Recherche

DossierRecrutements, montée en compétences, nouveaux profils... Comment franchir les obstacles et relever les défis ?

Les métiers de la relation client font appel à des compétences techniques, qui se conjuguent à une vraie intelligence relationnelle. Au coeur de l'expérience que va retirer le client de son contact avec la marque, ils jouent un rôle essentiel dans la préférence de marque et la croissance du business.

Publié par le
Lecture
10 min
  • Imprimer
Recrutements, montée en compétences, nouveaux profils... Comment franchir les obstacles et relever les défis ?

1 Un marché sous tension

Avec une croissance attendue à 6,25 % et une augmentation de 1,9 % du pouvoir d'achat des ménages sur 2021, les perspectives de relance sont plus qu'encourageantes ! Le marché du travail oscille quant à lui entre le vert et l'orange. L'emploi salarié a dépassé de 0,6 % son niveau d'avant crise dès la fin juin 2021, mais bon nombre de secteurs font face à de vraies difficultés à recruter. Sensible à la conjoncture économique, la relation client fait partie des fonctions où l'emploi est sous tension. La montée en puissance de l'e-commerce a entraîné une explosion des volumes d'appels et la relation client à distance reste sous pression depuis que l'aléa sanitaire s'éloigne. La digitalisation a gagné en maturité et créé de nouvelles attentes pour des échanges plus personnalisés et authentiques. Comme dans tous les autres secteurs d'activité, les collaborateurs souhaitent bénéficier de plus de flexibilité dans leur travail... Dans cette grande remise à plat des besoins et des compétences, la course aux talents ne fait que commencer ! Tous les niveaux de compétence sont très recherchés : cadres, middle management, conseillers en centre de contact... Le cabinet Robert Half a d'ailleurs inscrit le gestionnaire administration des ventes (ADV) dans sa liste des dix "jobs en or" de la rentrée 2021, que les entreprises s'arrachent pour accompagner la reprise économique. L'augmentation des flux de commandes a aussi accentué la tension sur les experts de la gestion de litiges, des pénalités et/ou du service après-vente dans les secteurs de la distribution spécialisée, de l'agroalimentaire ou encore de l'e-commerce.

Pour satisfaire les besoins, les spécialistes du recrutement doivent parfois suggérer aux entreprises de revoir leurs prétentions. « Dès que l'on cherche un profil expérimenté pour encadrer une équipe ou gérer un CRM, les candidats se font rares et les salaires montent. Sur les fonctions les plus pénuriques, les entreprises doivent accepter de mettre le prix ou recruter des profils plus jeunes », témoigne Jacques Froissant, directeur général du cabinet Altaïde. Les PME et ETI qui ont accéléré sur la transformation digitale sont désormais sur le marché. « Pour ces entreprises, recruter un directeur de la relation client est valorisant. Elles attirent des profils venant de plus grands groupes ou de spécialistes. Souvent seuls en charge de cette fonction, leurs responsabilités ne changent pas forcément beaucoup par rapport à leurs précédentes fonctions mais les candidats apprécient d'être plus directement en lien avec le marketing ou la direction », ajoute-t-il.

Après l'épreuve de la crise sanitaire, la reprise est « rapide mais déjà sous tensions », indiquait l'Insee dans sa note de conjoncture au début du mois d'octobre 2021.

2 Des profils plus experts très demandés

Certains métiers offrent une porte d'entrée dans un emploi stable mais ont du mal à attirer car ils sont souvent peu payés : 1 892 euros bruts en moyenne en 2020 pour un conseiller client chez les outsourceurs, en hausse de 2,7 % sur un an (1) . « Pour recruter des agents sur les campagnes volumiques, nous mettons en place des équipes avec des chefs de projets et de l'écoute chez les clients afin de proposer les profils adaptés », explique Julien Ridé, directeur senior de Page Personnel. « Les entreprises cherchent des profils plus experts, notamment en lien avec le digital, mais il y a toujours un fossé entre la montée en gamme des besoins et celle des candidats disponibles, qui ne suivent pas forcément le même mouvement. La gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) est un enjeu très important de la relation client », fait remarquer Coralie de Sède, responsable du centre expert tertiaire et services chez Randstad France. L'absence de promotion interne explique en partie la mobilité des salariés. Certains sont recrutés ailleurs à un salaire plus élevé ou acceptent un CDI alors qu'ils évoluaient en intérim.

