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Fabrice Lanoë, CEO HCG : "L'IA n'est rentable que si elle est accompagnée de l'IE"

Chaque année, The Human Consulting Group dresse pour Les Échos le palmarès des entreprises qui excellent en matière de relation client. Fabrice Lanoë, CEO et fondateur du cabinet, livre son analyse des tendances de l'année 2025.

Publié par Elsa Guerin le | Mis à jour le
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Fabrice Lanoë, CEO HCG : 'L'IA n'est rentable que si elle est accompagnée de l'IE'

Quelles sont les tendances majeures qui ressortent du palmarès 2025 ?

Nous n'atteignons toujours pas les résultats d'il y a quatre ans, mais on observe une légère hausse de la satisfaction client. En revanche, pour la première fois, un écart important apparaît entre les entreprises en haut du classement et celles en bas. Cela s'explique d'une part par la maîtrise et l'investissement dans l'IA, mais surtout par la capacité de certaines entreprises à en faire un usage stratégique, contrairement à d'autres.

Concrètement, qu'est-ce qu'un usage stratégique de l'IA ?

Il est aujourd'hui évident que l'IA permet de dégager du temps et de fluidifier la relation client, mais cela ne suffit pas. La question essentielle est : que fait-on du temps économisé grâce à l'IA ? Une erreur fréquente consiste à supprimer l'humain et, au mieux, le remplacer par un chatbot ou des réponses automatiques. C'est le cas de 50 % des entreprises françaises qui se retrouvent en bas du classement. En sacrifiant l'humain, elles deviennent inaccessibles. Ce problème découle presque toujours d'une vision dirigée uniquement par la productivité, sans prise en compte de l'expérience client. Or, cette approche ne fonctionne plus pour fidéliser sur le long terme et encourager la recommandation.

Vous affirmez donc que l'IA ne permet pas de gains en supprimant des postes...

L'IA n'est rentable que si elle est accompagnée de l'IE, l'intelligence émotionnelle. Ce phénomène est particulièrement visible dans la grande distribution. Certaines enseignes ont mis du temps à comprendre que l'installation exclusive de caisses automatiques le dimanche, accompagnée de vigiles, ne fonctionnait pas. D'autres ont mieux réagi à cette réalité : chez Carrefour, par exemple, le concept de blablacaisse permet au personnel de prendre le temps d'échanger avec les clients, et cela fonctionne. Monoprix regagne également des parts de marché en misant sur une proximité humaine accrue avec sa clientèle. En résumé, les entreprises performantes sont celles qui investissent dans l'IA - un investissement coûteux mais indispensable - tout en réallouant le temps gagné à l'IE en responsabilisant les salariés. Ce sont eux qui font la différence.

La touche humaine fait donc toute la différence ?

Bien sûr, et d'autant plus que la communication des entreprises est aujourd'hui largement façonnée par les clients eux-mêmes, notamment via les réseaux sociaux. Ce qu'ils attendent, c'est tout simplement d'être bien écoutés. Cette dynamique repose également sur l'implication et l'exemplarité des dirigeants. Le modèle du dirigeant enfermé dans sa tour d'ivoire, éloigné du terrain, n'est plus viable ni efficace. Des figures comme Laurent Vimont, qui était président de Century 21, sont inspirantes : dès qu'une problématique lui était rapportée, il allait lui-même à la rencontre du collaborateur ou du client concerné. Cela demande du temps, mais c'est payant. Chez CITYA, ils ont développé une approche unique avec les appels romantiques, où les collaborateurs contactent chaque année leurs clients non pas pour leur vendre quelque chose, mais simplement pour prendre de leurs nouvelles. Aujourd'hui, l'humain est un facteur clé de différenciation dans le business.

L'expérience client repose donc en grande partie sur l'expérience collaborateur. Comment les réengager ?

Beaucoup de formations doivent être mises en place. Cela fonctionne très bien, par exemple, chez Disney ou dans les palaces, où l'on apprend aux employés à jouer des rôles, ce qui les protège et améliore leur engagement. Ce sont eux qui sont en première ligne et qui permettent d'assurer une symétrie des attentions. Cependant, cela ne peut fonctionner que dans un environnement de travail satisfaisant. Il est essentiel de prendre en compte les besoins spécifiques de chaque groupe de collaborateurs. Par exemple, les attentes diffèrent entre ceux travaillant en province et ceux en métropole. La question du télétravail doit également être adaptée en fonction des populations et des infrastructures disponibles. Un bon exemple est celui de Shiva, très bien classé dans ce palmarès. Lorsque j'ai demandé comment ils géraient une population de travailleurs souvent invisibilisée, à savoir ceux du service à la personne, Maxime Aiach m'a répondu qu'il avait commencé par augmenter les salaires et apporter davantage de considération aux équipes. Résultat : la fidélisation des clients a suivi.

Votre conseil pour 2025 ?

Ce palmarès permet de relire l'actualité économique en France et met en évidence un constat clair : les entreprises qui n'ont pas misé sur l'IE sont en difficulté. Il faut comprendre que nous avons du retard en IA, ce qui implique une nécessité d'accélération. Toutefois, ce qui fera notre différence, c'est l'IE. Il est essentiel de respecter le client, de prendre en compte sa demande et de lui apporter une réponse humaine. Parfois, il suffit simplement que quelqu'un décroche le téléphone.


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