Fabrice Marque (Accenture): "L'expérience client encore trop négligée"
Comment ce décalage français s'explique-t-il?
Il semblerait que les entreprises françaises osent peu sortir de leurs habitudes, et ont tendance à considérer l'expérience client comme secondaire. La nécessité de réaliser du chiffre le plus rapidement possible est à leurs yeux "la" vraie priorité. Elles ne se risquent donc pas à remettre les choses à plat concernant l'expérience client, un sujet presque tabou pour elles. Une attitude que l'on ne retrouve pas au sein des entreprises allemandes, par exemple, qui n'hésitent pas à écrire noir sur blanc les mesures à appliquer du point de vue de la relation client.
La culture du service peut aussi expliquer cet écart. Dans des pays comme la Grande-Bretagne, les États-Unis ou encore dans certains pays émergents, la culture du service est très ancrée dans les moeurs. En revanche, dans d'autres pays comme le Japon ou la Corée, la culture est davantage axée sur le produit.
Quant à la France, qui se situe entre les deux, elle reste tout de même relativement peu tournée vers les services et s'inscrit traditionnellement dans une logique produit/prix.
Les entreprises les plus avancées dans le domaine de l'expérience client ne se contentent pas de clamer que le client est au coeur de leur stratégie tel un voeu pieux, comme c'est encore trop souvent le cas... Elles se questionnent en permanence sur ce qui, au cours du process de vente, peut valoriser le client.
Comment atteindre ce degré de maturité?
Il peut être utile de nommer un responsable de l'expérience client. Certaines grandes entreprises commencent à intégrer ce poste dans leurs ressources humaines, mais cela reste une minorité. Et quand bien même ce statut existe au sein de l'entreprise, et bien qu'il n'y ait pas de rapports hiérarchiques entre eux, le poids du responsable expérience client reste relativement faible en comparaison avec celui d'un directeur commercial, d'un directeur marketing ou encore d'un directeur opérationnel. Par ailleurs, ce poste est à géométrie variable. Dans certaines entreprises, le responsable de l'expérience client n'a qu'un droit de regard sur les relations entretenues par les différentes fonctions avec la clientèle, informations qu'il remonte ensuite à la direction générale. Dans d'autres, au contraire, il s'assure pleinement de la qualité de l'expérience client pratiquée dans chaque service. Il est également envisageable que ce soit le dg qui soit responsable de l'expérience client, ce qui aura alors d'autant plus de poids.
Quoi qu'il en soit, avec ou sans responsable spécifique, il semble indispensable d'incentiver les collaborateurs des différents services quant à la qualité de leur contribution à l'expérience client. C'est le moyen le plus efficace pour abattre les silos pouvant exister entre les services et assurer une cohésion d'ensemble. Dans les faits, les commerciaux sont trop souvent les seuls collaborateurs financièrement intéressés et, qui plus est, ils le sont sur des ventes en one shot. Or, en termes d'expérience client, tout collaborateur a un rôle à jouer. Il faut donc prévoir un budget global alloué à l'expérience client, et pas seulement un budget unique par service, ce qui a pour conséquence de les cloisonner encore davantage. Et puisque l'expérience client est partagée entre tous les services, cela implique d'y accorder autant de rigueur qu'à un processus industriel.