Les stratégies des entreprises façonnent aussi les besoins : « Certaines choisissent d'internaliser leur service client sur les opérations les plus complexes et continuent d'externaliser les tâches à moindre valeur ajoutée. Les deux secteurs n'existeraient pourtant pas l'un sans l'autre. Les candidats peuvent aussi décider de basculer chez les outsourceurs pour accélérer leur carrière », rappelle Maïlis Ruol, consultante senior au sein d'une agence Randstad de Lyon dédiée à la relation client. Ces derniers se dotent aussi des métiers en vogue : près de 80 % des membres du SP2C ont créé en France des postes de data analyst et de coach dans leurs effectifs, 56 % des fonctions de business analyst. Chez 44 % d'entre eux, on voit émerger de métiers comme des entraîneurs de bots ou des coordinateurs de médias digitaux (1) .

La formation et l'accompagnement des collaborateurs sont des enjeux forts. « Aujourd'hui, les recruteurs sont prêts à faire l'impasse sur quelques compétences techniques faciles à rattraper si un candidat présente de bonnes compétences relationnelles, plus longues à acquérir, constate Julien Ridé. De toute façon, même un candidat qui maîtrise les outils ERP, notamment SAP, devra découvrir de nouvelles fonctionnalités en arrivant dans un nouveau poste.

Même les missions les plus classiques deviennent difficiles ! Selon la volumétrie dont les entreprises ont besoin, les ressources d'un bassin d'emploi peuvent rapidement s'épuiser...

3 Le Customer Success Manager et le Personal Shopper parmi les profils à suivre

Les responsables expérience client ou Consumer Experience Managers se rapprochent du marketing, comme le conversationnel. Il est question d'IT avec le CRM, du cloud pour la sécurité de la donnée client... Les postes data facilitent la segmentation des clientèles, la personnalisation des messages et le travail des chargés de clientèle via les fonctionnalités de conseiller augmenté.

« On voit apparaître des postes de Customer Success Manager qui vont suivre le client tout au long de sa vie dans l'entreprise avec une approche très personnalisée », observe Maïlis Ruol. Recrutés entre bac+2 et bac+5 et intégrés après deux ou trois ans d'expérience, ils accompagnent le client, le fidélisent, améliorent le service... Leur rémunération dépend du profil mais « se rapproche de celle d'un commercial itinérant, autour de 35 K€ », ajoute-t-elle. Les Personal Shoppers, qui existent dans le luxe et parfois dans les télécoms, relèvent encore du signal faible. « Ils vont sans doute se développer dans le retail, par exemple pour des clients qui veulent démarrer leur parcours en ligne avec un accompagnement très personnalisé. Pas pour de l'e-commerce à faible marge mais par exemple pour des grands magasins », précise Jacques Froissant. Altaide a chassé ce type de poste pour un retailer haut de gamme avec trois boutiques et un service e-commerce. Le profil trouvé répond aux sollicitations des clients depuis le magasin. En 2020, Randstad a recruté pour un drive multimarque un Personal Shopper qui fait les courses à la place des clients en tenant compte des préférences de chacun sur les différents produits.

Selon Maïlis Ruol, « le recouvrement devrait avoir le vent en poupe car les banques commencent à confier leurs créances à l'extérieur ». Si les compétences commerciales suffisent pour le recouvrement à l'amiable, des bac+3 à bac+5 en droit sont requis pour gérer les contentieux et développer un discours juridique. Les rémunérations oscillent de 1900 à 2 500 euros bruts, avec variable.La place de la voix du client dans les organisations est une autre tendance à suivre. Les entreprises qui deviennent plus client centric choisissent parfois de représenter cette fonction dans leurs organes de direction. Les frontières entre relation client, expérience client, opérations et marketing n'étant pas toujours extrêmement claires, le mouvement est encore loin d'être massif. Il dépend de la culture de l'entreprise comme de la composition plus ou moins large des organes de direction. Les fonctions de directeur de la relation client restant souvent assez opérationnelles, ils sont rarement représentés au Comex ou au Codir de l'entreprise, à la différence du directeur de l'expérience client (lire encadré), qui fait preuve d'une vision plus stratégique autour des attentes clients.


