) ne sont bien sûr pas à négliger et peuvent s'avérer déterminantes quant à l'avenir du téléconseiller au sein du centre d'appels.