Devenue stratégique à tous les niveaux de l'entreprise, la fonction relation client continue de s'hybrider. De plus en plus de postes allient les métiers de la vente et de la supply chain comme le gestionnaire supply chain client.

4 Un enjeu d'attractivité

« La relation client est un métier d'avenir, mais son image n'est pas toujours très porteuse, ni valorisée. Les ventes sont davantage mises en avant que le back-office qui prend pourtant de plus en plus d'importance dans la qualité de service apportée au client. Avec le manque d'information, on recrute des candidats très expérimentés ou peu diplômés », note Julien Ridé. La fidélisation des profils en reconversion, arrivés de secteurs à l'arrêt pendant la crise (restauration, tourisme, hôtellerie...), pourrait aider à lutter contre la pénurie de talents : « Ces personnes se sont formées facilement car elles avaient acquis précédemment les qualités recherchées. Beaucoup ont découvert le métier et ont trouvé un confort dans leur travail. Elles ont toutes les compétences pour rejoindre les services clients intégrés de grandes entreprises ou prendre part à des missions très diverses chez les outsourceurs », assure Coralie de Sède.Pour attirer les candidats, les recruteurs n'hésitent plus à indiquer que le télétravail est possible. Certaines entreprises, plus rares, s'ouvrent parfois à une double localisation 100 % en télétravail dans une ville et en présentiel dans une autre. Sur la symétrie des attentions et la marque employeur, la fonction relation client ou expérience client entend aussi s'inscrire dans son temps !

Même si les entreprises continuent d'investir massivement dans la transformation de leur approche client, ce secteur souffre d'un déficit d'attractivité.

5 [Témoignage]Damien Nuyttens, directeur de l'expérience client chez Edenred

6 La fonction relation client vous semble-t-elle mieux représentée qu'auparavant dans les organes de direction des entreprises ?

Les entreprises qui misent sur la transformation par l'expérience client créent des postes qui sont représentés au Comex ou au Codir. Le prisme est généralement plus large que la relation client. Ces fonctions couvrent l'expérience client avec la voix du client et souvent le volet opérations dans lequel on trouve le service clients. Dans des grosses PME, la fonction est parfois liée au marketing.

7 Que traduit votre présence au Codir France dans la stratégie d'Edenred ?

La culture d'entreprise d'Edenred est historiquement très commerciale. Après avoir beaucoup avancé sur la digitalisation, il fallait remettre la qualité de service au coeur du projet et à la hauteur de notre position de leader sur le marché du ticket-restaurant et de la carte-cadeau. La création d'un poste client au Codir France fait émerger la voix du client dans les organes de direction à côté du commerce tout puissant et du marketing, plus centré produits. En associant l'expérience client, le parcours client, l'amélioration continue et les opérations, l'entreprise doit devenir plus customer centric. Cela permet d'initier des projets qui n'étaient pas prioritaires par le passé, et de diffuser la culture client dans l'entreprise. L'an prochain, nous lançons
des customer days et un programme d'ambassadeurs.

8 Est-ce un élément d'attractivité pour les recrutements et la mobilité interne ?

En faisant de ces métiers des fonctions prioritaires, ils deviennent plus attractifs. Nous avons déjà eu quelques mobilités internes intéressantes. C'est souvent un motif de fierté pour des collaborateurs qui, pendant longtemps, n'avaient pas été très valorisés. Lors des recrutements, les candidats cherchent à savoir quelle est notre stratégie d'expérience client, nos priorités... Le fait d'être entré au Codir et d'investir des sujets sur lesquels on crée de l'attractivité permet d'intéresser des profils de très bon niveau.

Damien Nuyttens occupe depuis mars 2021, chez Edenred, le poste nouvellement créé de directeur expérience clients et opérations. Il siège à ce titre au comité de direction France.

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page